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Regard sur 2022

L’année 2022 a marqué un tournant pour la politique monétaire de la BCE. Les perspectives d’inflation ont été brusquement altérées par l’émergence de chocs simultanés, de nature diverse. La zone euro a ainsi, en premier lieu, subi une série sans précédent de chocs négatifs au niveau de l’offre, engendrés par des perturbations de la chaîne d’approvisionnement dues à la pandémie de COVID-19, par l’invasion injustifiable de l’Ukraine par la Russie et par la crise énergétique qui en a résulté. Les coûts des consommations intermédiaires ont alors considérablement augmenté dans tous les secteurs de l’économie. Un choc positif au niveau de la demande s’est produit ensuite, sous l’effet de la réouverture de l’économie après la pandémie. Cet environnement a permis aux entreprises de répercuter la hausse de leurs coûts sur les prix demandés bien plus rapidement et fortement que par le passé.

Nous avions déjà annoncé, fin 2021, que nous réduirions progressivement les achats nets au titre de notre programme d’achats d’actifs (asset purchase programme, APP) et que nous y mettrions un terme fin mars 2022 en ce qui concerne le programme d’achats d’urgence face à la pandémie (pandemic emergency purchase programme, PEPP). Cependant, l’orientation globale de notre politique monétaire restait fortement accommodante. Elle avait en effet été définie par rapport à l’environnement de très faible inflation qui avait prévalu au cours de la décennie écoulée et aux risques déflationnistes apparus au début de la pandémie. Pour répondre rapidement au défi naissant de l’inflation, nous avons pris une série de mesures pour normaliser notre orientation monétaire.

Ainsi, en mars, nous avons accéléré la réduction de nos achats nets d’actifs dans le cadre de l’APP. En avril, nous avons annoncé notre intention de mettre fin à ces opérations au troisième trimestre. Nous avons ensuite relevé les taux d’intérêt directeurs de la BCE pour la première fois en onze ans au mois de juillet, avant de poursuivre ce resserrement lors des réunions de politique monétaire suivantes en procédant à une série de fortes hausses. Le rythme de cet ajustement a constitué un signal fort de notre détermination à ralentir l’inflation, et a contribué à ancrer les anticipations d’inflation alors même que la hausse des prix à la consommation s’accélérait.

En parallèle, dans un contexte de normalisation de la politique monétaire, nous avons pris des mesures visant à préserver une bonne transmission de notre orientation, dans toute la zone euro, à travers les marchés financiers. Nous y sommes parvenus grâce à deux mesures essentielles. Premièrement, nous avons décidé de faire preuve de souplesse dans le réinvestissement des titres du portefeuille PEPP arrivant à échéance afin de contrer les risques liés à la pandémie pesant sur le mécanisme de transmission de la politique monétaire. Deuxièmement, nous avons lancé un nouvel instrument de protection de la transmission.

Devant l’évolution des perspectives d’inflation, il est néanmoins devenu manifeste que le retour à une orientation monétaire globalement neutre ne suffirait pas. Selon nos projections, l’inflation devait atteindre des niveaux trop largement supérieurs à notre objectif à moyen terme de 2 %, pendant une trop longue période, et certains signes indiquaient qu’elle devenait plus persistante, les tensions sur les prix se généralisant et l’inflation sous-jacente se renforçant. Un tel environnement exigeait que nous portions les taux d’intérêt à des niveaux restrictifs en vue de freiner la demande.

En décembre, à l’issue de notre dernière réunion de politique monétaire de l’année, nous avons par conséquent annoncé que les taux d’intérêt devraient encore être augmentés sensiblement à un rythme régulier, afin d’atteindre des niveaux suffisamment restrictifs pour assurer un retour au plus tôt de l’inflation au niveau de notre objectif. Nous avons de plus indiqué que, même si les taux d’intérêt directeurs de la BCE étaient notre principal instrument pour définir l’orientation de la politique monétaire, nous allions amorcer une réduction du portefeuille de titres détenus en vertu de l’APP à partir de mars 2023, à un rythme mesuré et prévisible. Ces annonces ont fait suite à la décision, en octobre, de recalibrer les conditions applicables à la troisième série d’opérations ciblées de refinancement à plus long terme, levant un frein aux remboursements anticipés volontaires des emprunts. Les actifs détenus à des fins de politique monétaire ont diminué d’environ 830 milliards d’euros environ entre fin juin (interruption des achats nets d’actifs) et fin décembre, contribuant ainsi à la normalisation de notre bilan.

Outre les mesures que nous avons adoptées pour lutter contre une inflation élevée, nous avons continué d’étudier et de traiter les menaces plus larges que le changement climatique fait peser sur notre mandat. En 2022, nous avons en effet davantage intégré les considérations liées au changement climatique dans nos opérations de politique monétaire. Nous avons, notamment, effectué un premier test de résistance climatique de plusieurs expositions financières inscrites à notre bilan, et amélioré la prise en compte des effets du changement climatique dans notre modélisation macroéconomique. Depuis octobre, nous avons entamé la décarbonation des avoirs en obligations d’entreprise détenus dans nos portefeuilles de politique monétaire en les réorientant vers des émetteurs qui présentent de meilleures performances climatiques. Nous avons également décidé de limiter la part des actifs émis par des sociétés non financières à forte empreinte carbone pouvant être apportés en garantie dans le cadre d’emprunts contractés auprès de l’Eurosystème.

Toujours en 2022, nous avons poursuivi nos efforts pour rester à la pointe de l’évolution technologique dans les systèmes de paiement et les infrastructures de marché. Nous nous sommes ainsi préparés en vue de la transition de TARGET2 vers un nouveau système plus sophistiqué de règlement brut en temps réel, et avons pris plusieurs mesures visant à garantir, au niveau européen, l’accessibilité des prestataires au système de règlement des paiements instantanés TARGET (TARGET Instant Payment Settlement, TIPS). Les opérations de paiement instantané effectuées par l’intermédiaire de TIPS ont été multipliées par 17 en 2022 par rapport à 2021.

L’année sous revue a également été marquée par le vingtième anniversaire de l’introduction des billets et des pièces en euros, une étape importante de l’histoire européenne et un symbole tangible de l’intégration européenne. À ce jour, les espèces restent le mode de règlement le plus fréquemment utilisé par les Européens, représentant près de 60 % des paiements, et la monnaie fiduciaire continuera, à n’en pas douter, à jouer un rôle majeur dans la vie de chacun. Pour autant, au vu de la numérisation croissante de l’économie, nous devons veiller à ce que les Européens aient également accès à des moyens de paiement numériques sûrs, efficaces et pratiques. C’est pourquoi l’Eurosystème étudie la possibilité d’émettre un euro numérique. Dans le cadre de la phase d’étude en cours, l’Eurosystème a approuvé en 2022 les principaux cas d’utilisation et adopté plusieurs décisions essentielles relatives à sa conception.

La Croatie a par ailleurs rejoint la zone euro le 1er janvier 2023. Ce nouvel élargissement est la preuve de l’attractivité sans cesse renouvelée de la monnaie unique, qui représente un gage de stabilité pour les pays qui l’adoptent.

Pour conclure, je tiens à dire que rien de ce qui précède n’aurait été possible sans le dévouement des personnels de la BCE et leur détermination collective à servir les Européens.

Francfort-sur-le Main, mai 2023

Christine Lagarde

Présidente

L’année en chiffres

1 Inflation élevée dans un contexte d’incertitude croissante et de ralentissement de la croissance économique

La croissance mondiale a décéléré en 2022. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’inflation élevée et le durcissement des conditions financières ont pesé sur les économies de marché avancées et émergentes. Les tensions inflationnistes mondiales ont significativement augmenté, alimentées par le niveau élevé et la volatilité des prix des matières premières, les goulets d’étranglement au niveau de l’offre et les tensions sur les marchés du travail. L’euro s’est affaibli vis-à-vis du dollar, mais s’est apprécié vis-à-vis de nombreuses autres devises, et a ainsi été plus stable en termes effectifs nominaux.

L’inflation dans la zone euro a augmenté pour s’établir à 8,4 % en 2022, après 2,6 % en 2021, reflétant principalement une forte hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires provoquée par la guerre en Ukraine. Les goulets d’étranglement antérieurs au niveau de l’offre et la demande latente résultant de la pandémie de coronavirus (COVID-19), associés aux coûts élevés des consommations intermédiaires dans la production dus à la hausse des prix de l’énergie, ont accru les tensions sur les prix dans de nombreux secteurs de l’économie. Après un premier semestre 2022 soutenu, quand le secteur des services en particulier bénéficiait de la levée des restrictions liées à la pandémie, la croissance s’est ralentie dans la zone euro, en raison principalement des effets liés à la guerre en Ukraine.

1.1 Ralentissement de l’activité économique dans l’ensemble des économies de marché avancées et émergentes

La guerre menée par la Russie en Ukraine a pesé sur la croissance économique mondiale, en accentuant l’incertitude et l’inflation

La croissance économique mondiale est tombée à 3,4 % en 2022, après 6,4 % en 2021, la guerre menée par la Russie en Ukraine et d’autres facteurs géopolitiques ayant créé de l’incertitude, l’inflation a augmenté et les conditions financières se sont durcies. Le ralentissement a été généralisé dans l’ensemble des économies de marché avancées et émergentes (graphique 1.1, partie a). Il a fait suite à une forte reprise en 2021, principalement due à l’assouplissement des restrictions liées à la pandémie et à la hausse de la demande mondiale qui a suivi. Début 2022, la guerre en Ukraine a provoqué un autre choc majeur sur l’économie mondiale, entraînant une forte hausse et une volatilité très élevée des prix des matières premières, et compromettant la sécurité alimentaire, en particulier pour les économies de marché émergentes. La hausse des prix de l’énergie et des produits alimentaires a amplifié les tensions inflationnistes au niveau mondial, réduisant les revenus disponibles réels des ménages et amenant les banques centrales à resserrer rapidement leur politique monétaire. Dans un environnement de hausse des taux d’intérêt, de baisse des valorisations boursières et d’aversion au risque accrue, les conditions financières mondiales se sont significativement durcies.

Graphique 1.1

Évolutions du PIB et des échanges commerciaux au niveau mondial

(variations annuelles en pourcentage)

Sources : Haver Analytics, sources nationales et calculs de la BCE.
Notes : Partie a) : les agrégats sont calculés à partir du PIB corrigé à l’aide des pondérations des parités de pouvoir d’achat. Les barres indiquent les données. Les lignes en pointillés indiquent les moyennes de long terme (entre 1999 et 2022). Les dernières observations se rapportent à 2022 et ont été actualisées le 18 avril 2023. Partie b) : la croissance du commerce mondial est définie comme la croissance des importations mondiales (zone euro comprise). Les barres indiquent les données. Les lignes en pointillés indiquent les moyennes de long terme (entre 1999 et 2022). Les dernières observations se rapportent à 2022 et ont été actualisées le 18 avril 2023.

La croissance du commerce mondial a décéléré en 2022

La croissance du commerce mondial a diminué en 2022, même si elle est restée supérieure à sa moyenne historique (graphique 1.1, partie b). La baisse résulte essentiellement de la faiblesse de l’activité manufacturière. Au premier semestre de l’année, le commerce mondial résistait encore relativement bien étant donné que les effets de la guerre menée par la Russie en Ukraine et la persistance des goulets d’étranglement au niveau de l’offre ont été en partie compensés par la reprise des services de voyage et de transport à mesure de l’assouplissement des restrictions liées à la pandémie. Au second semestre de l’année, en revanche, le commerce s’est significativement ralenti, reflétant en particulier la baisse des importations des économies de marché émergentes. Si l’intégration des chaînes de valeur mondiales stagne depuis la crise financière mondiale, la pandémie et les évolutions géopolitiques ont accru les incitations pour les entreprises à revenir à une production domestique et à diversifier leurs fournisseurs, ce qui pourrait à l’avenir entraîner une fragmentation des chaînes de valeur mondiales.

Au niveau mondial, l’inflation totale et l’inflation hors énergie et produits alimentaires ont significativement augmenté

Les tensions inflationnistes mondiales, qui se reflètent dans les mesures de l’inflation totale ainsi que dans les mesures de l’inflation hors énergie et produits alimentaires, ont significativement augmenté en 2022 (graphique 1.2). Les tensions inflationnistes ont été alimentées par le niveau élevé et la volatilité des prix des matières premières, les goulets d’étranglement au niveau de l’offre au niveau mondial, les effets prolongés de la réouverture de l’économie après la pandémie et les tensions sur les marchés du travail. Dans les pays appartenant à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), l’inflation totale a atteint un pic à 10,7 % en octobre en données agrégées, puis a commencé à diminuer. L’inflation hors énergie et produits alimentaires a atteint un point haut le même mois, à 7,8 %. Dans la plupart des pays, la forte hausse de l’inflation au premier semestre de l’année reflète principalement le renchérissement des matières premières. La hausse de l’inflation hors énergie et produits alimentaires observée plus tard dans l’année a été le signe que les tensions inflationnistes se sont de plus en plus généralisées, à la fois dans les économies de marché avancées et émergentes. Les tensions inflationnistes sous-jacentes ont également été alimentées par des tensions croissantes sur les salaires, les marchés du travail dans les principales économies avancées demeurant tendus malgré le ralentissement de l’activité économique mondiale.

Graphique 1.2

Taux d’inflation dans l’OCDE

(variations annuelles en pourcentage, données mensuelles)

Source : OCDE.
Note : Les dernières observations se rapportent à décembre 2022 et ont été actualisées le 18 avril 2023.

Les prix de l’énergie ont augmenté après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais se sont modérés dans une certaine mesure du fait de la baisse de la demande d’énergie et de la hausse des importations de GNL

Les prix de l’énergie ont fortement augmenté en 2022, mais se sont modérés dans une certaine mesure vers la fin de l’année. Les prix du pétrole ont augmenté de 6 %, sous l’effet des perturbations de l’approvisionnement, principalement en raison de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui a provoqué une envolée des prix du pétrole au printemps. Les perturbations de l’approvisionnement ont été en partie contrebalancées par la baisse de la demande dans un contexte de ralentissement économique mondial et de confinements en Chine. L’invasion de l’Ukraine et la réduction des approvisionnements en gaz en Europe ont également entraîné des flambées sans précédent des prix européens du gaz, qui ont augmenté de plus de 240 % immédiatement après l’invasion menée par la Russie par rapport au début de l’année. La forte hausse des prix du gaz a significativement marqué les prix européens de l’énergie en général, car elle a également entraîné une augmentation des prix de gros de l’électricité. Les prix du gaz se sont modérés au quatrième trimestre, l’augmentation des importations de gaz naturel liquéfié (GNL) et les mesures d’économie de gaz signifiant que l’UE disposait de niveaux élevés de stockage du gaz en début de saison de chauffage, ce qui a donné lieu, fin 2022, à des prix du gaz largement comparables aux niveaux d’avant l’invasion, mais toutefois supérieurs de 14 % à ceux enregistrés en début d’année.

L’euro s’est déprécié vis-à-vis du dollar, mais a été plus stable en termes effectifs nominaux

En 2022, l’euro s’est déprécié de 6 % par rapport au dollar, mais a été plus stable en termes effectifs nominaux (+ 0,8 %), tout en affichant une forte variation au cours de l’année. Le dollar s’est renforcé vis-à-vis de la plupart des autres devises, le Système fédéral de réserve américain ayant resserré sa politique monétaire et le sentiment mondial à l’égard du risque étant modéré. L’euro a également été soumis à des pressions provenant des prix élevés de l’énergie et de la détérioration des perspectives économiques pour la zone euro. Toutefois, il s’est apprécié par rapport aux autres principales devises, telles que la livre sterling, le yen japonais et le renminbi chinois.

Parmi les principaux risques pesant sur les perspectives de croissance économique mondiale fin 2022, dans un contexte de forte incertitude, on comptait les répercussions plus importantes de la guerre en Ukraine, les effets de contagion d’un ralentissement plus significatif de l’économie chinoise et le durcissement des conditions financières dû à un retrait plus rapide des mesures de relance monétaire dans les principales économies avancées. Ce dernier risque a été vu comme un facteur pouvant potentiellement entraîner des sorties de capitaux plus significatives hors des économies de marché émergentes ainsi que des perturbations sur les marchés financiers. De plus, les marchés mondiaux des matières premières sont demeurés sensibles aux risques en matière d’approvisionnement. Une augmentation des prix des matières premières et une plus forte transmission à la hausse des prix à la consommation éroderaient plus significativement le pouvoir d’achat et pourraient peser sur la demande mondiale. Un regain de tensions dans les chaînes d’approvisionnement mondiales et une fragmentation croissante du système des échanges mondiaux pourraient aussi freiner la croissance et alimenter l’inflation.

1.2 La croissance s’est sensiblement ralentie dans la zone euro au cours de l’année 2022

Le PIB en volume de la zone euro a augmenté de 3,5 % en 2022, après une hausse de 5,3 % en 2021, l’économie se redressant après la récession liée à la pandémie (graphique 1.3). En 2022, la croissance a principalement reflété une contribution solide de la demande intérieure. À la fin de l’année, la production dans la zone euro était supérieure de 2,4 % à son niveau d’avant la pandémie, c’est-à-dire par rapport au dernier trimestre 2019. Toutefois, les performances en matière de croissance ont sensiblement varié d’un pays à l’autre, reflétant les structures économiques différentes et la mesure dans laquelle chaque pays a bénéficié de la réouverture du secteur des services et a été affecté par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Avec l’essoufflement du fort rebond de la demande de services nécessitant de nombreux contacts observé au premier semestre 2022, la flambée des prix de l’énergie a commencé à freiner les dépenses et la production dans l’ensemble de l’économie. La zone euro a également ressenti l’impact du fléchissement de la demande mondiale et du resserrement de la politique monétaire dans de nombreuses grandes économies dans un contexte d’incertitude économique élevée et de recul de la confiance des entreprises et des ménages.

Graphique 1.3

PIB en volume de la zone euro

(variations annuelles en pourcentage ; contributions en points de pourcentage)

Source : Eurostat.
Note : Les dernières observations se rapportent à 2022.

Le soutien de la politique monétaire a été supprimé, tandis que la politique budgétaire a offert une protection contre les hausses des prix de l’énergie

En 2022, le soutien de la politique monétaire a été supprimé, tandis que les politiques budgétaires se sont concentrées sur la protection contre les hausses des prix de l’énergie. Même si la normalisation de l’orientation de la politique monétaire a débuté en décembre 2021, la politique monétaire est demeurée globalement accommodante, en particulier au premier semestre de l’année. Au second semestre de l’année, toutefois, le soutien monétaire a été rapidement retiré, par étapes d’une ampleur sans précédent (cf. section 2.1). Les gouvernements de la zone euro ont introduit des mesures de politique budgétaire afin d’atténuer l’impact des prix élevés de l’énergie. Les mesures étaient en grande partie non ciblées, au lieu de viser principalement à protéger les ménages et les entreprises les plus vulnérables. Environ la moitié des mesures ont eu un impact sur le coût marginal de la consommation d’énergie au lieu d’être conçues de manière à ne pas aller à l’encontre des incitations à réduire la consommation d’énergie. Dans le même temps, des politiques structurelles ont continué d’être menées afin d’accroître le potentiel de croissance de la zone euro. La mise en œuvre en cours des plans d’investissement et de réformes structurelles prévus par les pays dans le cadre du programme Next Generation EU (NGEU) a apporté une contribution importante à la réalisation de ces objectifs.

La consommation privée a été affectée par plusieurs chocs, mais elle a bien résisté dans l’ensemble

La consommation privée a bien résisté en 2022, le revenu du travail étant resté solide et l’épargne ayant soutenu la demande latente (graphique 1.4). La dynamique positive a été principalement favorisée par la consommation de services, qui a fortement augmenté grâce à la levée des restrictions liées à la pandémie. Néanmoins, la croissance de la consommation privée s’est ralentie au cours de l’année, en raison de la faiblesse des dépenses consacrées aux biens non durables, dans un contexte de fléchissement de la croissance du revenu disponible réel et d’incertitude durable. Globalement, les dépenses des ménages ont augmenté de 4,3 % en 2022. Sous l’effet de la forte croissance de l’emploi et de l’accélération progressive des salaires, le revenu du travail, qui est généralement davantage utilisé pour consommer que les autres sources de revenus, a été le principal contributeur à la croissance du revenu disponible en 2022. Toutefois, la hausse de l’inflation a de plus en plus pesé sur le revenu disponible réel vers la fin de l’année, contrebalançant les effets favorables de la résilience du marché du travail et du soutien budgétaire.

Graphique 1.4

Consommation privée réelle dans la zone euro

(variations annuelles en pourcentage ; contributions en points de pourcentage)

Sources : Eurostat et calculs de la BCE.
Note : Les dernières observations se rapportent au quatrième trimestre 2022.

L’investissement a été confronté à la hausse des coûts de l’énergie et des coûts de financement dans un contexte d’incertitude élevée

La croissance de l’investissement hors construction – qui constitue une approximation de l’investissement privé hors immobilier résidentiel – a fluctué fortement en 2022 (graphique 1.5) [1]. En excluant la composante particulièrement volatile relative à l’investissement incorporel en Irlande [2], la croissance de l’investissement hors construction s’est ralentie tout au long de l’année. Elle a entamé l’année sur un rythme solide, dopée par la demande élevée, la robustesse des bénéfices des entreprises et des conditions de financement favorables, dans le sillage de la levée des restrictions liées à la pandémie. Toutefois, la guerre menée par la Russie en Ukraine et la crise énergétique qui en résulte, ainsi que la réduction des mesures de relance monétaire ont impliqué une hausse des coûts de l’énergie et des coûts de financement pour les entreprises. Conjuguées au ralentissement de la demande intérieure et de la demande mondiale dans un environnement d’incertitude élevée, ces évolutions ont réduit leurs incitations à investir. Fin 2022, l’investissement hors construction était nettement inférieur à son niveau du quatrième trimestre 2019, qui avait été dopé par une augmentation considérable de l’investissement incorporel. En excluant les actifs incorporels irlandais, il s’était déjà redressé fin 2020. Globalement, l’investissement hors construction a augmenté de 5,2 % en 2022.

Graphique 1.5

Investissement réel dans la zone euro

(variations trimestrielles en pourcentage ; contributions en points de pourcentage)

Sources : Eurostat et calculs de la BCE.
Note : Les dernières observations se rapportent au quatrième trimestre 2022.

L’investissement dans l’immobilier résidentiel a augmenté à un rythme soutenu au premier trimestre 2022, la demande de logements bénéficiant de conditions de financement favorables, de l’accumulation d’un stock d’épargne important et des mesures de soutien du revenu. Toutefois, il a enregistré un recul au cours des trimestres suivants, en raison d’un affaiblissement de la demande sous l’effet de la hausse des taux hypothécaires et de l’incertitude liée à la guerre en Ukraine, tandis que l’offre a pâti de l’envolée des coûts résultant des pénuries de matériaux et de main-d’œuvre. Fin 2022, l’investissement dans l’immobilier résidentiel était supérieur de 3 % environ à son niveau d’avant la pandémie, affichant une croissance de 1,1 % pour l’ensemble de l’année.

Les échanges commerciaux ont été affectés par la hausse des coûts de l’énergie, les goulets d’étranglement au niveau des chaînes d’approvisionnement et le fléchissement de la demande mondiale

Le solde des échanges de biens de la zone euro a enregistré un déficit en 2022, principalement en raison du coût plus élevé des importations d’énergie et de la faible performance des exportations. Du côté des importations, la croissance robuste alimentée par la constitution de stocks d’énergie et l’augmentation des importations de biens intermédiaires s’est accompagnée d’une forte hausse des prix, en particulier en ce qui concerne les importations d’énergie. Les exportations de biens ont été freinées par une nouvelle intensification des goulets d’étranglement au niveau des chaînes d’approvisionnement au premier semestre 2022. Elles sont par conséquent restées modérées, la demande mondiale ayant fléchi, tandis que les problèmes sur les chaînes d’approvisionnement ne se sont atténués que progressivement. En revanche, les exportations de services, en particulier de services liés au tourisme, ont bénéficié de l’assouplissement et de la suppression progressive des restrictions liées à la pandémie. Dans l’ensemble, la contribution des échanges à la croissance du PIB de la zone euro a été globalement neutre en 2022.

Marchés du travail

Le marché du travail a continué de bien résister dans l’ensemble en 2022

Parallèlement au rebond de l’activité économique dans la zone euro, le marché du travail a continué de se redresser fortement après la pandémie. Au quatrième trimestre 2022, l’emploi total et le total des heures travaillées avaient dépassé leurs niveaux du quatrième trimestre 2019 de 2,3 % et 0,6 %, respectivement (graphique 1.6). Le taux d’activité de la tranche d’âge des 15-74 ans a augmenté pour atteindre 65,2 % au quatrième trimestre 2022, 0,5 point de pourcentage au-dessus de son niveau du quatrième trimestre 2019. En ligne avec la croissance de l’emploi, le taux de chômage a continué de diminuer, revenant d’un niveau déjà historiquement bas de 6,9 % en janvier 2022 à 6,7 % fin 2022 (graphique 1.7). Le recours aux dispositifs de maintien de l’emploi, qui avaient permis de limiter les licenciements durant la crise, a diminué et les travailleurs bénéficiant de ces dispositifs ont en grande partie retrouvé leur temps de travail normal.

Graphique 1.6

Emploi, nombres d’heures travaillées et taux d’activité

(échelle de gauche : indice, T4 2019 = 100 ; échelle de droite : en pourcentage de la population en âge de travailler)

Sources : Eurostat et calculs de la BCE.
Note : Les dernières observations se rapportent au quatrième trimestre 2022.

Graphique 1.7

Chômage et population active

(échelle de gauche : variations trimestrielles en pourcentage, contributions en points de pourcentage ; échelle de droite : en pourcentage de la population active)

Sources : Eurostat et calculs de la BCE.
Note : Les dernières observations se rapportent au quatrième trimestre 2022.

En 2022, le marché du travail de la zone euro a continué de bien résister dans l’ensemble malgré la guerre menée par la Russie en Ukraine, comme l’indiquent également les niveaux toujours élevés de postes vacants constatés vers la fin de l’année. Cependant, les évolutions du marché du travail et les indicateurs tirés d’enquêtes relatifs à la demande de main-d’œuvre se sont modérés au second semestre de l’année. L’encadré 1 compare les évolutions des marchés du travail aux États-Unis et dans la zone euro afin de mieux comprendre les différences et les similitudes s’agissant des moteurs de la reprise après à la pandémie et des perspectives d’évolution de l’emploi et des salaires.

1.3 Les mesures de politique budgétaire pour répondre à la crise du coût de la vie

Le ratio de déficit des administrations publiques de la zone euro a diminué en 2022, l’expiration des mesures liées à la pandémie n’étant que partiellement compensée par de nouvelles mesures de soutien

En 2022, les gouvernements de la zone euro ont été confrontés, pour la troisième année consécutive, à de nouveaux défis nécessitant des politiques budgétaires réactives. Le ratio de déficit des administrations publiques de la zone euro est revenu à 3,5 % du PIB en 2022, après 5,1 % en 2021 (graphique 1.8), l’expiration des mesures de soutien liées à la pandémie n’étant que partiellement compensée par de nouvelles mesures de soutien. Ces dernières visaient à contrer l’augmentation des prix de l’énergie et leurs conséquences, à savoir la hausse du coût de la vie pour les ménages et l’accroissement des coûts pour les entreprises. Dans une moindre mesure, elles ont également financé les dépenses liées à la guerre menée par la Russie en Ukraine. Les mêmes évolutions se reflètent dans l’orientation budgétaire, qui s’est légèrement durcie en 2022 pour la deuxième année consécutive [3]. Toutefois, comme le montre le graphique ci-après, à peine un peu plus du tiers de l’assouplissement observé en 2020 s’est inversé jusqu’à présent.

Graphique 1.8

Solde des administrations publiques et orientation budgétaire de la zone euro

(en pourcentage du PIB)

Sources : Projections macroéconomiques pour la zone euro établies par les services de l’Eurosystème, décembre 2022 et calculs de la BCE.
Note : La mesure de l’orientation budgétaire tient compte des dépenses financées par la facilité pour la reprise et la résilience du programme NGEU et par d’autres fonds structurels de l’UE.

Mais les mesures liées à l’inflation et à la guerre menée par la Russie en Ukraine ont été vastes et d’une grande portée

Lorsque les prix de l’énergie ont commencé à augmenter plus fortement fin 2021, les gouvernements de la zone euro ont mis en place des mesures de soutien s’élevant à environ 0,2 % du PIB. Ces mesures comprenaient des subventions, des réductions de la fiscalité indirecte et des transferts aux ménages et aux entreprises. En 2022, avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les gouvernements ont rapidement augmenté ces mesures pour les porter à environ 1,9 % du PIB (graphique 1.9), incluant également des transferts en capital aux entreprises productrices d’énergie. En outre, les gouvernements ont augmenté le soutien public de 0,2 % du PIB en raison, entre autres, des dépenses liées aux réfugiés et des dépenses militaires. Les mesures de soutien en matière d’énergie et d’inflation n’ont été compensées que de façon limitée par de nouvelles mesures de financement, telles qu’une fiscalité directe plus élevée pour les producteurs d’énergie réalisant d’importants bénéfices exceptionnels. Cela signifie que leur effet budgétaire net est resté significatif, à environ 1,7 % du PIB. Au total, le soutien discrétionnaire brut (le soutien en matière d’énergie et d’inflation ainsi que les dépenses liées aux réfugiés et les dépenses militaires) s’est donc établi à 2,1 % du PIB de la zone euro et, net des nouveaux financements, à 1,9 % du PIB (graphique 1.10).

Graphique 1.9

Soutien budgétaire de la zone euro lié aux prix de l’énergie et à l’inflation élevés

(en pourcentage du PIB, niveaux annuels)

Sources : Projections macroéconomiques pour la zone euro établies par les services de l’Eurosystème, décembre 2022 et calculs de la BCE.
Notes : Les chiffres positifs indiquent un soutien budgétaire. Les barres et les totaux représentent le soutien budgétaire brut. L’impact net montre le soutien brut moins les mesures de financement discrétionnaires pour le besoin indiqué, telles qu’identifiées par les services de l’Eurosystème.

Graphique 1.10

Soutien budgétaire de la zone euro lié aux prix élevés de l’énergie, à l’inflation et à la guerre menée par la Russie en Ukraine

(en pourcentage du PIB de 2022, niveaux annuels)

Sources : Projections macroéconomiques pour la zone euro établies par les services de l’Eurosystème, décembre 2022 et calculs de la BCE.
Notes : Les chiffres positifs indiquent un soutien budgétaire. Les barres et les totaux représentent le soutien budgétaire brut. L’impact net montre le soutien brut moins les mesures de financement discrétionnaires pour le besoin indiqué, telles qu’identifiées par les services de l’Eurosystème.

Le ciblage des mesures de soutien public a été limité

Les mesures de soutien devraient être temporaires, cibler les ménages et les entreprises les plus vulnérables, et être conçues de manière à ne pas aller à l’encontre des incitations à réduire la consommation d’énergie. Les mesures budgétaires qui ne respectent pas ces principes sont susceptibles d’exacerber les tensions inflationnistes, ce qui exigerait une réponse de politique monétaire plus forte, et de peser sur les finances publiques. Étant donné qu’une faible part de ces mesures était ciblée (12 % selon les projections de décembre 2022 établies par les services de l’Eurosystème [4]), il est essentiel que les gouvernements adaptent ces mesures en conséquence.

Des chocs successifs sur les finances publiques accentuent la nécessité de politiques budgétaires prudentes à moyen terme

La pandémie, la guerre menée par la Russie en Ukraine et les dépenses budgétaires destinées à compenser les taux d’inflation élevés représentent des chocs successifs majeurs sur les finances publiques. Ces chocs sont intervenus dans un contexte de ratios dette publique/PIB déjà élevés. Si la pandémie a entraîné des coûts élevés pour les finances publiques et si la guerre en Ukraine a accentué les risques pesant sur les perspectives de croissance économique, l’impact net du choc inflationniste sur les niveaux de la dette est moins clair. Même si l’augmentation des recettes fiscales exercera un certain effet baissier sur le ratio de la dette, l’inflation élevée a entraîné une normalisation de la politique monétaire et donc une augmentation des coûts de financement. En outre, les dépenses publiques ont tendance à finir par rattraper les recettes, tandis que l’inflation affecte négativement la croissance de la production.

Les pressions sur les finances publiques devraient s’accentuer

Les pressions sur les finances publiques devraient s’accentuer. Elles résulteront, entre autres facteurs, de la nécessité d’accélérer la transition énergétique et d’accroître les investissements dans une économie plus verte et plus numérique, en plus de l’augmentation des coûts budgétaires due au vieillissement de la population. Il est donc important de remédier à la vulnérabilité accrue des finances publiques de la zone euro grâce à des réformes propices à la croissance ainsi qu’à une réduction progressive des ratios de dette élevés. Cela nécessitera une mise en œuvre rapide des plans d’investissement et de réformes structurelles prévus dans le cadre du programme Next Generation EU ainsi que des politiques budgétaires prudentes pour les années à venir.

1.4 Une forte hausse de l’inflation dans la zone euro

L’inflation totale dans la zone euro, mesurée par l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), s’est établie à 8,4 % en moyenne en 2022, en forte hausse par rapport à la moyenne de 2,6 % enregistrée en 2021. L’inflation a fortement augmenté tout au long de l’année, pour s’inscrire à des niveaux élevés proches de 10 % en glissement annuel sur les derniers mois de 2022. Les prix de l’énergie ont été la composante la plus importante à l’origine de la hausse de l’inflation totale, et les prix des produits alimentaires ont également vu leur hausse s’accélérer, en particulier après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février. En outre, la persistance des goulets d’étranglement au niveau de l’offre pour les biens industriels, la reprise de la demande qui a suivi l’assouplissement des restrictions liées à la pandémie, en particulier dans le secteur des services, et la dépréciation de l’euro ont alimenté les tensions inflationnistes (graphique 1.11). Globalement, les tensions sur les prix se sont propagées à un nombre croissant de secteurs, en partie du fait des effets indirects des coûts élevés de l’énergie dans l’ensemble de l’économie. La divergence des taux d’inflation d’un pays de la zone euro à l’autre s’est également significativement accentuée, reflétant principalement des degrés différents d’exposition aux chocs sur les prix des matières premières et de l’énergie. La plupart des mesures de l’inflation sous-jacente ont enregistré une augmentation importante au cours de l’année. Fin 2022, on prévoyait que les facteurs à l’origine de la hausse de l’inflation se dissiperaient et que l’inflation se ralentirait au cours de l’année 2023.

Graphique 1.11

Inflation totale et ses composantes principales

(variations annuelles en pourcentage ; contributions en points de pourcentage)

Sources : Eurostat et calculs de la BCE.
Note : Les dernières observations se rapportent à décembre 2022.

Les prix de l’énergie et des produits alimentaires ont alimenté l’inflation

Les évolutions de la composante énergie ont représenté directement près de la moitié de la hausse de l’inflation totale en 2022. La hausse des prix de l’énergie, déjà élevée au début de l’année, a ensuite fortement augmenté après l’invasion de l’Ukraine par la Russie en raison des inquiétudes liées aux perturbations potentielles de l’offre d’énergie. En octobre, la hausse des prix de l’énergie a atteint 41,5 %, avec d’importantes contributions des prix du gaz et de l’électricité, dont les prix de gros sous-jacents ont été découplés des prix du pétrole. Les gouvernements ont adopté d’importantes mesures budgétaires qui ont permis d’atténuer légèrement les effets à court terme de la hausse des prix de l’énergie (cf. section 1.3). L’intensité variable de ces mesures a contribué aux différences entre les pays de la zone euro en ce qui concerne le renchérissement de l’énergie, les États baltes enregistrant les valeurs les plus élevées. L’envolée des coûts de l’énergie a également exercé des tensions à la hausse significatives sur les prix des produits alimentaires, en les affectant avec différents retards. La guerre en Ukraine a également exercé un impact plus direct sur les prix des produits alimentaires, la Russie et l’Ukraine étant d’importants exportateurs de céréales et de minéraux utilisés dans la production d’engrais [5]. La contribution de la hausse des prix de l’ensemble des produits alimentaires à l’inflation totale mesurée par l’IPCH a atteint 2,9 points de pourcentage en décembre 2022, soit un niveau bien supérieur à celui observé en 2021, reflétant une hausse des composantes produits alimentaires non transformés comme des produits alimentaires transformés.

L’inflation sous-jacente a fortement augmenté, avec des signes de stabilisation à la fin de l’année

Les indicateurs de l’inflation sous-jacente ont fortement augmenté en 2022, avec toutefois des signes de stabilisation vers la fin de l’année. L’inflation mesurée par l’IPCH hors énergie et produits alimentaires était, à 2,3 %, déjà supérieure à la cible d’inflation de la BCE au début de l’année et a atteint 5,2 % en décembre. En moyenne, la hausse des prix des biens industriels non énergétiques est ressortie à 4,6 % en 2022, tandis que celle des services a atteint 3,5 %. Les tensions sur les prix ont largement résulté des mêmes facteurs : des augmentations très fortes des coûts des consommations intermédiaires, liées en partie à la hausse des prix des matières premières énergétiques, et des facteurs liés à la pandémie tels que les goulets d’étranglement mondiaux au niveau de l’offre et les effets de réouverture. La dépréciation de l’euro au cours de la majeure partie de l’année a également contribué aux tensions inflationnistes. À mesure que les perturbations des chaînes d’approvisionnement se sont progressivement atténuées au cours du second semestre 2022 et que les prix des matières premières ont diminué, les tensions en amont de la chaîne des prix se sont modérées après l’été. Pourtant, les effets de transmission différés ont maintenu l’inflation à des niveaux élevés. La demande latente qui s’est exprimée après la levée des restrictions liées à la pandémie a contribué à un environnement favorable en matière de fixation des prix pour les entreprises, en particulier pour les services nécessitant de nombreux contacts. Dans l’ensemble, les tensions sur les prix sont devenues de plus en plus persistantes et généralisées, entraînant l’augmentation de tous les indicateurs de l’inflation sous-jacente.

Les tensions sur les salaires ont augmenté vers la fin de l’année, dans un contexte de robustesse des marchés du travail et de compensation de l’inflation élevée

En moyenne, les tensions d’origine interne sur les coûts dans la zone euro, mesurées par la croissance du déflateur du PIB, ont augmenté de 4,7 % en 2022, poursuivant la trajectoire amorcée en 2021 (graphique 1.12). Les tensions liées aux évolutions des salaires sont restées modérées au premier semestre 2022, mais se sont accentuées vers la fin de l’année. La croissance annuelle de la rémunération par tête a augmenté en 2022, atteignant 4,5 % en moyenne, après 3,9 % en 2021, et 1,7 % en moyenne pendant la période pré-pandémie (entre 2015 et 2019). Par rapport à l’année précédente, cette hausse a en partie résulté d’une augmentation du nombre moyen d’heures travaillées à mesure que les dispositifs de maintien de l’emploi ont pris fin. Le taux de croissance annuel moyen des salaires négociés, qui ont été affectés dans une moindre mesure par l’impact des mesures prises par les gouvernements, s’est établi à 2,8 % en 2022, soit légèrement au-dessous de la croissance effective des salaires, reflétant l’intensification des tensions sur les salaires vers la fin de l’année. La compensation de l’inflation est devenue un aspect de plus en plus important dans les négociations salariales en 2022, en particulier parce que les marchés du travail sont restés robustes. L’augmentation des coûts de main-d’œuvre a été compensée dans une certaine mesure par une augmentation de la productivité du travail. Les bénéfices unitaires ont contribué positivement au déflateur du PIB au cours de l’année dans l’ensemble des secteurs, indiquant que les entreprises ont été en mesure de répercuter les hausses des coûts des consommations intermédiaires sur les prix de vente.

Graphique 1.12

Décomposition du déflateur du PIB

(variations annuelles en pourcentage ; contributions en points de pourcentage)

Sources : Eurostat et calculs de la BCE.
Note : Les dernières observations se rapportent à décembre 2022.

Les anticipations d’inflation à long terme ont continué d’augmenter, mais sont restées globalement ancrées au niveau de la cible de la BCE

Les anticipations d’inflation à long terme des prévisionnistes professionnels, qui se situaient à 1,9 % fin 2021, ont légèrement augmenté pendant l’année, atteignant 2,2 % au quatrième trimestre 2022 (graphique 1.13). D’autres données d’enquêtes, telles que celles tirées de l’enquête de la BCE auprès des analystes monétaires et celles du Consensus économique, ont également suggéré que les anticipations d’inflation à long terme étaient ancrées à 2 % ou juste au-dessus, malgré des anticipations plus élevées à court terme. Les mesures de la compensation de l’inflation à long terme extraites des instruments de marché, notamment le taux des swaps indexés sur l’inflation à cinq ans dans cinq ans, ont diminué au début de l’année en anticipation d’un resserrement de la politique monétaire, mais, après le déclenchement de la guerre menée par la Russie en Ukraine, elles ont progressivement augmenté pour s’établir à 2,38 % fin décembre. Point important, toutefois, les mesures de la compensation de l’inflation extraites des instruments de marché ne sont pas une mesure directe des anticipations d’inflation effectives des intervenants de marché, car elles intègrent les primes de risque visant à compenser l’incertitude entourant l’inflation.

Graphique 1.13

Indicateurs des anticipations d’inflation extraits des instruments de marché et tirés d’enquêtes

(variations annuelles en pourcentage)

Sources : Eurostat, Refinitiv, Consensus économique, enquête de la BCE auprès des prévisionnistes professionnels (EPP) et calculs de la BCE.
Notes : La série relative aux indicateurs de compensation de l’inflation extraits des instruments de marché se fonde sur le taux des swaps au comptant indexés sur l’inflation à un an et sur les taux anticipés à un an dans un an, dans deux ans, dans trois ans et dans quatre ans. Pour les indicateurs de compensation de l’inflation extraits des instruments de marché, la dernière observation se rapporte au 30 décembre 2022. L’EPP pour le quatrième trimestre 2022 a été réalisée entre le 30 septembre et le 6 octobre 2022. La date d’arrêté pour les prévisions à long terme du Consensus économique est octobre 2022, tandis que la date d’arrêté de l’EPP pour 2022 et 2023 est décembre 2022. La dernière observation relative à l’IPCH se rapporte à décembre 2022.

1.5 Resserrement des conditions de crédit et de financement à mesure que la politique monétaire se normalise

La normalisation de la politique monétaire a entraîné une hausse des rendements obligataires, dans un contexte de forte volatilité

Face à l’augmentation des tensions inflationnistes dans l’ensemble de l’économie (cf. section 1.4), la BCE a pris des mesures décisives en 2022 pour normaliser la politique monétaire et éviter une perte d’ancrage des anticipations d’inflation à plus long terme au-dessus de sa cible de 2 % (cf. section 2.1). Les taux d’intérêt sans risque à long terme ont été plus volatils qu’en 2021, en partie en raison de la très grande incertitude entourant l’inflation et de la réaction des autorités monétaires du monde entier, y compris de la zone euro. Les rendements à long terme ont globalement augmenté. La moyenne pondérée par le PIB des rendements des emprunts publics à dix ans dans la zone euro a suivi étroitement les évolutions du taux sans risque (graphique 1.14). Au niveau des pays, malgré certaines différences, l’évolution des spreads sur les obligations souveraines a été contenue dans l’ensemble, en partie du fait de l’annonce par le Conseil des gouverneurs, en juin, qu’il ferait preuve de flexibilité dans le réinvestissement des remboursements arrivant à échéance au sein du portefeuille du programme d’achats d’urgence face à la pandémie et de l’approbation, en juillet, de l’instrument de protection de la transmission (cf. section 2.1). La moyenne pondérée par le PIB des rendements nominaux des emprunts publics à dix ans pour la zone euro s’est établie à 3,26 % le 31 décembre 2022, presque 300 points de base au-dessus de son niveau de fin 2021.

Graphique 1.14

Taux d’intérêt à long terme et coût d’emprunt pour les entreprises et les prêts au logement consentis aux ménages

(en pourcentage annuel)

Sources : Bloomberg, Refinitiv et calculs de la BCE.
Notes : Les données se rapportent à la moyenne pondérée par le PIB des rendements des emprunts publics à dix ans (données quotidiennes), au taux des swaps au jour le jour (OIS) à dix ans (données quotidiennes), au coût d’emprunt pour les sociétés non financières (données mensuelles) et au coût d’emprunt pour les prêts au logement consentis aux ménages (données mensuelles). Les indicateurs relatifs au coût d’emprunt sont calculés en agrégeant les taux à court et à long terme du crédit bancaire à l’aide de la moyenne mobile sur 24 mois des volumes de contrats nouveaux. Les dernières observations se rapportent au 31 décembre 2022 pour les données quotidiennes et à décembre 2022 pour les données mensuelles.

Durcissement des conditions de financement sur les marchés obligataires et boursiers

Les anticipations de taux d’intérêt plus élevés et de plus faible croissance des bénéfices à long terme ont exercé des pressions à la baisse sur les prix des actions Dans l’ensemble, les cours des actions de la zone euro ont été très volatils et ont diminué en 2022. Les indices boursiers larges relatifs aux sociétés non financières et aux banques de la zone euro (graphique 1.15) se sont établis, au 31 décembre 2022, environ 16 % et 4,4 % au-dessous de leurs niveaux respectifs de fin 2021. Les rendements des obligations d’entreprise ayant également fortement augmenté, à la fois dans les catégories des obligations bien notées (investment grade) et des obligations à haut rendement (high-yield), les conditions de financement de la zone euro se sont considérablement durcies.

Graphique 1.15

Indices boursiers pour la zone euro et les États-Unis

(indice : 1er janvier 2021 = 100)

Sources : Bloomberg, Refinitiv et calculs de la BCE.
Notes : L’indice de marché Refinitiv pour les sociétés non financières et l’indice EURO STOXX banks sont présentés pour la zone euro ; l’indice de marché Refinitiv pour les sociétés non financières et l’indice S&P banks sont présentés pour les États-Unis. Les dernières observations se rapportent au 31 décembre 2022.

Dans le contexte de la normalisation de la politique monétaire et des évolutions générales du marché, les coûts de financement des banques et les taux débiteurs bancaires ont fortement augmenté en 2022. La tendance globalement haussière des rendements des obligations bancaires, l’augmentation progressive de la rémunération des dépôts de la clientèle et une modification apportée aux modalités et conditions de la troisième série d’opérations ciblées de refinancement à plus long terme (TLTRO III) vers la fin de l’année ont contribué à une augmentation des coûts de financement des banques. Par conséquent, les taux débiteurs bancaires nominaux ont augmenté au cours de l’année 2022 pour atteindre des niveaux observés pour la dernière fois en 2014. L’enquête sur la distribution du crédit bancaire dans la zone euro indique également que les critères d’octroi (c’est-à-dire les directives internes ou les critères d’approbation des prêts) des banques pour les prêts consentis aux ménages et aux entreprises se sont nettement durcis. Le taux débiteur bancaire composite appliqué aux prêts au logement consentis aux ménages s’est établi à 2,94 % fin 2022, soit une augmentation cumulée de 163 points de base depuis fin 2021, et le taux équivalent pour les prêts consentis aux sociétés non financières s’est établi à 3,41 %, soit une hausse de 205 points de base (graphique 1.14). Au regard des modifications des taux d’intérêt directeurs de la BCE, ces évolutions sont globalement en ligne avec les périodes précédentes de resserrement de la politique monétaire, et les différences de taux débiteurs entre pays sont restées contenues. Cela suggère que les modifications de la politique monétaire de la BCE se sont transmises sans heurt dans la zone euro.

La croissance du crédit a augmenté au premier semestre 2022, mais s’est ralentie ensuite pour les ménages comme pour les entreprises

La croissance du crédit a augmenté au premier semestre 2022, mais les nouveaux prêts se sont modérés après l’été en raison du resserrement des conditions de crédit (graphique 1.16). Le taux de croissance annuel des prêts bancaires consentis aux ménages s’est ralenti, à 3,8 % sur l’année, reflétant la hausse des taux d’intérêt, le durcissement des critères d’octroi de crédit et le recul de la confiance des consommateurs. Le taux de croissance annuel des prêts bancaires aux entreprises a continué d’augmenter en 2022, atteignant 6,3 %, même si cette évolution a masqué des évolutions divergentes au cours de l’année. La croissance nominale a été robuste pendant la majeure partie de l’année, reflétant la nécessité pour les entreprises de financer leur fonds de roulement et leurs stocks, compte tenu de la persistance des goulets d’étranglement au niveau de l’offre et des coûts élevés. Au cours des derniers mois de l’année, toutefois, les prêts bancaires aux entreprises ont fortement diminué, reflétant l’impact du durcissement des conditions de financement sur les facteurs d’offre et de demande. Les émissions nettes de titres de créance, devenues plus onéreuses pour les entreprises, ont également diminué au cours de l’année. Au total, les flux nets de financement externe vers les sociétés non financières ont diminué en 2022, principalement en raison d’un recul des prêts interentreprises comme forme de financement (graphique 1.17). L’enquête sur l’accès au financement des entreprises a indiqué, en outre, que les entreprises étaient de plus en plus pessimistes quant à la disponibilité future de la plupart des sources de financement externe.

Graphique 1.16

Croissance de M3 et croissance des crédits consentis aux sociétés non financières et aux ménages

(variations annuelles en pourcentage)

Source : BCE.
Notes : La seconde ligne représente la croissance des concours au secteur privé. Défini comme les institutions financières non monétaires hors secteur des administrations publiques, le secteur privé comprend essentiellement les sociétés non financières et les ménages. Les dernières observations se rapportent à décembre 2022.

Graphique 1.17

Flux nets de financement externe vers les sociétés non financières

(flux annuels en milliards d’euros)

Sources : BCE et Eurostat.
Notes : IFM : Institution financière monétaire. Dans la rubrique « prêts des non-IFM et du reste du monde », les institutions financières non monétaires comprennent les autres intermédiaires financiers, les fonds de pension et les sociétés d’assurance. Les « prêts des IFM » et les « prêts des non-IFM et du reste du monde » sont corrigés des cessions de prêts et de la titrisation. La rubrique « Autres » correspond à la différence entre le total et les instruments considérés dans le graphique et comprend essentiellement les prêts interentreprises et les crédits commerciaux. Le flux annuel pour un an est calculé comme la somme sur quatre trimestres des flux. Les dernières observations se rapportent au quatrième trimestre 2022.

La croissance de la monnaie au sens large s’est modérée avec l’arrêt des achats nets d’actifs de l’Eurosystème et la diminution de la création de crédits

Le rythme d’accumulation de dépôts s’est ralenti par rapport aux niveaux élevés enregistrés pendant la pandémie, principalement en raison de l’augmentation des dépenses due à la hausse des prix et aux rendements plus élevés des formes alternatives d’épargne, en ligne avec la normalisation de la politique monétaire. La croissance annuelle de l’agrégat monétaire large (M3) s’est encore ralentie, à 4,1 % en 2022 (graphique 1.16), reflétant l’arrêt des achats nets d’actifs par l’Eurosystème en juillet, une baisse de la création de crédit au dernier trimestre 2022 et des sorties nettes au titre des flux monétaires à destination du reste du monde liées à la facture énergétique plus élevée de la zone euro.

Encadré 1
Les évolutions du marché du travail dans la zone euro et aux États-Unis en 2022

Dans le contexte de forte incertitude en 2022, les analyses du marché du travail ont constitué un élément essentiel de l’évaluation de l’état de l’économie et de ses capacités inutilisées. Cet encadré examine les similarités et les différences entre la zone euro et les États-Unis en matière de redressement du marché du travail après la pandémie.

Évolution du nombre total d’heures travaillées

En 2022, le nombre total d’heures travaillées a renoué avec les niveaux d’avant la pandémie tant dans la zone euro qu’aux États-Unis, mais ce redressement reflète des trajectoires différentes des composantes offre et demande de main-d’œuvre. Si les taux de chômage ont retrouvé en 2022 leurs niveaux d’avant la crise aux États-Unis et des niveaux encore plus bas dans la zone euro, le degré de tensions sur le marché du travail, mesuré par le ratio emplois vacants/chômage, a été plus élevé aux États-Unis [6]. Ces évolutions sont attribuables à une divergence des réponses de politique économique à la pandémie ainsi qu’à des différences structurelles de l’offre et de la demande de main-d’œuvre entre les deux économies.

Évolutions de la demande de main-d’œuvre

En 2022, les deux économies se situaient à des stades différents du cycle conjoncturel. La demande conjoncturelle de main-d’œuvre était plus forte aux États-Unis et par conséquent partiellement responsable des tensions plus fortes sur le marché du travail. Dans la zone euro, l’activité économique s’est redressée plus tardivement qu’aux États-Unis depuis le point bas observé pendant la pandémie. Ainsi, le PIB en volume a retrouvé son niveau d’avant la crise au quatrième trimestre 2021 dans la zone euro alors que les États-Unis l’avaient atteint au premier trimestre 2021. Cela reflète en partie le fait que les mesures de confinement adoptées lors de la deuxième vague de pandémie ont été plus restrictives et plus généralisées dans de nombreux pays de la zone euro qu’aux États-Unis ainsi que des différences en matière de vitesse de vaccination. Les différences en matière d’ampleur et de ciblage des mesures budgétaires constituent toutefois un facteur plus important. Dans la zone euro, le soutien budgétaire s’est concentré sur l’amortissement des pertes d’emplois via un soutien aux entreprises et en laissant libre jeu aux stabilisateurs automatiques. Aux États-Unis, le soutien budgétaire a été plus important et s’est concentré plus directement sur le soutien aux revenus des ménages et donc à la consommation, via les chèques de paie et le renforcement des indemnités de chômage. Par conséquent, dans la zone euro, la consommation privée a renoué avec son niveau d’avant la crise encore plus tardivement que l’activité économique globale, c’est-à-dire seulement au deuxième trimestre 2022.

De plus, d’un point de vue plus structurel, la réaction du marché du travail au cycle conjoncturel tend à être plus prononcée aux États-Unis que dans la zone euro. Les mesures de la rotation des salariés (« churning ») montrent que le marché du travail est structurellement plus dynamique aux États-Unis. Le terme de « labour churn » désigne le rythme auquel les salariés quittent un emploi et sont remplacés au sein d’une entreprise ou d’une organisation dans un laps de temps donné. Une mesure rudimentaire de cette mobilité indique qu’en moyenne depuis le début des années 2000, environ 4 % de l’ensemble des travailleurs américains changent d’emploi chaque mois. Aucun indicateur n’est disponible pour la zone euro et les statistiques qui s’en rapprochent le plus sont celles relatives aux personnes ayant récemment quitté leur emploi ou en ayant récemment débuté un (bien que ces données recouvrent également les personnes passant de l’inactivité/du chômage à l’emploi et inversement). Ces statistiques font en particulier état d’une hausse du nombre de personnes ayant débuté un emploi en 2022, mais moins prononcée qu’aux États-Unis. Cette dynamique est également visible dans le niveau de postes vacants dans les deux régions économiques : en 2022, il était plus élevé aux États-Unis que dans la zone euro (avec des variations considérables entre les pays de la zone [7]), où l’accent était principalement mis sur le retour à un temps de travail normal du personnel qui avait été conservé (graphique A).

En résumé, une plus forte dynamique structurelle du marché du travail aux États-Unis a accentué les pressions sur une demande de main-d’œuvre déjà plus robuste.

Graphique A

Tensions sur le marché du travail dans la zone euro et aux États-Unis

(ratio emplois vacants/chômage)

Sources : Eurostat, Haver Analytics, Bureau of Labor Statistics des États-Unis et calculs de la BCE.
Notes : L’écart correspond au chiffre pour les États-Unis moins le chiffre pour la zone euro. En France, les emplois vacants sont déclarés uniquement pour les entreprises d’au moins 10 salariés. Les pertes d’emplois pendant la crise liée à la pandémie ont été amorties dans la zone euro par un recours important aux dispositifs de maintien de l’emploi, revenu à des niveaux très faibles mi-2022. Les dernières observations se rapportent au quatrième trimestre 2022.

Évolutions de l’offre de main-d’œuvre

Pendant la crise pandémique, l’offre de main-d’œuvre a davantage baissé et s’est redressée plus lentement aux États-Unis que dans la zone euro par rapport à son point bas du deuxième trimestre 2020. La différence dans le rythme de redressement de l’offre de main-d’œuvre est en partie liée aux différences entre les politiques mises en œuvre. Premièrement, le redressement du taux d’activité s’est révélé plus lent aux États-Unis. Cela reflète en partie le fait qu’aux États-Unis, le nombre plus élevé de licenciements a conduit certains travailleurs à quitter la population active, tandis que le soutien relativement généreux apporté au revenu a permis aux gens de rester plus longtemps en dehors de la population active, voire d’accroître le salaire auquel ils seraient prêts à réintégrer le marché du travail. Tout au long de 2022, le taux d’activité est demeuré inférieur à son niveau d’avant la pandémie aux États-Unis, contrastant fortement avec la zone euro, où il a dépassé son niveau d’avant la pandémie. Deuxièmement, les évolutions récentes du taux d’activité sont également partiellement déterminées par des tendances à long terme. Au fil du temps, la part dans la population active des travailleurs plus âgés dont la participation au marché du travail est généralement moins élevée que celle des travailleurs jeunes, a augmenté dans les deux zones. En Europe, cette évolution a coïncidé avec une tendance positive des taux d’activité liée à la hausse de la participation des femmes et a été dopée par les réformes des retraites. Cette tendance s’est poursuivie durant la pandémie et les travailleurs plus âgés ont favorisé la hausse du taux d’activité en 2022. Aux États-Unis, toutefois, les évolutions démographiques ont pesé sur le taux d’activité en 2022. Enfin, tandis que le flux entrant net de travailleurs migrants a été négativement affecté par la pandémie dans les deux régions, aux États-Unis, il a commencé à se modérer plus tôt, à la suite du durcissement des politiques d’immigration entre 2017 et 2020. Récemment toutefois, le flux entrant net de travailleurs migrants a fortement rebondi dans les deux régions.

Évolutions des salaires

L’écart de croissance des salaires entre les États-Unis et la zone euro s’est creusé ces dernières années et ce, de façon particulièrement visible en 2022. Dans une large mesure, ce creusement peut s’expliquer par les évolutions différentes de l’offre et de la demande de main-d’œuvre comme expliqué précédemment. À partir du deuxième trimestre 2020, la croissance des salaires nominaux, mesurée par l’indice du coût de l’emploi (secteur privé), s’est fortement accentuée aux États-Unis pour atteindre 5,5 % au deuxième trimestre 2022. Elle s’est modérée depuis lors, tout en restant élevée. L’accentuation de la croissance des salaires dans la zone euro sur cette période a été plus progressive et plus limitée, la hausse des salaires négociés (qui est beaucoup moins affectée par les dispositifs de maintien de l’emploi que la rémunération par tête ou horaire) ressortant à 2,9 % au quatrième trimestre 2022 (graphique B). Il se peut aussi que le marché du travail structurellement plus dynamique aux États-Unis renforce la réaction des salaires aux tensions sur le marché du travail, comme le reflète la croissance des salaires plus forte de ceux qui changent d’emploi.

Graphique B

Mesures de la croissance des salaires dans la zone euro et aux États-Unis

(variations annuelles en pourcentage)

Sources : Eurostat, Haver Analytics et calculs des services de la BCE.
Note : Les dernières observations se rapportent au quatrième trimestre 2022 pour les salaires négociés de la zone euro et l’indice du coût de l’emploi des États-Unis (secteur privé).

2 Une politique monétaire sur la voie de la normalisation

La BCE a poursuivi la normalisation de sa politique monétaire en 2022 afin de lutter contre une inflation exceptionnellement élevée, dans un contexte d’invasion de l’Ukraine par la Russie et d’effets durables de la pandémie. Au cours de la première phase de normalisation, le Conseil des gouverneurs a mis un terme, fin mars, aux achats nets d’actifs dans le cadre du programme d’achats d’urgence face à la pandémie (pandemic emergency purchase programme, PEPP) et début juillet, à ceux du programme d’achats d’actifs (asset purchase programme, APP). Au cours de la deuxième phase, les taux directeurs de la BCE ont été relevés pour la première fois depuis plus de dix ans, le taux de la facilité de dépôt quittant le territoire négatif pour la première fois depuis 2014. Les taux directeurs ont enregistré une augmentation cumulée de 250 points de base au cours des quatre dernières réunions de l’année, qui ont inclus les relèvements individuels de taux les plus importants jamais observés (graphique 2.1). Le Conseil des gouverneurs a également approuvé l’instrument de protection de la transmission afin d’assurer une transmission ordonnée de la politique monétaire dans l’ensemble de la zone euro. En outre, la flexibilité utilisable pour les réinvestissements dans le cadre du PEPP a servi de première ligne de défense pour contrer les risques liés à la pandémie pesant sur la transmission. En décembre, le Conseil des gouverneurs a décidé de réduire le portefeuille de titres détenus à des fins de politique monétaire acquis par l’Eurosystème dans le cadre de l’APP, à un rythme mesuré et prévisible, à partir de mars 2023. Le bilan de l’Eurosystème a atteint un point haut historique en juin 2022, à 8 800 milliards d’euros, avant de revenir à 8 000 milliards d’euros à la fin de l’année. Cette réduction est due principalement aux opérations arrivant à échéance et aux remboursements anticipés de la troisième série d’opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO III). Les remboursements anticipés ont été soutenus par la décision prise par le Conseil des gouverneurs en octobre de modifier les modalités et conditions des opérations TLTRO III. En ligne avec la normalisation de la politique monétaire, la BCE a également commencé à lever progressivement les mesures d’assouplissement des garanties introduites en réponse à la pandémie, rétablissant ainsi progressivement les niveaux de tolérance au risque observés avant la pandémie dans le cadre des opérations de crédit de l’Eurosystème.

2.1 Retrait du caractère accommodant de la politique monétaire

Une première phase de normalisation de la politique monétaire : ralentissement du rythme des achats d’actifs et conditions préalables à des relèvements de taux

Début 2022, la pandémie continuait de freiner la croissance économique, et l’inflation était plus élevée que prévu

Début 2022, l’économie de la zone euro a continué de se redresser après la pandémie et la situation sur le marché du travail s’est encore améliorée, notamment en raison du soutien apporté par les politiques publiques. Toutefois, les perspectives de croissance économique à court terme demeuraient moroses du fait de l’augmentation des nouveaux cas de coronavirus due à la propagation du variant Omicron. Des pénuries de matériaux, d’équipements et de main-d’œuvre freinaient encore la production dans certains secteurs, et le niveau élevé des coûts de l’énergie entamait déjà les revenus réels. L’inflation mesurée par l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) avait fortement augmenté au cours des mois précédents et était de nouveau supérieure aux projections en janvier. Cette évolution s’expliquait essentiellement par les coûts plus élevés de l’énergie, qui poussaient les prix dans de nombreux secteurs à la hausse, et par le renchérissement des produits alimentaires. Sur la base des données du début de l’année, le Conseil des gouverneurs a estimé en février que l’inflation devrait rester élevée plus longtemps qu’anticipé précédemment, mais qu’elle devrait diminuer dans le courant de l’année.

En février, le Conseil des gouverneurs a poursuivi la normalisation de la politique monétaire amorcée en décembre 2021

Le Conseil des gouverneurs a donc confirmé la décision prise lors de sa réunion de politique monétaire de décembre 2021 de continuer à réduire graduellement le rythme des achats d’actifs au cours des trimestres suivants. Il a décidé d’interrompre les achats nets d’actifs dans le cadre du PEPP fin mars 2022, et de réinvestir les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre du PEPP au moins jusqu’à la fin de 2024. Le Conseil des gouverneurs a souligné qu’en cas de nouvelle fragmentation des marchés due à la pandémie, les réinvestissements au titre du PEPP pourraient à tout moment être ajustés de façon souple dans le temps, entre catégories d’actifs et entre juridictions chaque fois que des menaces sur la transmission de la politique monétaire compromettraient la réalisation de la stabilité des prix. Cela pourrait comprendre l’achat d’obligations émises par la République hellénique au-delà des montants provenant du renouvellement des remboursements afin d’éviter toute interruption des achats dans cette juridiction, qui pourrait nuire à la transmission de la politique monétaire à l’économie grecque alors que celle-ci se remettait encore des retombées de la pandémie.

L’invasion de l’Ukraine a considérablement accru l’incertitude économique et les tensions sur les prix

L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février a marqué un tournant pour l’Europe. Cette guerre injustifiée a eu un impact significatif sur l’activité économique et l’inflation en 2022, y compris dans la zone euro, en raison du renchérissement de l’énergie et des matières premières, des perturbations du commerce international et de la détérioration de la confiance. En mars, le Conseil des gouverneurs a estimé que l’ampleur de ces effets dépendrait de la suite du conflit, des retombées des sanctions et d’éventuelles mesures supplémentaires. Face à un environnement hautement incertain, le Conseil des gouverneurs a envisagé plusieurs scénarios, outre les habituelles projections macroéconomiques établies par les services de la BCE pour la zone euro. L’impact de la guerre a été évalué dans le cadre des données disponibles indiquant que l’économie de la zone euro reposait sur des fondamentaux toujours solides, notamment grâce à l’important soutien apporté par les politiques publiques. L’atténuation de l’impact du variant Omicron du coronavirus favorisait la reprise en cours de l’économie. Les goulets d’étranglement au niveau de l’offre montraient des signes d’atténuation et la situation continuait de s’améliorer sur le marché du travail. Pourtant, dans le scénario de référence des projections de mars, qui contenaient une première évaluation des implications de la guerre, la croissance du PIB a été révisée à la baisse à court terme. Avant la réunion de politique monétaire de mars du Conseil des gouverneurs, l’inflation demeurait plus élevée que prévu, principalement en raison du niveau exceptionnellement élevé des coûts de l’énergie. Les hausses des prix s’étaient également généralisées dans l’ensemble des secteurs. Par rapport aux projections de décembre 2021 établies par les services de l’Eurosystème, le scénario de référence pour la hausse de l’IPCH dans les projections de mars a été nettement révisé à la hausse, tandis que selon plusieurs mesures, les anticipations d’inflation à plus long terme étaient en ligne avec la cible de la BCE de 2 % à moyen terme.

Le Conseil des gouverneurs a révisé le rythme des achats dans le cadre de l’APP en mars

Sur la base de cette évaluation actualisée et en tenant compte de l’environnement incertain, le Conseil des gouverneurs a révisé le rythme des achats au titre de l’APP lors de sa réunion de politique monétaire de mars, les achats nets mensuels étant fixés à 40 milliards d’euros en avril, 30 milliards en mai et 20 milliards en juin. Le calibrage des achats nets pour le troisième trimestre devait dépendre des données à venir. Le Conseil des gouverneurs a également confirmé sa précédente décision selon laquelle toute modification des taux d’intérêt directeurs de la BCE interviendrait quelque temps après la fin des achats nets au titre de l’APP. La trajectoire des taux d’intérêt directeurs de la BCE restait déterminée par la forward guidance (indications sur la trajectoire future des taux d’intérêt directeurs) du Conseil des gouverneurs, reflétant son engagement stratégique à stabiliser l’inflation à 2 % à moyen terme.

Dans les projections de juin, la trajectoire d’inflation a fait l’objet d’une nouvelle révision à la hausse

L’inflation s’est de nouveau nettement accélérée en mai, essentiellement en raison de l’impact de la guerre et de la poursuite de la flambée des prix de l’énergie et des produits alimentaires. Dans le même temps, les tensions inflationnistes se sont généralisées et intensifiées, et les prix de nombreux biens et services ont fortement augmenté. Dans ce contexte et celui des projections de référence de juin établies par les services de l’Eurosystème, qui tablaient sur une hausse de l’inflation supérieure à la cible de 2 % à la fin de l’horizon de projection, le Conseil des gouverneurs a décidé le 9 juin d’adopter de nouvelles mesures de normalisation de la politique monétaire, guidées par les principes d’optionalité, de dépendance aux données, de gradualisme et de flexibilité.

Le Conseil des gouverneurs a déclaré qu’il allait mettre un terme aux achats nets d’actifs dans le cadre de l’APP et commencer à relever les taux d’intérêt...

Premièrement, le Conseil des gouverneurs a décidé de mettre un terme aux achats nets d’actifs dans le cadre de l’APP à compter du 1er juillet 2022. Le Conseil des gouverneurs a déclaré qu’il entendait poursuivre les réinvestissements, en totalité, des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre de l’APP pendant une période prolongée après la date à laquelle il aura commencé à relever les taux d’intérêt directeurs de la BCE et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour maintenir les conditions d’une liquidité abondante et une orientation appropriée de la politique monétaire.

Deuxièmement, le Conseil des gouverneurs a conclu en juin que les conditions définies dans le cadre de sa forward guidance pour commencer à relever les taux d’intérêt directeurs de la BCE étaient réunies. Par conséquent, et conformément au séquencement de sa politique signalé précédemment, il a déclaré qu’il entendait relever les taux d’intérêt directeurs de la BCE de 25 points de base lors de la réunion de politique monétaire de juillet, avec un nouveau relèvement prévu en septembre.

Troisièmement, sur la base de l’évaluation de juin, le Conseil des gouverneurs a anticipé que, au-delà de septembre, une séquence progressive mais durable de hausses supplémentaires des taux d’intérêt serait appropriée, en fonction des données à venir et de l’évaluation de la trajectoire d’inflation à moyen terme.

… et a répondu aux préoccupations relatives à la transmission de la politique monétaire

Les décisions prises le 9 juin ont reflété des avancées significatives vers une normalisation de l’orientation de la politique monétaire. Lors d’une réunion ad hoc qui s’est tenue le 15 juin, le Conseil des gouverneurs a évalué la situation sur les marchés financiers et les risques potentiels de fragmentation et a souligné sa détermination à préserver une transmission ordonnée de l’orientation de politique monétaire dans l’ensemble de la zone euro. En particulier, le Conseil des gouverneurs a estimé que l’économie de la zone euro avait gardé des vulnérabilités durables de la pandémie, qui contribuaient à la transmission inégale de la normalisation de la politique monétaire de la BCE dans les différentes juridictions.

Sur la base de cette évaluation, le Conseil des gouverneurs a décidé de faire preuve de flexibilité dans le réinvestissement des remboursements des titres arrivant à échéance du portefeuille PEPP, afin de préserver le bon fonctionnement du mécanisme de transmission de la politique monétaire. En outre, il a chargé les comités compétents de l’Eurosystème, avec les services de la BCE, d’accélérer la finalisation d’un nouvel instrument anti-fragmentation.

Une deuxième phase de normalisation de la politique monétaire : instrument de protection de la transmission et relèvements des taux directeurs

En juillet, le Conseil des gouverneurs a approuvé l’instrument de protection de la transmission…

Le nouvel instrument de protection de la transmission (IPT) a été approuvé par le Conseil des gouverneurs lors de sa réunion du 21 juillet. Le Conseil des gouverneurs a estimé que la mise en place de l’IPT était nécessaire pour soutenir la transmission efficace de la politique monétaire, en particulier au cours de la normalisation de la politique monétaire. L’IPT a été mis en place pour assurer la bonne transmission de l’orientation monétaire dans tous les pays de la zone euro. L’IPT complète l’éventail des instruments de la BCE et pourra être activé pour lutter contre une dynamique de marché injustifiée, désordonnée qui représente une menace grave pour la transmission de la politique monétaire au sein de la zone euro. Sous réserve de remplir des critères établis, l’Eurosystème a la possibilité de procéder à des achats, sur le marché secondaire, de titres émis dans des juridictions qui connaissent une détérioration des conditions de financement non justifiée par les fondamentaux propres à ces pays, afin de contrer dans la mesure nécessaire les risques pour le mécanisme de transmission. L’ampleur des achats au titre de l’IPT, s’ils sont activés, dépendrait de la gravité des risques pesant sur la transmission de la politique monétaire ; il n’existerait pas de restrictions ex ante sur les acquisitions. Le Conseil des gouverneurs a de nouveau souligné en juillet que, en tout état de cause, la flexibilité dans le réinvestissement des remboursements des titres arrivant à échéance détenus dans le portefeuille du PEPP demeurait la première ligne de défense pour contrer les risques liés à la pandémie pesant sur le mécanisme de transmission. En juillet, le Conseil des gouverneurs a également souligné qu’il conservait toute discrétion dans la mise en œuvre des OMT pour les pays remplissant les critères requis pour ce type d’opération. Alors que l’objectif de l’IPT est de préserver la bonne transmission de la politique monétaire dans l’ensemble des pays de la zone euro, les opérations monétaires sur titres peuvent être activées en cas de distorsions sévères sur les marchés des obligations d’État suscitées, en particulier, par des craintes infondées de la part des investisseurs quant à la réversibilité de l’euro.

Le Conseil des gouverneurs a également décidé en juillet son premier relèvement des taux directeurs depuis 2011, en augmentant les trois taux d’intérêt directeurs de la BCE de 50 points de base. Il a estimé qu’un premier pas sur la voie de la normalisation des taux d’intérêt plus important qu’indiqué lors de sa réunion précédente était approprié. Cette décision a été prise sur la base de l’évaluation actualisée par le Conseil des gouverneurs des risques pesant sur l’inflation et du soutien accru que l’IPT apporterait en termes de transmission efficace de la politique monétaire. Le Conseil des gouverneurs a également signalé qu’il conviendrait de poursuivre la normalisation des taux d’intérêt au cours des mois suivants.

...et a mis fin à sa forward guidance sur les taux directeurs

En anticipant la sortie des taux d’intérêt négatifs en juillet, le Conseil des gouverneurs a effectué une transition d’une forward guidance sur les taux d’intérêt à une approche réunion par réunion pour ses décisions concernant les taux d’intérêt. Cette transition est apparue justifiée compte tenu de l’exceptionnelle incertitude entourant les perspectives d’inflation et économiques.

L’inflation étant supérieure à 9 % en août et devant demeurer au-dessus de la cible à moyen terme, le Conseil des gouverneurs a relevé à nouveau les taux de 75 points de base en septembre

Le Conseil des gouverneurs a décidé de relever à nouveau les taux d’intérêt directeurs de la BCE de 75 points de base, soit le relèvement individuel le plus important jamais enregistré jusqu’alors. Il a pris cette décision parce que l’inflation restait beaucoup trop forte et que les données disponibles indiquaient qu’elle demeurerait supérieure à la cible pendant une période prolongée. La flambée des prix de l’énergie et des produits alimentaires, les tensions émanant de la demande dans certains secteurs suite à la réouverture de l’économie et les goulets d’étranglement du côté de l’offre ont continué de pousser l’inflation à la hausse, jusqu’à 9,1 % en août. Comme au cours des mois précédents, les tensions sur les prix ont continué de s’accentuer et de se généraliser dans l’économie. Les services de la BCE ont nettement révisé à la hausse leurs projections d’inflation en septembre par rapport aux projections de juin, la hausse de l’IPCH se ralentissant sur l’horizon de projection, mais se situant toujours au-dessus de la cible de 2 % au cours de la dernière année. En outre, les données disponibles signalaient un ralentissement substantiel de la croissance économique dans la zone euro, et l’économie devait connaître une phase de stagnation en fin d’année et au premier trimestre 2023. Les prix très élevés de l’énergie continuaient de réduire le pouvoir d’achat des revenus des consommateurs et les goulets d’étranglement au niveau de l’offre contraignaient toujours l’activité économique. En outre, l’environnement géopolitique, en particulier la guerre menée par la Russie en Ukraine, pesait sur la confiance des chefs d’entreprise et des consommateurs. Dans ce contexte, les projections des services de la BCE pour septembre relatives à la croissance économique ont été nettement révisées à la baisse pour le reste de 2022 et sur l’ensemble de 2023.

Les taux directeurs positifs ont rendu obsolète le système à deux paliers pour la rémunération des excédents de réserve

Le relèvement de 75 points de base des taux d’intérêt directeurs de la BCE en septembre a anticipé la transition du niveau très accommodant des taux directeurs vers des niveaux qui assureraient un retour au plus tôt de l’inflation vers la cible de la BCE de 2 % à moyen terme. Le Conseil des gouverneurs a déclaré que, sur la base de son évaluation, il était prévu de continuer à augmenter les taux d’intérêt au cours des prochaines réunions afin de freiner la demande et d’éviter le risque d’un déplacement à la hausse persistant des anticipations d’inflation. En outre, le taux de la facilité de dépôt ayant été porté à un niveau supérieur à zéro, le système à deux paliers pour la rémunération des excédents de réserve n’était plus nécessaire. Le Conseil des gouverneurs a donc décidé de suspendre le système à deux paliers en fixant le multiplicateur à zéro. De plus, afin de préserver l’efficacité de la transmission de la politique monétaire ainsi que le bon fonctionnement des marchés, le Conseil des gouverneurs a décidé de supprimer temporairement le plafond de 0 % appliqué à la rémunération des dépôts des administrations publiques. Le plafond a été fixé temporairement au taux le plus bas entre le taux de la facilité de dépôt et le taux à court terme de l’euro (€STR), y compris dans le cadre d’un taux de la facilité de dépôt positif. Cette mesure devait rester en vigueur jusqu’au 30 avril 2023 et était conçue pour empêcher une sortie brutale de dépôts vers le marché, à un moment où certains compartiments des marchés de repo de la zone euro montraient des signes de rareté de collatéral, et pour permettre une évaluation en profondeur de la manière dont les marchés monétaires s’ajustaient au retour à des taux d’intérêt positifs.

Une troisième phase de normalisation de la politique monétaire : nouvelles hausses de taux et réduction du bilan

L’inflation devant demeurer élevée pendant une période prolongée, le Conseil des gouverneurs a de nouveau relevé les taux d’intérêt de 75 points de base en octobre...

L’inflation s’est accélérée, pour atteindre 9,9 % en septembre et 10,6 % en octobre, soit le chiffre le plus élevé de l’histoire de la monnaie unique. La flambée des prix de l’énergie et des produits alimentaires, les goulets d’étranglement au niveau de l’offre et la reprise de la demande après la pandémie ont entraîné une nouvelle généralisation des tensions sur les prix et une hausse de l’inflation au cours de l’été. Dans ce contexte, le Conseil des gouverneurs a décidé en octobre de relever à nouveau les trois taux directeurs de la BCE de 75 points de base, soulignant qu’avec ce troisième relèvement important consécutif des taux directeurs, il retirait une part substantielle du caractère accommodant de l’orientation de la politique monétaire.

...et a aligné les modalités et conditions des TLTRO III sur la normalisation plus large de la politique monétaire

Le Conseil des gouverneurs a également décidé en octobre de modifier les modalités et conditions applicables aux TLTRO III. Il a ajusté les taux d’intérêt des opérations à compter du 23 novembre, en indexant le taux d’intérêt payé sur la moyenne des taux d’intérêt directeurs de la BCE applicables, et a proposé aux banques trois dates supplémentaires de remboursement anticipé volontaire. Pendant la phase la plus aiguë de la pandémie, cet instrument a joué un rôle central pour contrecarrer les risques à la baisse pesant sur la stabilité des prix. Compte tenu de l’accélération inattendue et exceptionnelle de l’inflation, il était, toutefois, nécessaire de le recalibrer pour garantir qu’il soit cohérent avec le processus plus large de normalisation de la politique monétaire et pour renforcer la transmission des relèvements des taux directeurs aux conditions du crédit bancaire. Le Conseil des gouverneurs s’attendait à ce que le recalibrage des modalités et conditions applicables aux TLTRO III contribue à la normalisation des coûts du financement bancaire. Cette normalisation des conditions de financement devait, quant à elle, exercer une pression à la baisse sur l’inflation, contribuant ainsi à rétablir la stabilité des prix à moyen terme. Le recalibrage a également supprimé les éléments dissuadant le remboursement anticipé volontaire des fonds empruntés dans le cadre des TLTRO III en cours. Les remboursements anticipés volontaires devaient réduire la taille du bilan de l’Eurosystème et contribuer ainsi à la normalisation globale de la politique monétaire. Le recalibrage des TLTRO III et les remboursements qui ont suivi ont entraîné une diminution substantielle de l’excédent de liquidité.

Enfin, pour aligner la rémunération des réserves obligatoires détenues par les établissements de crédit auprès de l’Eurosystème plus étroitement sur les conditions du marché monétaire, le Conseil des gouverneurs a décidé de fixer la rémunération des réserves obligatoires au taux de la facilité de dépôt.

En décembre a eu lieu le quatrième relèvement consécutif des taux, dans un contexte d’inflation supérieure à 10 % et de risques de récession croissants

En décembre, le Conseil des gouverneurs a augmenté les taux d’intérêt pour la quatrième fois consécutive, cette fois de 50 points de base, parce que l’inflation demeurait beaucoup trop forte et qu’il était prévu qu’elle reste supérieure à la cible de la BCE pendant une trop longue période. Le Conseil des gouverneurs a également déclaré que les taux d’intérêt devraient encore être augmentés sensiblement à un rythme régulier, afin d’atteindre des niveaux suffisamment restrictifs pour assurer un retour au plus tôt de l’inflation vers la cible. À terme, le maintien des taux d’intérêt à des niveaux restrictifs permettrait de réduire l’inflation en freinant la demande et d’éviter le risque d’un déplacement à la hausse persistant des anticipations d’inflation. L’inflation est ressortie à 10,1 % en novembre, légèrement au-dessous des 10,6 % enregistrés en octobre. Ce recul s’explique principalement par le ralentissement de la hausse des prix de l’énergie. La hausse des prix des produits alimentaires et les tensions sous-jacentes sur les prix dans l’ensemble de l’économie s’étaient accentuées, et devaient persister pendant quelque temps. Dans un contexte d’incertitude exceptionnelle, les services de l’Eurosystème ont nettement révisé à la hausse leurs projections d’inflation en décembre, et ont estimé que l’inflation moyenne atteindrait 8,4 % en 2022 avant de revenir à 6,3 % en 2023, avec un net ralentissement attendu au cours de l’année. Elle devrait ensuite continuer de se ralentir pour atteindre un niveau moyen de 3,4 % en 2024 et 2,3 % en 2025. Les projections indiquaient que l’économie de la zone euro pourrait se contracter au tournant de 2022-2023, en raison de la crise de l’énergie, de l’incertitude élevée, du ralentissement de l’activité économique mondiale et du resserrement des conditions de financement. Toutefois, une éventuelle récession serait courte et peu marquée, tandis que les perspectives de croissance pour 2023 ont encore été révisées nettement à la baisse par rapport aux projections précédentes.

Le Conseil des gouverneurs a énoncé les principes en vue de la normalisation du bilan

En décembre, le Conseil des gouverneurs a également examiné les principes en vue de la réduction des portefeuilles de titres dans le cadre de l’APP. Il a décidé qu’à partir de début mars 2023, le portefeuille de l’APP serait réduit à un rythme mesuré et prévisible, l’Eurosystème ne réinvestissant pas la totalité des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance. Cette réduction serait de 15 milliards d’euros par mois en moyenne jusqu’à la fin du deuxième trimestre 2023, puis son rythme serait ajusté au fil du temps. Le Conseil des gouverneurs a également souligné que d’ici fin 2023, la BCE réviserait également son cadre opérationnel en matière de pilotage des taux d’intérêt à court terme, ce qui devrait fournir des informations concernant la fin du processus de normalisation du bilan.

Graphique 2.1

Modifications des taux d’intérêt directeurs de la BCE

(en points de pourcentage)

Source : BCE.

2.2 Les évolutions du bilan de l’Eurosystème à mesure que la politique monétaire se normalise

Au premier semestre 2022, la croissance du bilan de l’Eurosystème s’est ralentie, avec l’arrêt graduel des achats nets dans le cadre de l’APP et du PEPP. Au second semestre, la normalisation en cours de la politique monétaire a contribué à une réduction progressive du bilan. Le bilan a atteint son plus haut historique en juin, à 8 800 milliards d’euros avant que les achats nets d’actifs dans le cadre de l’APP prennent fin à compter du 1er juillet (graphique 2.2). À la fin de l’année, il était revenu à 8 000 milliards d’euros, principalement en raison de l’arrivée à échéance d’opérations TLTRO III et d’importants remboursements anticipés, en particulier après la modification des modalités et conditions des TLTRO III afin de les aligner sur le processus plus large de normalisation de la politique monétaire.

Fin 2022, les actifs liés à la politique monétaire figurant au bilan de l’Eurosystème s’élevaient à 6 300 milliards d’euros, soit une baisse de 700 milliards par rapport à fin 2021. Les prêts aux établissements de crédit de la zone euro représentaient 17 % du total des actifs (après 26 % fin 2021) et les actifs acquis à des fins de politique monétaire, 62 % du total des actifs (après 55 % fin 2021). Les autres actifs financiers figurant au bilan étaient principalement constitués d’avoirs en devises étrangères et en or détenus par l’Eurosystème et de portefeuilles de titres libellés en euros autres que ceux détenus à des fins de politique monétaire.

Au passif, le montant global des avoirs de réserve des établissements de crédit et du recours à la facilité de dépôt est ressorti en baisse à 4 000 milliards d’euros fin 2022 (après 4 300 milliards fin 2021) et représentait 50 % du passif total (ce qui correspond au pourcentage de fin 2021). Les billets en circulation sont passés à 1 600 milliards d’euros (après 1 500 milliards fin 2021) et représentaient 20 % du passif total (après 18 %).

Graphique 2.2

Évolution du bilan consolidé de l’Eurosystème

(en milliards d’euros)

Source : BCE.
Notes : Les chiffres positifs se rapportent à l’actif et les chiffres négatifs au passif. La ligne de l’excédent de liquidité est représentée avec un chiffre positif bien qu’elle corresponde à la somme des rubriques suivantes du passif : excédent des avoirs en compte courant par rapport aux réserves obligatoires et recours à la facilité de dépôt.

Distribution des portefeuilles de l’APP et du PEPP selon les catégories d’actifs et les juridictions

L’APP comprend quatre programmes d’achats d’actifs : le troisième programme d’achats d’obligations sécurisées (CBPP3), le programme d’achats de titres adossés à des actifs (ABSPP), le programme d’achats de titres du secteur public (PSPP) et le programme d’achats de titres du secteur des entreprises (CSPP). Le PEPP a été mis en place en 2020 pour faire face à la pandémie. Toutes les catégories d’actifs éligibles dans le cadre de l’APP le sont également dans le cadre du PEPP ; une dérogation aux exigences d’éligibilité a été accordée pour les titres émis par la République hellénique. L’Eurosystème a mis un terme aux achats nets dans le cadre du PEPP fin mars 2022 et à ceux au titre de l’APP à compter du 1er juillet 2022, poursuivant toutefois les réinvestissements, en totalité, des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance dans le cadre de ces deux programmes. Les achats ont continué d’être réalisés sans heurt et conformément aux conditions de marché respectives en vigueur.

Les avoirs au titre de l’APP représentaient 3 300 milliards d’euros fin 2022

Fin 2022, les avoirs au titre de l’APP s’élevaient à 3 300 milliards d’euros (au coût amorti). Le PSPP constituait la part la plus importante de ces avoirs, avec 2 600 milliards d’euros, soit 79 % du total des avoirs détenus dans le cadre de l’APP à la fin de l’année. Dans le cadre du PSPP, l’allocation des achats entre les juridictions de la zone euro a été déterminée par la clé de répartition du capital de la BCE, sur la base des encours existants. En outre, certaines banques centrales nationales ont acheté des titres émis par des institutions supranationales de l’UE. Fin 2022, l’échéance moyenne pondérée des avoirs détenus dans le cadre du PSPP ressortait à 7,2 ans, avec quelques variations d’une juridiction à l’autre. L’ABSPP représentait moins de 1 % (23 milliards d’euros) du total des avoirs au titre de l’APP à la fin de l’année, le CBPP3 9 % (302 milliards) et le CSPP 11 % (344 milliards). Parmi les programmes d’achats de titres du secteur privé, c’est le CSPP qui a le plus contribué à la croissance des avoirs détenus au titre de l’APP en 2022, avec 34 milliards d’euros d’achats nets. Les achats d’obligations d’entreprise et d’obligations sécurisées sont guidés par des références qui reflètent la capitalisation boursière de l’ensemble des obligations d’entreprise et obligations sécurisées en circulation éligibles, respectivement. À compter d’octobre 2022, des considérations relatives au changement climatique ont été intégrées dans la référence du secteur des entreprises – pour plus de précisions, cf. la section 11.5 [8].

Les avoirs au titre du PEPP représentaient 1 700 milliards d’euros fin 2022

Fin 2022, les avoirs au titre du PEPP s’élevaient à 1 700 milliards d’euros (au coût amorti). Les portefeuilles d’obligations sécurisées représentaient moins de 1 % (6 milliards d’euros) du total, les avoirs en titres du secteur des entreprises 3 % (46 milliards) et les avoirs en titres du secteur public 97 % (1 629 milliards).

Pour les achats de titres du secteur public dans le cadre du PEPP, l’allocation de référence entre les juridictions est la clé de répartition du capital de la BCE, sur la base des encours existants. Dans le même temps, les achats ont été réalisés de façon flexible, ce qui a donné lieu à des fluctuations dans la distribution des flux d’achats au fil du temps, d’une catégorie d’actifs à l’autre et entre les juridictions. Fin 2022, l’échéance moyenne pondérée des titres du secteur public détenus dans le cadre du PEPP ressortait à 7,6 ans, avec des différences d’une juridiction à l’autre.

L’Eurosystème a réinvesti les remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance détenus dans les portefeuilles de l’APP et du PEPP. Les remboursements de titres du secteur privé ont représenté 77 milliards d’euros en 2022, tandis que les remboursements de titres du secteur public dans le cadre du PSPP et du PEPP ont représenté 446 milliards. Les actifs acquis dans le cadre du PSPP, du CSPP, du CBPP3 et du PEPP ont continué d’être mis à disposition à des fins de prêts de titres, en vue de soutenir la liquidité des marchés obligataires et de repo. En raison de l’augmentation de la demande de titres dans un contexte de pénurie de collatéral sur les marchés de repo, le Conseil des gouverneurs a décidé, en novembre 2022, de porter à 250 milliards d’euros la limite de l’Eurosystème applicable aux prêts de titres contre des garanties en espèces.

Évolutions des opérations de refinancement de l’Eurosystème

Fin 2022, l’encours des opérations de refinancement de l’Eurosystème s’élevait à 1 300 milliards d’euros, soit une baisse de 878 milliards par rapport à fin 2021. Cette variation reflète principalement les remboursements volontaires anticipés (826 milliards d’euros) et l’arrivée à échéance d’opérations (54 milliards) dans le cadre de la série des TLTRO III. S’agissant des remboursements anticipés, 744 milliards d’euros de remboursements sont intervenus à la suite de la modification des modalités et conditions des TLTRO III, qui est entrée en vigueur le 23 novembre 2022. De plus, les opérations de refinancement à plus long terme d’urgence face à la pandémie (PELTRO) sont pour la plupart arrivées à échéance fin 2022, avec un encours de seulement un milliard d’euros, par rapport à 3,4 milliards fin 2021. L’échéance moyenne pondérée des opérations de refinancement en cours de l’Eurosystème a diminué, revenant d’environ 1,7 an fin 2021 à 0,9 an fin 2022.

Levée progressive des mesures d’assouplissement des garanties prises en réponse à la pandémie

En mars 2022, la BCE a annoncé la levée progressive des mesures d’assouplissement des garanties introduites en réponse à la pandémie. Ces mesures constituaient un élément essentiel des mesures de politique monétaire prises par la BCE pour faire face à la pandémie, facilitant l’accès des banques aux opérations de crédit de l’Eurosystème et augmentant le volume des garanties éligibles. Selon les estimations des services de la BCE, 10 % environ du total des garanties mobilisées fin février 2022 étaient imputables aux mesures d’assouplissement [9]. Cette contribution s’explique principalement par la réduction temporaire des décotes sur l’ensemble des catégories d’actifs dans une proportion fixe de 20 % et par l’élargissement des dispositifs relatifs aux créances privées additionnelles (additional credit claim, ACC) de certaines banques centrales nationales.

Lors de la première étape de la levée progressive, qui a commencé en juillet 2022, la réduction temporaire des décotes a été ramenée de 20 % à 10 %. En outre, plusieurs mesures dont l’impact et la portée sont plus limités ont été supprimées : fin du maintien de l’éligibilité de certains actifs négociables et de leurs émetteurs qui respectaient les exigences de qualité du crédit le 7 avril 2020, mais dont les notations se sont par la suite dégradées, et rétablissement de la limite de 2,5 % concernant les titres de créance non garantis, au sein du panier de garanties d’un établissement de crédit, émis par tout autre groupe bancaire.

Deux nouvelles étapes de cette levée progressive seront mises en œuvre en juin 2023 et en mars 2024. Dans le cadre de la deuxième étape, une révision du barème de décotes entrera en vigueur le 29 juin 2023 et inclura la suppression complète de la réduction temporaire des décotes ; la révision du barème est décrite de façon plus détaillée à la section 2.3. Les mesures restantes d’assouplissement des garanties prises en réponse à la pandémie seront en principe levées lors de la troisième étape en mars 2024, après un examen complet des dispositifs ACC. La dérogation à l’exigence minimale de notation pour les instruments de dette négociables émis par la République hellénique continuera de s’appliquer au moins aussi longtemps que se poursuivront les réinvestissements en obligations d’État grecques dans le cadre du PEPP.

Évolutions des actifs négociables éligibles et des garanties mobilisées

Le montant des actifs négociables éligibles a augmenté de 759 milliards d’euros en 2022 pour atteindre un niveau de 17 100 milliards à la fin de l’année (graphique 2.3). Les titres des administrations centrales sont demeurés la catégorie d’actifs la plus importante (9 300 milliards d’euros). Les autres catégories d’actifs comprenaient les obligations d’entreprise (1 900 milliards d’euros), les obligations bancaires sécurisées (1 700 milliards) et les obligations bancaires non garanties (1 700 milliards). Les titres des administrations régionales (595 milliards d’euros), les titres adossés à des actifs (562 milliards) et les autres actifs négociables (1 300 milliards) représentaient chacun une fraction relativement faible de l’univers des actifs éligibles.

Graphique 2.3

Évolutions des actifs négociables éligibles

(en milliards d’euros)

Source : BCE.
Notes : Les valeurs des actifs sont des montants nominaux. Le graphique présente les moyennes des données de fin de mois pour chaque période.

Les garanties mobilisées ont diminué de 314 milliards d’euros pour s’établir à 2 500 milliards fin 2022 (graphique 2.4). Les créances privées (y compris les ACC), dont les montants mobilisés s’établissaient à 881 milliards d’euros, ont continué de représenter la principale catégorie d’actifs utilisée en garantie. Les obligations bancaires sécurisées (640 milliards d’euros), les titres adossés à des actifs (392 milliards) et les titres émis par les administrations centrales (330 milliards) ont également été mobilisés dans une très large mesure. Les obligations bancaires non garanties, les titres des administrations régionales et les obligations d’entreprise ont été utilisés dans une moindre mesure, représentant 113 milliards d’euros, 62 milliards et 55 milliards, respectivement.

Graphique 2.4

Évolutions des garanties mobilisées

(en milliards d’euros)

Source : BCE.
Notes : Depuis le premier trimestre 2013, les « actifs non négociables » ont été subdivisés en « créances privées » et « dépôts à terme et dépôts d’espèces ». S’agissant des garanties, les données présentées sont des moyennes de fin de mois pour chaque période, après valorisation et décotes. Concernant l’encours des crédits, les données quotidiennes sont utilisées.

2.3 Les risques financiers en période de normalisation de la politique monétaire

L’équilibre entre risque et efficacité est un principe essentiel de la fonction de gestion des risques de l’Eurosystème

Tous les instruments de politique monétaire impliquent des risques financiers, que l’Eurosystème gère par le biais de cadres de gestion des risques spécifiques lorsqu’il poursuit ses objectifs de politique monétaire. Lorsqu’il existe plusieurs manières de mettre en œuvre la politique monétaire, la fonction de gestion des risques de l’Eurosystème s’efforce de parvenir à l’équilibre entre risque et efficacité : atteindre les objectifs de politique monétaire avec le minimum de risques possible pour l’Eurosystème [10].

En 2022, étant donné la normalisation progressive de la politique monétaire et en ligne avec le plan d’action sur le changement climatique mis en place par le Conseil des gouverneurs, l’Eurosystème a modifié ses cadres de gestion des risques. Le Conseil des gouverneurs a décidé de supprimer progressivement les mesures d’assouplissement appliquées aux garanties qu’il avait introduites en réponse à la pandémie et de rétablir les niveaux pré-pandémiques de tolérance au risque pour les opérations de crédit de l’Eurosystème. Il a également introduit des considérations relatives au changement climatique dans le cadre des achats d’obligations du secteur des entreprises. La hausse des taux d’intérêt réduira la rentabilité de l’Eurosystème dans un avenir prévisible.

Examen régulier du dispositif de contrôle des risques pour les opérations de crédit

Le barème de décote actualisé sera mis en œuvre mi-2023

En 2022, la BCE a réalisé son examen régulier du dispositif de contrôle des risques pour les opérations de crédit de politique monétaire, ce qui a donné lieu à une actualisation du barème de décote. Les conclusions de l’examen seront mises en œuvre en juin 2023, avec la deuxième étape de la suppression progressive des mesures d’assouplissement appliquées aux garanties. Le processus de suppression est présenté dans la section 2.2. Cette approche rétablira progressivement les niveaux pré-pandémiques de tolérance au risque de l’Eurosystème pour les opérations de crédit tout en évitant les effets de falaise concernant la disponibilité des garanties.

Les principales modifications du barème de décote peuvent être résumées comme suit : a) les obligations européennes (instruments de dette émis par l’Union européenne) seront déplacées de la catégorie de décote II a la catégorie de décote I et par conséquent traitées de la même manière que les instruments de dette émis par les administrations centrales ; b) l’ensemble des obligations sécurisées législatives et des multi-cédulas seront affectées à la catégorie de décote II, ce qui supprimera la distinction entre les obligations « jumbo » et les autres obligations sécurisées ; c) les décotes seront identiques pour les instruments de dette négociables qu’ils soient assortis d’un coupon fixe ou d’un coupon variable ; d) la catégorie de durée résiduelle la plus longue (supérieure à dix ans) sera divisée en trois catégories afin de mieux couvrir les risques liés aux obligations à échéances longues ; e) la valorisation minorée théorique au taux unique de 5 % sera remplacée par une minoration variant en fonction de la maturité et son application sera étendue à tous les actifs négociables faisant l’objet d’une valorisation théorique, à l’exception de ceux relevant de la catégorie de décote I.

Globalement, la suppression complète de la réduction temporaire des décotes appliquées aux garanties, sur la base d’un barème de décote actualisé, garantira un niveau approprié de protection contre les risques, améliorera la cohérence du dispositif et renforcera l’équivalence de risques entre les actifs, tout en garantissant la disponibilité du collatéral.

Gérer les risques liés aux achats d’actifs réalisés dans le cadre de l’APP et du PEPP

En 2022, les achats d’actifs ont continué d’être menés aux fins de la politique monétaire dans le cadre de l’APP et du PEPP, pour lesquels des cadres de contrôle des risques financiers spécifiques sont en place. Ceux-ci prennent en compte les objectifs de politique monétaire des programmes ainsi que les caractéristiques et les profils de risque des différents types d’actifs achetés. Les cadres comportent des critères d’éligibilité, des évaluations du risque de crédit et des procédures de diligence raisonnable, des cadres de valorisation, des portefeuilles de référence et des limites. Ils s’appliquent aux achats nets d’actifs, au réinvestissement des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance et aux avoirs détenus, aussi longtemps qu’ils demeurent inscrits au bilan de l’Eurosystème. Le tableau 2.1 résume les principaux éléments de ces cadres en tenant compte des modifications introduites en 2022.

À l’avenir, les achats de commercial paper devraient être limités

Dans le cadre de sa réponse à la pandémie, l’Eurosystème a effectué d’importants achats de commercial paper au titre du PEPP. Compte tenu de l’arrêt des achats nets d’actifs dans le cadre du PEPP et de l’APP, les achats de commercial paper devraient être limités à l’avenir. Les futurs achats de commercial paper se concentreront sur l’APP et seront effectués aux niveaux de valorisation des filets de sécurité [11].

Les réinvestissements du secteur des entreprises se sont orientés vers les émetteurs ayant une meilleure performance environnementale

À partir d’octobre 2022, l’Eurosystème a orienté ses réinvestissements des remboursements au titre du principal des titres du secteur des entreprises arrivant à échéance vers des émetteurs ayant une meilleure performance environnementale. Cette mesure est expliquée plus en détail dans la section 11.5 [12].

Tableau 2.1

Principaux éléments des cadres de contrôle des risques pour l’APP et le PEPP

Source : BCE.
Notes : ABS : titres adossés à des actifs ; CAC : clause d’action collective ; CQS : échelon de qualité du crédit selon l’échelle de notation harmonisée de l’Eurosystème (cf. la page intitulée « Eurosystem credit assessment framework » sur le site internet de la BCE).
1) Les ABS dont la notation est inférieure à l’échelon 2 de qualité du crédit doivent satisfaire à des exigences supplémentaires, notamment : a) les ABS ne doivent pas être adossés à des prêts non performants ni au moment de l’émission ni au cours de leur durée de vie ; b) les actifs générant des flux financiers auxquels sont adossés les ABS ne doivent pas être structurés, syndiqués ou à effet de levier ; et c) des dispositions relatives à la continuité du service doivent être en place.
2) Cf. la page intitulée « Implementation aspects of the public sector purchase programme (PSPP) » sur le site internet de la BCE.

La hausse des taux d’intérêt peut affecter les bénéfices de l’Eurosystème

Avec la hausse des taux d’intérêt, les charges d’intérêts des banques centrales augmentent plus vite que leurs revenus

La BCE a relevé ses taux directeurs plusieurs fois en 2022 en réponse aux chocs exceptionnellement forts ayant affecté les perspectives d’inflation. Les taux d’intérêt plus élevés affectent à leur tour les bénéfices de la BCE et des banques centrales nationales des pays de la zone euro et peuvent même entraîner des pertes financières. Cela s’explique par le fait qu’à court et à moyen terme, le coût du passif au bilan des banques centrales est plus sensible aux taux d’intérêt que le revenu généré par leurs actifs. À terme, le revenu tiré des actifs de l’Eurosystème devrait également augmenter, ce qui améliorera sa rentabilité.

Au cours des années précédentes, des coussins financiers ont été constitués, qui peuvent être utilisés pour compenser les pertes potentielles. Si ces coussins sont pleinement utilisés, toute perte restante peut être comptabilisée au bilan et compensée par les bénéfices futurs, sans affecter directement la capacité des banques centrales de l’Eurosystème à fonctionner efficacement [13].

3 Secteur financier européen : les conditions de la stabilité financière se détériorent

Les conditions de la stabilité financière dans la zone euro se sont détériorées courant 2022, dans un contexte d’inflation élevée, de durcissement des conditions financières et de perspectives de croissance plus faibles. Les vulnérabilités majeures ont augmenté tout au long de l’année. Elles comprennent : a) des préoccupations relatives à la soutenabilité de la dette de certaines entreprises, de certains ménages et de certains États ; b) des valorisations des actifs financiers qui pourraient ne pas avoir reflété les perspectives plus négatives en matière de croissance, d’inflation et de conditions financières; c) des valorisations tendues du marché de l’immobilier ; d) un risque de crédit accru pour les banques ; et e) des expositions au risque de crédit et de liquidité parmi les institutions financières non bancaires. Pour faire face aux risques liés à ces vulnérabilités, les autorités macroprudentielles ont progressivement renforcé les mesures relatives aux fonds propres et/ou aux emprunteurs. En outre, les travaux se sont poursuivis sur le renforcement du cadre réglementaire pour les banques et sur l’approche macroprudentielle en ce qui concerne les institutions financières non bancaires, afin de continuer de renforcer la résilience à long terme du système financier.

3.1 L’environnement de la stabilité financière en 2022

Les risques pesant sur la stabilité financière se sont accrus en raison de la détérioration des conditions macrofinancières

Les conditions de la stabilité financière dans la zone euro se sont détériorées courant 2022, reflétant une inflation élevée, un durcissement des conditions financières et des perspectives de croissance plus faibles. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a entraîné de fortes hausses des prix des matières premières et de l’énergie qui, conjuguées aux pressions sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, ont alimenté les tensions inflationnistes. Cela a conduit les grandes banques centrales à ajuster l’orientation de leur politique monétaire, ce qui a contribué au durcissement des conditions financières mondiales, à une plus grande volatilité des marchés financiers et à des corrections des prix des actifs. Un soutien budgétaire à grande échelle en période de hausse des rendements des emprunts publics s’est traduit par des coûts accrus du service de la dette, en particulier pour les pays les plus endettés, tandis que l’inflation élevée a pesé sur les revenus réels des ménages et sur les coûts des entreprises. En conséquence, si les banques de la zone euro ont bénéficié de la hausse des taux d’intérêt, la qualité de leurs actifs a suscité des inquiétudes. Les institutions financières non bancaires ont continué à être confrontées à un risque de crédit et de liquidité élevé, bien qu’elles aient pris des mesures pour réduire dans une certaine mesure, les niveaux de risque de leur portefeuille.

L’inflation élevée, les risques de récession et le durcissement des conditions financières ont constitué des défis pour les États, les entreprises et les ménages endettés

La forte inflation et le durcissement des conditions financières ont pesé sur la situation financière des États, des entreprises et des ménages en 2022. Avec des niveaux d’endettement déjà élevés en raison de la pandémie, les gouvernements de la zone euro ont apporté un nouveau soutien budgétaire important pour atténuer les effets de la hausse des prix de l’énergie et de l’inflation. Dans le même temps, les rendements des obligations d’État ont nettement augmenté, ce qui a ravivé les inquiétudes quant à la fragmentation des marchés de la dette souveraine de la zone euro. Ces craintes ont été atténuées en partie par des mesures telles que l’annonce de l’instrument de protection de la transmission de la BCE (Transmission Protection Instrument). Dans le secteur des entreprises, la hausse des prix de l’énergie et des matières premières a représenté un défi, en particulier pour les secteurs à forte intensité énergétique qui étaient moins à même de répercuter la hausse des coûts sur leur clientèle, tels que certaines entreprises de services collectifs et de construction. Les petites et moyennes entreprises ont moins bénéficié que les grandes entreprises du rebond de l’activité économique post-pandémie et sont demeurées particulièrement vulnérables à un ralentissement de l’activité économique et à une hausse des coûts d’emprunt. La capacité des ménages à assurer le service de leur dette a été affaiblie par l’érosion du revenu disponible réel et de l’épargne due à la forte inflation, conjuguée à des taux d’intérêt plus élevés, en particulier dans les pays où les niveaux d’endettement des ménages sont plus importants. Si la croissance des prix de l’immobilier est demeurée vigoureuse dans la zone euro, des signes indiquent que l’expansion immobilière de ces dernières années pourrait arriver à son terme, les estimations de surévaluation étant élevées, les taux appliqués aux nouveaux prêts hypothécaires ayant augmenté et la croissance des prêts hypothécaires s’étant ralentie. Un retournement du cycle immobilier pourrait aggraver les vulnérabilités des revenus et de la situation financière des ménages de la zone euro.

Les marchés financiers ont enregistré de fortes corrections des prix en raison de la hausse des taux d’intérêt

Les marchés financiers de la zone euro ont enregistré de fortes baisses des prix en 2022, reflétant principalement l’incidence directe de la hausse des taux d’intérêt. Si ces corrections ont été globalement ordonnées, les prix ont présenté un co-mouvement inhabituellement fort pour une large gamme de catégories d’actifs, ce qui a rendu les stratégies de diversification plus complexes. Toutefois, au second semestre 2022 et en particulier après le mois de septembre, les indices boursiers se sont écartés de plus en plus des performances des marchés obligataires et ont augmenté dans l’ensemble de l’Europe, soutenus par la hausse des indices du secteur bancaire. L’activité sur les marchés primaires – y compris les introductions en bourse et les émissions d’obligations d’entreprise à haut rendement – a nettement diminué par rapport à l’année précédente. Malgré les corrections des marchés, les prix de certains actifs risqués semblaient rester tendus, ne reflétant peut-être pas intégralement les perspectives plus négatives en matière de croissance, d’inflation et de conditions financières. En outre, les fortes variations des prix des matières premières et les exigences en matière de marges qui en résultent ont compliqué la gestion des liquidités pour certains intervenants sur les marchés de dérivés.

La hausse des taux d’intérêt a soutenu les bénéfices des banques, mais les coûts de financement ont augmenté et la qualité des actifs a semblé menacée

La rentabilité des banques de la zone euro est demeurée robuste en 2022, favorisée par la diminution des charges d’exploitation, des provisions pour pertes sur prêts toujours faibles et un résultat d’exploitation plus élevé grâce à des marges plus importantes et à une augmentation des volumes de prêts. Malgré une dégradation significative des perspectives économiques, la qualité des actifs des banques de la zone euro ne présente aucun signe de détérioration généralisée, le ratio de prêts sous-performants continuant à baisser. Toutefois, les tendances en matière de prêts « sous-performants » (stade 2 des trois catégories prévues par la norme internationale d’information financière IFRS 9) suggèrent une certaine hausse du risque de crédit. La hausse des taux d’intérêt pourrait accroître les risques de crédit liés à l’exposition des banques aux secteurs vulnérables, lesquels se sont étendus ces dernières années, notamment en incluant les marchés de l’immobilier résidentiel. S’agissant du passif, les coûts de financement par obligations ont nettement augmenté pour les banques en 2022, principalement en raison des anticipations relatives aux mesures de politique monétaire. En outre, la hausse des taux sur les nouveaux dépôts et l’arrivée à échéance des fonds dans le cadre de la troisième série d’opérations de refinancement à plus long terme ciblées (TLTRO III) ont commencé à se traduire par une augmentation des coûts de financement moyens pour les banques. Ces obstacles conjoncturels croissants ont été amplifiés par les défis à plus long terme résultant d’une faible efficience en termes de coûts, d’une diversification limitée des revenus et d’une surcapacité dans certaines parties du secteur bancaire de la zone euro.

L’exposition au risque de crédit du secteur financier non bancaire est restée élevée

L’exposition globale des institutions financières non bancaires au risque de crédit est demeurée élevée en 2022, ce qui les expose à de fortes pertes de crédit en cas de détérioration significative des fondamentaux du secteur des entreprises, en particulier dans les secteurs à forte intensité énergétique. Outre les besoins de liquidités résultant des rachats des investisseurs, des déchéances de polices d’assurance et des appels de marge, la chute généralisée des prix des actifs financiers a été le principal déterminant d’une baisse importante de la valeur totale des actifs du secteur financier non bancaire. Si les fonds d’investissement ont vu leur trésorerie augmenter à partir de début 2022, leur détention d’actifs liquides est demeurée relativement faible, les rendant susceptibles d’amplifier une correction de marché via un comportement de vente procyclique dans le cas où un scénario défavorable déclencherait d’importants remboursements. Le risque de duration des non-banques est également demeuré élevé, exposant le secteur à de nouvelles moins-values de réévaluation du portefeuille obligataire. Toutefois, les secteurs de l’assurance-vie et des fonds de pension bénéficient particulièrement de la transition vers un environnement de plus haut niveau des taux d’intérêt en raison de leurs écarts de duration négatifs structurels. Cela étant, les non-banques ont réagi à la hausse des rendements et à la détérioration des perspectives économiques en commençant à réduire leurs détentions d’obligations d’entreprise et d’obligations souveraines moins bien notées, diminuant ainsi le risque de leur portefeuille.

En plus des risques pour les différents secteurs, le changement climatique a continué de faire peser des risques sur la stabilité financière de la zone euro en 2022. Les banques, les fonds et les sociétés d’assurance de la zone euro doivent gérer les incidences de la transition vers une économie plus verte, y compris les risques de concentration associés aux expositions aux risques climatiques. En outre, l’augmentation des cyber-risques a menacé le système financier de la zone euro, soulignant la nécessité pour les institutions financières d’investir en permanence dans les cyberinfrastructures ainsi que dans la cybersécurité et pour les autorités de renforcer le suivi.

3.2 Mesures macroprudentielles pour accroître la résilience du secteur financier aux vulnérabilités accumulées

Les politiques macroprudentielles sont un instrument essentiel pour faire face aux vulnérabilités pesant sur la stabilité financière

La BCE a pour mission d’évaluer les mesures macroprudentielles relatives aux fonds propres applicables aux banques prévues par les autorités nationales dans les pays participant au mécanisme de surveillance unique (MSU), le système de supervision bancaire en Europe. Il est important de souligner que la BCE a le pouvoir de mettre en œuvre des mesures plus strictes en matière de fonds propres, si nécessaire [14]. Ce rôle a été particulièrement important en 2022 en raison des vulnérabilités macrofinancières qui se sont accumulées ces dernières années, notamment durant la pandémie.

Promouvoir la résilience du système financier et identifier les priorités pour les réformes réglementaires

En dépit de la détérioration des perspectives macroéconomiques et des conditions de la stabilité financière dans la zone euro au cours de l’année 2022, les banques soumises à la supervision bancaire européenne sont demeurées dans une position favorable pour résister aux défis économiques en cours. Les avancées réglementaires et un recours actif aux politiques prudentielles ont permis un renforcement des bilans et des situations de fonds propres des banques. Dans le même temps, les vulnérabilités accumulées, liées en particulier aux évolutions de l’immobilier résidentiel mais également, plus largement, à la forte croissance du crédit et à l’endettement croissant dans le secteur privé non financier, ont fait peser des risques à moyen terme. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a rendu la situation macrofinancière plus difficile, aggravant ces vulnérabilités et accroissant la probabilité que les risques se matérialisent à court terme.

Pour remédier à ces risques à moyen terme, un grand nombre de pays participant à la supervision bancaire européenne ont décidé de durcir les mesures macroprudentielles relatives aux fonds propres. Fin 2022, 11 pays avaient annoncé une augmentation du coussin de fonds propres contracyclique et trois pays avaient mis en place un coussin (sectoriel) pour le risque systémique ou annoncé une augmentation [15]. La BCE a procédé à des échanges de vues avec les autorités nationales et évalué les mesures. Elle n’a pas émis d’objection aux décisions, qui ont été jugées cohérentes avec sa propre évaluation de la nécessité de préserver la résilience du secteur bancaire. Fin 2022, quinze pays avaient également appliqué des mesures macroprudentielles relatives aux emprunteurs.

En novembre 2022, le Conseil des gouverneurs a publié une déclaration soulignant le rôle des coussins de fonds propres macroprudentiels pour préserver et renforcer la résilience du secteur bancaire dans un environnement macrofinancier difficile [16]. Le durcissement des coussins de fonds propres, même tardivement au cours du cycle économique ou financier, à condition d’éviter les effets procycliques, protège contre les vulnérabilités accumulées et contribue à mettre des capitaux à disposition quand cela s’avère nécessaire, dans la mesure où les coussins peuvent être libérés si des évolutions défavorables se matérialisent. Cela renforce alors la capacité des banques à absorber les pertes tout en continuant de fournir des services financiers essentiels à l’économie. La déclaration a pris note de la marge de manœuvre en fonds propres existant au-delà des exigences réglementaires et a souligné la nécessité d’éviter les effets procycliques liés à un durcissement excessif des conditions du crédit, en particulier en adaptant de manière adéquate les mesures macroprudentielles aux conditions spécifiques dans chaque pays. La déclaration a également mentionné l’importance de remédier aux risques pesant sur la stabilité financière dans le secteur financier non bancaire du point de vue du risque systémique. En décembre 2022, le Conseil des gouverneurs a annoncé qu’il avait révisé la méthodologie des taux planchers pour les coussins de fonds propres applicables aux autres établissements d’importance systémique (autres EIS). La méthodologie révisée accroîtra la résilience des banques d’importance systémique et s’appliquera à compter du 1er janvier 2024.

La BCE a continué de communiquer ses analyses et ses avis s’agissant des sujets relatifs à la politique macroprudentielle en 2022. Elle a exprimé l’opinion selon laquelle, à moyen terme, la résilience du système financier serait renforcée en créant une marge de manœuvre macroprudentielle plus importante par le biais d’une augmentation du montant des coussins libérables, et en accroissant l’efficacité des coussins de fonds propres contracycliques existants [17]. De plus, les chapitres relatifs à la politique macroprudentielle dans les numéros de mai et de novembre 2022 de la Financial Stability Review de la BCE ont expliqué pourquoi il était important de renforcer la résilience du système bancaire rapidement, tout en ajustant le calendrier et le rythme des mesures prudentielles à l’incertitude accrue et aux conditions spécifiques aux différents pays [18]. Enfin, et surtout, compte tenu du regain d’attention dûment accordé à l’accumulation de vulnérabilités sur les marchés de l’immobilier au cours des dernières années, la BCE a consacré le numéro d’octobre 2022 de son Macroprudential Bulletin à l’analyse des interactions entre les marchés de l’immobilier, la stabilité financière et la politique macroprudentielle.

La coopération avec le Comité européen du risque systémique

Le CERS a publié un nombre significatif de recommandations et d’alertes en réponse au risque systémique

En 2022, la BCE a continué d’apporter un soutien analytique, statistique, logistique et administratif au secrétariat du Comité européen du risque systémique (CERS) [19]. En particulier, la BCE a co-présidé une équipe de rédaction du CERS chargée de répondre à l’appel à conseils de la Commission européenne sur la révision du cadre macroprudentiel de l’UE [20]. La BCE a également apporté son soutien aux travaux du CERS sur : a) une stratégie macroprudentielle pour les risques pesant sur la stabilité financière liés aux cyberincidents [21] ; b) des réformes visant à accroître la résilience des fonds monétaires [22] ; c) le suivi des vulnérabilités liées à l’intermédiation financière non bancaire [23] ; d) la mesure et la modélisation des risques liés au climat pesant sur la stabilité financière de l’UE [24] ; et e) l’analyse des vulnérabilités dans le secteur de l’immobilier commercial de l’Espace économique européen [25].

En 2022, le CERS a émis plusieurs alertes et recommandations. En janvier et février, il a publié des recommandations relatives au renforcement de la résilience des fonds monétaires et à la mise en place d’un cadre de coordination des cyberincidents systémiques [26] ainsi que cinq alertes et deux recommandations concernant les vulnérabilités dans le secteur de l’immobilier résidentiel [27]. Dans un contexte de risques croissants pesant sur la stabilité financière, le CERS a publié sa première alerte globale en septembre 2022 [28]. De plus, le CERS a émis une recommandation concernant les vulnérabilités du secteur de l’immobilier commercial en décembre 2022 [29].

Des informations plus détaillées sur le CERS sont disponibles sur son site internet et dans ses Rapports annuels.

3.3 Les activités microprudentielles visant à garantir la solidité des banques individuelles

Le secteur bancaire de la zone euro a bien résisté aux effets macroéconomiques et financiers de la guerre menée par la Russie en Ukraine

À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la BCE a réalisé une analyse de vulnérabilité qui confirmé la capacité de résistance globale du secteur bancaire de la zone euro aux conséquences macroéconomiques et financières de la guerre. Toutefois, en raison des sanctions mises en œuvre, certaines banques ont quitté le marché. En février, la BCE a estimé que Sberbank Europe AG et ses deux filiales dans l’union bancaire, Sberbank d.d. en Croatie et Sberbank banka d.d. en Slovénie présentaient une défaillance avérée ou prévisible en raison d’une détérioration de leur situation de liquidité. En outre, la BCE a pris des décisions concernant l’arrêt progressif des opérations bancaires de RCB Bank.

En 2022, la BCE a adapté l’orientation de ses examens ciblés et de ses inspections sur place aux risques les plus directement affectés par la guerre : les expositions liées à l’énergie, le risque de taux d’intérêt dans le portefeuille bancaire, les expositions immobilières et le risque de crédit de contrepartie. Ces poches de risque, conjuguées à une incertitude prononcée quant aux perspectives macroéconomiques et à des préoccupations persistantes en ce qui concerne la gouvernance des banques et leurs contrôles internes des risques, ont fait que les notes globales des banques ne se sont pas améliorées dans le cadre du processus de contrôle et d’évaluation prudentiels de 2022, malgré de meilleures mesures de la qualité des actifs et de la rentabilité. Afin de tenir compte des répercussions possibles de la guerre et de la normalisation de la politique monétaire, les risques géopolitiques et de financement ont été inclus dans les priorités prudentielles pour 2023-2024.

La BCE a fait des progrès décisifs dans le cadre de son programme d’action en matière de risque climatique avec le premier test de résistance spécifique et un examen thématique

La BCE a également réalisé des avancées décisives dans le cadre de son programme d’action en matière de risque climatique. Le premier test de résistance prudentiel sur les risques climatiques a évalué l’état de préparation des banques pour anticiper et gérer les chocs financiers et économiques liés à ces risques. Selon les résultats publiés en juillet, les banques n’intègrent toujours pas suffisamment les risques climatiques à leurs dispositifs de tests de résistance et leurs modèles internes, malgré des progrès accomplis depuis 2020. En outre, la BCE a publié en novembre les résultats de l’examen thématique 2022 des risques liés au climat et à l’environnement, qui a conclu que la plupart des banques devaient encore améliorer leurs pratiques en matière de gestion des risques pour se conformer aux attentes prudentielles énoncées dans le guide de la BCE relatif aux risques liés au climat et à l’environnement. Deux rapports compilant les bonnes pratiques observées lors de l’examen et du test de résistance ont été publiés en novembre et décembre.

Dans le cadre de ses efforts continus pour renforcer la transparence et la responsabilité, la BCE a lancé, le 28 septembre 2022, une consultation publique sur son projet de guide sur les procédures relatives aux participations qualifiées. À la suite d’une consultation publique achevée le 30 août 2021, la BCE a également clarifié ses principes généraux d’exercice des différentes options et facultés pour la supervision des banques. En juin 2022, la BCE a publié une déclaration sur la méthodologie à utiliser pour exercer les facultés en matière prudentielle relatives aux expositions transfrontières au sein de l’union bancaire dans le cadre de l’évaluation des banques d’importance systémique mondiale (G-SIB).

Trois banques ont été sanctionnées par la BCE en 2022 [30].

Enfin, la BCE a publié deux protocoles d’accord en matière de surveillance prudentielle (avec le Conseil de résolution unique et la Commissione Nazionale per la Società e la Borsa, respectivement) qui ont été révisés en 2022. La supervision bancaire de la BCE a également mené sa desk-mapping review des banques internationales ayant décidé de transférer leurs activités de Londres, à l’issue du Brexit, vers des filiales situées dans les pays participant à la supervision bancaire européenne, afin de s’assurer que toutes les entités surveillées par le MSU sont dotées de dispositifs de gestion des risques solides sur le plan prudentiel et d’une présence locale permettant une supervision efficace et proportionnée aux risques qu’elles génèrent.

Des informations plus détaillées sur la supervision bancaire de la BCE sont fournies sur son site internet et dans le Rapport annuel 2022 de la BCE sur ses activités prudentielles.

3.4 La contribution de la BCE aux initiatives européennes du secteur financier

Des progrès significatifs ont été accomplis quant à l’amélioration du cadre réglementaire

Des progrès significatifs ont été accomplis dans le cadre réglementaire du secteur financier en 2022. Dans le même temps, de nouveaux travaux sont nécessaires pour mettre en œuvre les réformes définitives de Bâle III, achever l’union bancaire, améliorer le cadre macroprudentiel et lutter contre le risque climatique, ainsi que pour réglementer les crypto-actifs, les marchés de capitaux et les établissements financiers non bancaires.

Améliorer le cadre réglementaire pour les banques

Les travaux sur la réglementation bancaire dans l’UE ont porté sur Bâle III, la gestion de crise, le dispositif macroprudentiel et les risques climatiques

La Commission européenne a publié le 27 octobre 2021 ses propositions pour la mise en œuvre des réformes de Bâle III dans l’UE. Depuis, la BCE a soutenu activement le processus législatif. En 2022, elle a publié des avis sur les propositions de révision du règlement sur les exigences de fonds propres et de la directive sur les exigences de fonds propres [31]. La BCE a également communiqué son avis sur le « paquet » bancaire à plusieurs occasions [32].

Les discussions sur l’achèvement de l’union bancaire se sont poursuivies en 2022, avec la participation active de la BCE. Comme convenu par l’Eurogroupe en juin, les travaux seront désormais axés sur le renforcement du cadre de gestion des crises pour les banques et, en juillet, la BCE a publié une contribution à la consultation ciblée de la Commission européenne sur l’évaluation des règles en matière d’aides d’État en faveur des banques en difficulté.

L’examen du cadre de la politique macroprudentielle dans l’UE, destiné à garantir que les autorités compétentes soient en mesure de faire face aux risques systémiques de façon rapide, cohérente et exhaustive dans toutes les juridictions, a représenté un autre chantier important pour la BCE en 2022. Dans sa réponse à la demande d’avis de la Commission européenne, la BCE a identifié un certain nombre de domaines prioritaires nécessitant des mesures législatives afin de rendre plus efficace la panoplie d’outils macroprudentiels de l’UE.

Dans le cadre de son programme d’action pour le climat global, la BCE a suivi en permanence les risques financiers liés au climat et a contribué aux discussions menées dans les enceintes européennes et internationales. Elle a publié un rapport, conjointement avec le CERS, qui fait état des conséquences possibles des chocs climatiques sur le système financier. Le rapport évalue la portée des politiques macroprudentielles comme partie intégrante d’une réponse de politique économique plus large, afin de compléter les efforts microprudentiels pour faire face à l’impact financier du changement climatique. Sur le plan microprudentiel, la BCE a procédé à une évaluation des informations fournies par les banques et à un examen thématique des risques liés au climat et à l’environnement, ainsi qu’à un test de résistance au risque climatique (cf. section 3.3). En outre, la BCE a participé aux travaux menés par le groupe de travail du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire (CBCB) sur les risques financiers liés au climat, qui a publié les questions fréquemment posées clarifiant la manière dont les risques financiers liés au climat peuvent être traités par le biais de normes réglementaires existantes, ainsi que des principes pour une gestion et une surveillance efficaces des risques financiers liés au climat. Au niveau de l’UE, la BCE a contribué à l’analyse de l’Autorité bancaire européenne sur le rôle des risques environnementaux dans le cadre prudentiel.

Renforcer la réglementation des marchés de capitaux et des institutions financières non bancaires et développer un cadre réglementaire pour les crypto-actifs

En ce qui concerne le secteur financier non bancaire, les efforts réglementaires se sont concentrés sur l’union des marchés de capitaux, les vulnérabilités structurelles et les crypto-actifs

En 2022, la BCE a continué de souligner l’importance de faire progresser l’union des marchés des capitaux [33]. Elle a publié plusieurs avis sur des propositions législatives, y compris sur a) le renforcement de la transparence des données de marché, b) l’établissement et le fonctionnement du point d’accès unique européen, c) les dépositaires centraux de titres et d) la directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs. La BCE a également réaffirmé la nécessité de mettre en œuvre intégralement et sans délai le plan d’action 2020 de la Commission européenne relatif à l’union des marchés de capitaux, accueillant favorablement les propositions législatives publiées en décembre 2022. Ces propositions remédient aux obstacles structurels qui freinent l’intégration des marchés de capitaux de l’UE, tels que les différences nationales en matière de réglementation sur l’insolvabilité. Ces propositions faciliteront, pour les entreprises, la cotation des titres et la levée de capitaux en Bourse et renforceront le système européen de compensation centrale. La BCE a appelé à de nouveaux progrès en matière de protection des investisseurs et d’harmonisation de la taxation, au renforcement de la surveillance transfrontière des marchés de capitaux et à l’harmonisation des cadres de capital-risque dans la zone euro afin de soutenir les marchés boursiers et de capital-risque ainsi que pour faciliter le financement de l’innovation.

La BCE a continué de souligner l’importance de remédier aux vulnérabilités structurelles du secteur financier non bancaire et d’améliorer le cadre de mesures approprié dans une perspective macroprudentielle. Les propositions d’action visant à remédier à l’asymétrie de liquidité dans le secteur des fonds d’investissement monétaires ont été examinées dans le Bulletin macroprudentiel de la BCE. La BCE a également contribué à la logique économique soutenant la recommandation du CERS sur la réforme des fonds monétaires, publiée en janvier 2022 [34]. La BCE a continué d’insister sur le fait que la mise en œuvre de ces réformes ne doit pas être retardée. En ce qui concerne les fonds d’investissement ouverts, la BCE a contribué à l’évaluation menée par le Conseil de stabilité financière (CSF) de l’efficacité des recommandations de 2017 du CSF sur l’asymétrie structurelle de liquidité dans ces fonds [35]. Le CSF révisera désormais les recommandations afin de mieux gérer l’asymétrie [36].

La BCE a également contribué activement aux discussions relatives à un cadre réglementaire pour les crypto-actifs au sein d’instances internationales telles que le CSF, le CBCB et le Comité sur les paiements et les infrastructures de marché (CPMI) [37]. Des progrès importants ont été réalisés vers l’objectif d’assurer que toutes les activités liées aux crypto-actifs présentant un risque pour la stabilité financière soient soumises à une réglementation, une supervision et une surveillance complètes et coordonnées au niveau mondial, et que le traitement prudentiel des expositions des banques aux crypto-actifs fasse l’objet d’un accord au niveau mondial.

Encadré 2
Des règles strictes, des banques solides – le paquet bancaire

En 2022, la BCE a publié ses avis relatifs aux modifications de la directive sur les exigences de fonds propres (Capital Requirements Directive, CRD VI) et du règlement sur les exigences de fonds propres (Capital Requirements Regulation, CRR III) proposées par la Commission européenne, qui constituent deux éléments principaux du dernier « paquet bancaire » de l’UE [38]. Ces propositions visent à mettre en œuvre dans l’UE les règles de Bâle III qui ne sont pas encore appliquées, ainsi qu’à renforcer davantage le cadre prudentiel de l’UE, notamment en améliorant l’harmonisation et en remédiant aux failles de la réglementation, ainsi qu’en mettant davantage l’accent sur les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance. La BCE soutient fortement ces objectifs. Des règles plus strictes rendent les banques plus solides, ce qui bénéficie par conséquent à la résilience du système bancaire de l’UE.

Mise en œuvre des règles de Bâle III qui ne sont pas encore appliquées

La mise en œuvre des éléments des normes de Bâle III qui ne sont pas encore appliqués constitue l’étape finale de la révision de la règlementation financière mondiale en réponse à la crise financière mondiale. Ces règles ont été élaborées et convenues au niveau international, par les banques centrales et les superviseurs bancaires, à la suite des enseignements tirés de la crise. Elles intègrent également des propositions et des ajustements présentés par les représentants européens au Comité de Bâle.

La BCE a toujours plaidé en faveur d’une mise en œuvre complète, rapide et fidèle des normes de Bâle III dans l’UE. Cela sera déterminant pour garantir la sécurité et la solidité du système bancaire de l’UE. La proposition législative d’octobre 2021 de la Commission européenne comprend plusieurs écarts par rapport aux règles de Bâle III, à propos desquels la BCE a exprimé des inquiétudes dans ses avis. En particulier, la BCE a souligné le fait que la proposition concernant le règlement sur les exigences de fonds propres comprend des dispositions transitoires pour les expositions sur l’immobilier et sur des entreprises non notées qui s’écartent des normes de Bâle III. Ces écarts ne sont pas justifiés du point de vue prudentiel et de la stabilité financière et pourraient entraîner la non prise en compte de poches de risque. La BCE estime que tous les écarts devront être supprimés ou, s’ils sont maintenus, être limités et strictement temporaires. Toutefois, pendant le processus législatif en cours, des propositions et des demandes ont été formulées par des colégislateurs afin de s’écarter encore plus des normes de Bâle III que ne l’avait proposé la Commission européenne. Des écarts supplémentaires affaibliraient davantage le filet de sécurité que fournit Bâle III et feraient diverger davantage la réglementation de l’UE et ces importantes normes minimales internationales. Par ailleurs, ils complexifieraient le système règlementaire, accroîtraient les coûts de conformité pour les banques et compliqueraient le travail des autorités de surveillance. En résumé, abaisser les normes réglementaires au-dessous du minimum international compromettrait la sécurité et la compétitivité du secteur bancaire de l’UE, et accroîtrait ses coûts de financement.

De plus, un nombre trop important d’ajustements significatifs par rapport aux normes de Bâle III pourrait remettre en question le respect par l’UE du cadre de Bâle III. Le non-respect de Bâle III pourrait fragiliser la réputation de l’UE, et potentiellement compromettre sa position lors de négociations internationales futures. En outre, le manque d’uniformité à l’échelle mondiale dans la mise en œuvre des normes pourrait entraîner un nivellement par le bas entre les juridictions en ce qui concerne la règlementation financière. Cela serait regrettable, car la pandémie a montré que la solidité des banques constitue une source de résilience [39]. Cette résilience accrue du secteur bancaire provient en grande partie des normes de Bâle qui ont déjà été mises en œuvre et devrait être soutenue par la mise en œuvre fidèle des règles restantes.

Renforcer la règlementation bancaire : accroître l’harmonisation et remédier aux lacunes

Certaines règles et pouvoirs prudentiels ne sont pas encore harmonisés dans l’UE. Le paquet bancaire suggère une plus grande harmonisation, afin que les règles et les pouvoirs puissent être appliqués aux banques de manière uniforme indépendamment du pays où se trouve leur siège. Parmi les modifications, le paquet bancaire propose les mesures suivantes.

  • Les pratiques prudentielles relatives aux succursales de pays tiers, c’est-à-dire les succursales de banques dont le siège se situe dans des pays hors UE, seront harmonisées. À l’heure actuelle, les États membres de l’UE appliquent des pratiques prudentielles différentes, ce qui crée une inégalité de traitement et empêche la BCE d’avoir une vue d’ensemble claire des activités des groupes de pays tiers. Les modifications suggérées garantiront l’égalité de traitement pour les groupes de pays tiers exerçant des activités dans l’UE et pour les établissements de crédit de l’UE, et renforceront l’efficacité de la surveillance prudentielle.
  • Le processus de surveillance de « l’honorabilité et de la compétence » [40] sera harmonisé. Même si la BCE exerce déjà un rôle de contrôle à cet égard, son travail a été entravé par la diversité des différentes règles nationales. La BCE est donc très favorable à l’harmonisation dans ce domaine, tout en convenant avec la Commission européenne que la proportionnalité doit être garantie, notamment en se concentrant sur les directeurs des banques européennes les plus importantes.
  • Les différences entre pays européens en ce qui concerne les autres pouvoirs prudentiels, tels que les pouvoirs de sanction, disparaîtront. Par exemple, le paquet bancaire confère à la BCE le pouvoir d’imposer des astreintes aux banques de tous les pays participant à la supervision bancaire européenne.

L’harmonisation des règles et des pouvoirs prudentiels renforcera l’efficacité de la supervision bancaire de la BCE et créera un secteur bancaire plus intégré et plus résilient.

Mettre l’accent sur les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance

Les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) revêtent une importance pour la stabilité des banques individuelles et du système financier dans son ensemble, en particulier face au changement climatique. La BCE salue par conséquent l’inclusion dans le paquet bancaire proposé de l’exigence pour les banques de gérer tous les risques significatifs, y compris les risques ESG.

Le paquet bancaire comprend une nouvelle exigence juridique, pour les banques, de préparer des plans spécifiques de suivi et de traitement des risques ESG survenant à court, moyen et long termes. Cela garantira que les banques évaluent de manière approfondie les changements structurels susceptibles de survenir au sein des secteurs auxquels elles sont exposées, en suivant les trajectoires de transitions déterminées par le cadre juridique de l’UE [41].

Graphique A

Chronologie du processus législatif du paquet bancaire

Source : BCE.
Note : Trilogue : processus de négociation entre la Commission européenne, le Conseil de l’UE et le Parlement européen. Ecofin : Conseil « Affaires économiques et financières ». ECON : Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen.

4 Le fonctionnement harmonieux des infrastructures de marché et des paiements

L’Eurosystème joue un rôle central dans le développement, l’exploitation et la surveillance des infrastructures de marché et des dispositifs qui facilitent la circulation sûre et efficace des paiements, des titres et des garanties dans l’ensemble de la zone euro. Il agit également comme catalyseur de l’intégration et de l’innovation sur le marché des paiements et des titres. En 2022, l’Eurosystème a examiné et renouvelé les infrastructures, les politiques et les stratégies de marché existantes, de même qu’il a étudié les nouvelles technologies et l’éventualité d’un euro numérique.

4.1 Les services TARGET et l’innovation et l’intégration des infrastructures de marché et des paiements

Les services TARGET de l’Eurosystème s’articulent autour de trois services de règlement : TARGET2, un système de règlement brut en temps réel (real-time gross settlement system, RTGS) pour les paiements en euros réalisés dans le cadre des opérations de politique monétaire de l’Eurosystème, les transferts interbancaires et les paiements commerciaux ; TARGET2-Titres (TARGET2-Securities, T2S), une plateforme multidevises unique pour le règlement des titres en Europe ; et le service de règlement des paiements instantanés TARGET (TARGET Instant Payment Settlement, TIPS), qui permet un règlement instantané des paiements en monnaie de banque centrale.

Pour la première fois, TARGET2 a traité plus de 100 millions de paiements en un an

Quelque 1 000 banques utilisent TARGET2 pour lancer des opérations en euros, pour leur propre compte ou pour celui de leurs clients. Si l’on considère les succursales et les filiales, plus de 41 000 banques utilisent TARGET2 à travers le monde. En 2022, TARGET2 a traité en moyenne 399 653 paiements par jour, pour un volume quotidien moyen de 2 219 milliards d’euros. Cela représente une augmentation du volume journalier des paiements de 7 % par rapport à 2021. Pour la première fois, TARGET2 a traité plus de 100 millions de paiements en une année civile.

En 2022, TARGET2 a atteint une disponibilité technique de 100 %. En outre, l’Eurosystème a largement mis en œuvre le plan d’action visant à remédier aux incidents touchant les services TARGET survenus en 2020 [42].

Aux fins de vérifier le haut degré de cybersécurité de TARGET2, un test TIBER-EU [43] a été réalisé en 2022. Les tests TIBER-EU reproduisent les tactiques, techniques et procédures des pirates informatiques réels, sur la base de renseignements sur mesure quant aux menaces. Ces tests permettent de mieux comprendre la capacité de TARGET2 de résister aux cyberattaques.

À la suite de l’approbation formelle de l’adhésion de la Croatie à la zone euro le 1er janvier 2023, les tests préparatoires et les activités de coordination requises avec la Banque nationale de Croatie (Hrvatska narodna banka) et la communauté financière croate en vue de la migration du système RTGS national vers TARGET2 ont été menés tout au long de 2022.

Le lancement de T2 a été reporté

Conformément aux développements technologiques, aux nouvelles exigences réglementaires et à l’évolution des demandes des utilisateurs, l’Eurosystème a travaillé à la mise en œuvre de T2, un nouveau système RTGS et une fonction de gestion de la liquidité centrale qui optimise la gestion de la liquidité dans tous les services TARGET. Le lancement de T2, qui était prévu en novembre 2022, a été reporté à mars 2023.

La plateforme T2S connecte 19 dépositaires centraux de titres (DCT) de 20 marchés européens et permet le règlement de titres en euros et en couronnes danoises. En 2022, T2S a traité en moyenne 707 879 opérations par jour, pour un volume quotidien moyen de 716,67 milliards d’euros. En outre, le DCT croate (SKDD), le DCT bulgare (CDAD) et le système de règlement de titres publics de la Banque nationale bulgare ont signé l’accord-cadre T2S en 2022 et évaluent actuellement les dates de migration qui conviendraient. Les activités de test en vue de l’intégration de nouveaux DCT dans T2S vont se poursuivre en 2023.

Deux améliorations majeures de T2S ont été mises en œuvre en 2022. D’une part, la fonctionnalité de mécanisme de pénalité qui doit aider les DCT à s’acquitter de leurs obligations dans le cadre du régime de discipline instauré par le règlement relatif aux dépositaires centraux de titres (Central Securities Depositories Regulation, CSDR), qui en était encore à sa phase d’essai, est désormais d’application. D’autre part, le déploiement de la version 6.0 de la plateforme T2S a permis l’adoption de composantes qui seront partagées entre les services TARGET (appelés composantes communes) au sein de T2S.

Afin de soutenir le déploiement des paiements instantanés dans la zone euro, l’Eurosystème a finalisé la mise en œuvre de mesures visant à assurer une accessibilité paneuropéenne dans TIPS. À mesure que le nombre de banques et de communautés nationales rejoignant TIPS augmentait, le volume des transactions a été multiplié par 17,1 par rapport à 2021, pour culminer à 18,7 millions en décembre 2022 (contre 1,6 million en décembre 2021). Vu le projet législatif de la Commission européenne visant à obliger les prestataires de services de paiement de l’UE qui proposent déjà des virements en euros à également offrir leur version instantanée dans un délai défini, le déploiement des paiements instantanés en euros devrait encore s’accélérer.

Le caractère multidevises de TIPS suscite l’intérêt de banques centrales extérieures à la zone euro. En mai 2022, la Banque de Suède (Sveriges Riksbank) a achevé avec succès la première phase de la migration vers TIPS, ouvrant la voie au règlement instantané des paiements en couronnes suédoises dans TIPS. La Banque nationale du Danemark (Danmarks Nationalbank) offrira le règlement en couronnes danoises dans le cadre des services TARGET, y compris dans TIPS, au deuxième trimestre de 2025. La Banque de Norvège (Norges Bank) a également manifesté son intérêt de peut-être rejoindre TIPS avec sa monnaie nationale. Une éventuelle fonctionnalité interdevises qui permettrait les paiements instantanés entre les devises réglées sur la plateforme est à l’étude.

Outre ces trois services de règlement, l’Eurosystème développe actuellement un nouveau service TARGET, à savoir le système de gestion des garanties de l’Eurosystème (Eurosystem Collateral Management System, ECMS). Il s’agira d’un système unifié de gestion des actifs utilisés comme garanties dans le cadre des opérations de crédit de l’Eurosystème dans l’ensemble des juridictions de la zone euro. Le lancement de l’ECMS a été reporté de novembre 2023 à avril 2024 afin d’atténuer l’incidence de l’ajournement du lancement de T2.

S’agissant du domaine des paiements, l’Eurosystème continue de poursuivre les objectifs définis dans sa stratégie en matière de paiements de détail. Cela implique d’apporter son soutien à une solution paneuropéenne pour les paiements de détail au point d’interaction (c’est-à-dire au point de vente physique et dans l’espace mobile et de l’e-commerce, régis par des entités du secteur privé européen), le déploiement complet des paiements instantanés et l’amélioration des paiements transfrontière. Cela implique également des travaux visant à garantir que tous les citoyens européens aient accès à des paiements sûrs, efficaces et pratiques compte tenu de la numérisation croissante de l’économie. Ces travaux incluaient la publication du rapport sur l’accessibilité aux paiements de détail dans l’UE. Les principales conclusions de celui-ci indiquent que, si la numérisation croissante pose des défis particuliers aux individus et groupes vulnérables, elle offre également des possibilités d’améliorer l’accessibilité grâce à des solutions innovantes dédiées.

Les progrès réalisés sur le plan de l’open banking ont été salués par l’ERPB, un organe stratégique de haut niveau placé sous la présidence de la BCE

Parallèlement à la promotion de la stratégie de l’Eurosystème en matière de paiements de détail, la BCE encourage le développement de services de paiement innovants, notamment au niveau du Conseil des paiements de détail en euros (Euro Retail Payments Board, ERPB). Plus particulièrement, l’ERPB encourage la progression de l’open banking, qui permet à des opérateurs tiers d’accéder aux données relatives aux comptes de paiement avec le consentement des clients des banques et de lancer des paiements par le biais d’interfaces de programmation d’applications ouvertes. Cela permet ensuite aux opérateurs tiers de proposer des solutions de paiement pratiques et attractives. À l’invitation de l’ERPB, le Conseil européen des paiements (European Payments Council, EPC) a commencé à travailler sur un futur système d’accès aux comptes de paiement SEPA (SEPA Payment Account Access, SPAA) définissant les règles, pratiques et normes qui permettront l’échange de données relatives aux comptes de paiement et faciliteront les paiements de services à valeur ajoutée offerts par les banques aux opérateurs tiers. Une première version d’un règlement du système SPAA a été publiée par l’EPC en novembre 2022.

L’Eurosystème a étudié les possibilités d’utiliser les DLT ou d’autres nouvelles technologies pour fournir de la monnaie de banque centrale en vue du règlement des opérations financières de gros

L’innovation numérique modifie non seulement les services de paiement de détail, mais aussi les opérations financières de gros. Depuis quelques années, les intervenants des marchés financiers expérimentent de nouvelles technologies, comme les technologies des registres distribués (distributed ledger technologies, DLT). Afin de mieux évaluer ces technologies, l’UE a lancé le 23 mars 2023 un régime pilote pour les infrastructures de marché basées sur les DLT. Celui-ci a une durée de trois ans et sera renouvelable une fois. Ce régime permet aux prestataires de services d’investissement, aux entreprises de marché et aux DCT d’exploiter une facilité de négociation multilatérale, un système de règlement ou un système de négociation et de règlement basé sur les DLT. Dans le scénario hypothétique où les marchés financiers adopteraient largement les DLT ou d’autres nouvelles technologies pour les opérations de gros, les besoins des utilisateurs des services de règlement de gros de l’Eurosystème, et notamment de TARGET2 et de T2S, pourraient également changer. Afin de réduire les risques pesant sur le système financier en veillant à ce que la monnaie de banque centrale conserve son rôle d’actif de règlement le plus sûr dans le cadre des opérations financières de gros, l’Eurosystème étudie les moyens de recourir à de nouvelles technologies pour fournir de la monnaie de banque centrale en vue du règlement des opérations financières de gros. Si une analyse minutieuse par l’Eurosystème des implications potentielles pour la gouvernance, l’efficacité du règlement et la gestion de la liquidité est essentielle, elle ne présage pas pour autant d’une quelconque orientation de la politique.

Conformément à son objectif de poursuivre l’intégration du marché financier européen, le groupe consultatif sur les infrastructures de marché pour les titres et les garanties (Advisory Group on Market Infrastructures for Securities and Collateral, AMI-SeCo) de l’Eurosystème a continué de rendre compte des progrès réalisés par les marchés nationaux sur le plan de la conformité aux normes du règlement unique pour l’Europe en matière de gestion des garanties (Single Collateral Management Rulebook for Europe, SCoRE). Dans le tableau de bord relatif au second semestre de 2022, l’AMI-SeCo a noté que, malgré certains retards accusés dans les progrès des intervenants, il était encore possible de garantir une conformité totale à l’échéance. Compte tenu du report à avril 2024 du lancement du système de gestion des garanties de l’Eurosystème (Eurosystem Collateral Management System, ECMS), l’AMI-SeCo a accepté d’avancer la date limite de mise en conformité avec les normes du SCoRE afin de s’aligner sur le calendrier.

En outre, l’AMI-SeCo a continué de suivre et de discuter les progrès et les développements dans le cadre du programme d’harmonisation de T2S et de la conformité des normes d’événements d’entreprise, y compris celles du secteur sur l’identification des actionnaires. En outre, l’AMI-SeCo a soumis les réponses aux consultations publiques de la Commission européenne et de l’Autorité européenne des marchés financiers sur les procédures fiscales de retenue à la source et sur la mise en œuvre de la deuxième directive sur les droits des actionnaires.

4.2 La phase d’examen d’un euro numérique

La phase d’étude du projet d’euro numérique qui avait été lancée en octobre 2021 se poursuit et devrait se clôturer durant la seconde moitié de 2023. À ce moment-là, les conclusions de la phase d’examen auront été présentées au Conseil des gouverneurs, de même qu’un avis sur l’opportunité ou non de passer à la phase de préparation ainsi qu’un plan de projet pour cette phase ultérieure. Toute décision éventuelle de passer à la phase de préparation ne préjuge pas en elle-même d’une décision d’émettre un euro numérique.

L’Eurosystème s’est mis d’accord sur les principaux scénarios d’utilisation et sur les décisions essentielles en matière de conception durant la phase d’examen du projet d’euro numérique

L’Eurosystème a régulièrement communiqué sur les progrès réalisés durant la phase d’étude du projet d’euro numérique et a publié deux rapports à ce propos, respectivement en septembre et en décembre. En 2022, les membres de l’Eurosystème se sont accordés sur les principaux scénarios d’utilisation et décisions essentielles en matière de conception d’un euro numérique, en prenant en compte les aspects de la vie privée et les exigences réglementaires, ainsi que la nécessité de proposer des solutions tant en ligne qu’hors ligne pour les paiements en euros numériques. Ces décisions reflètent également le rôle important à la fois des intermédiaires en tant que distributeurs d’un euro numérique et d’un projet de modèle de distribution privilégié. Il a été décidé de commencer à préparer un règlement en matière d’euro numérique, raison pour laquelle un gestionnaire de règlement a été engagé et un appel aux représentants de marché à exprimer leur intérêt pour participer à l’élaboration de celui-ci a été lancé. Les travaux concernant le règlement proprement dit ont démarré dans le courant du premier trimestre 2023.

Dans le cadre de ce projet, les activités de prototypage de l’euro numérique connexes avec les banques centrales nationales de l’Eurosystème et les entreprises privées ont progressé comme prévu. Les résultats feront l’objet d’un rapport au premier semestre 2023 et, le cas échéant, seront appliqués lors d’une phase ultérieure du projet.

Pour garantir le développement d’un euro numérique qui soit attrayant pour tous les intervenants, le projet repose sur des interactions fréquentes avec les intervenants de marché et les futurs utilisateurs au sein de différentes instances et sous diverses formes. En 2022, cela a notamment consisté en sessions techniques dédiées de l’ERPB, en sessions bilatérales de feed-back avec les principaux groupes d’intervenants, en réunions du groupe consultatif du marché pour l’euro numérique (Digital Euro Market Advisory Group), en exercices de groupes de discussion et en séminaires de la société civile. Dans le même temps, la BCE a collaboré étroitement avec les institutions européennes qui décideront du cadre juridique nécessaire à l’éventuelle émission d’un euro numérique à l’avenir.

4.3 La surveillance et le rôle des banques centrales d’émission

Afin d’assurer le fonctionnement sûr et efficace des infrastructures de marchés financiers et des paiements dans la zone euro, l’Euroystème définit des objectifs de surveillance dans des réglementations, des normes, des orientations et des recommandations, assure le suivi de leur mise en œuvre et promeut le changement là où cela s’avère nécessaire. En sa qualité de banque centrale d’émission pour l’euro, l’Eurosystème participe aux dispositifs de surveillance et de supervision ainsi que de gestion de crise coopératifs pour les infrastructures de marchés financiers exerçant d’importantes activités libellées en euros.

En ce qui concerne les systèmes de paiement d’importance systémique (systemically important payment systems, SIPS), la fonction de surveillance de l’Eurosystème supervise directement TARGET2, EURO1, STEP2-T et le Mastercard Clearing Management System. En 2022, une attention particulière a été accordée au projet de consolidation de T2-T2S de l’Eurosystème (cf. section 4.1). L’Eurosystème a procédé à une pré-évaluation de la plateforme consolidée centrée sur les principales modifications apportées à TARGET2 et a assuré le suivi du projet afin d’identifier les éventuels risques susceptibles d’entraver la réussite de la mise en service de la plateforme et son bon fonctionnement ultérieur. En outre, l’Eurosystème a réalisé une évaluation complète du Mastercard Clearing Management System à l’aune du règlement relatif aux systèmes de paiement d’importance systémique et des attentes en matière de surveillance de la capacité de résistance informatique (Cyber Resilience Oversight Expectations). L’évolution et la résistance opérationnelle des systèmes de paiement instantané à l’échelle paneuropéenne tels que TIPS et RT1 ont également été suivies de près.

La mise en œuvre du cadre PISA a débuté

S’agissant des instruments de paiement, les travaux se sont concentrés sur la mise en œuvre du cadre de surveillance des instruments, des systèmes et des dispositifs de paiement électronique de l’Eurosystème (« cadre PISA »). Sur la base des résultats d’un exercice de notation harmonisé, les autorités de gouvernance de certains systèmes de paiement ont été avisées du fait que ces derniers seraient ou non surveillés, contrôlés ou exemptés des activités de surveillance du cadre PISA. En ce qui concerne les dispositifs de paiement, le processus est sur le point de s’achever. En outre, des évaluations complètes ont été lancées pour un premier groupe de systèmes de paiement.

En sa qualité de banque centrale d’émission pour l’euro, l’Eurosystème a continué de participer aux collèges d’autorités de surveillance des contreparties centrales de l’UE en application du règlement sur l’infrastructure du marché européen (European Market Infrastructure Regulation, EMIR). À ce titre, il a évalué différentes propositions portant sur l’extension des services ou sur l’introduction de modifications majeures dans les procédures de gestion des risques et a révisé les plans de redressement préparés conformément au règlement de l’UE sur le redressement et la résolution des contreparties centrales. Dans le contexte des travaux préparatoires du réexamen de l’EMIR, l’Eurosystème a apporté sa contribution à la consultation de la Commission européenne de mars 2022.

L’Eurosystème s’est également penché sur l’effet de la volatilité accrue des marchés sur les contreparties centrales. La BCE a procédé à une analyse de la volatilité du marché de l’énergie afin d’étudier l’incidence des appels de marge importants sur les participants compensateurs. Les conclusions étayaient la contribution de la BCE aux travaux politiques menés au niveau de l’UE et à l’échelle internationale qui sont consacrés à la réduction du risque d’appels de marge soudains et importants ainsi que de l’incidence potentielle de ceux-ci.

S’agissant du règlement de titres, l’Eurosystème a participé, en sa qualité de banque centrale d’émission, à l’évaluation régulière des dépositaires centraux de titres (DCT) en application du règlement de l’UE relatif aux dépositaires centraux de titres (Central Securities Depositories Regulation, CSDR). L’Eurosystème a également entamé ses préparatifs en vue de contribuer à l’application du Règlement (UE) no 2022/858 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués.

Dans le cadre de la surveillance de T2S, l’Eurosystème a finalisé la première évaluation de cette plateforme au regard des attentes en matière de surveillance de la capacité de résistance informatique (Cyber Resilience Oversight Expectations) durant le premier trimestre 2022. L’Eurosystème a également achevé son évaluation des changements mis en œuvre dans le cadre de T2S en 2022 (cf. section 4.1).

La cyber-résilience des infrastructures de marchés financiers continue d’être au cœur tant du domaine opérationnel des services TARGET (cf. section 4.1) que de la surveillance. En 2022, un examen de la stratégie de cyber-résilience des infrastructures de marchés financiers supervisées par l’Eurosystème et le SEBC et de certains de ses outils a été lancée, tandis qu’un autre cycle de l’enquête de l’Eurosystème et du SEBC sur la capacité de résistance informatique des infrastructures de marchés financiers s’est achevé et que le comité de cyber-résilience de l’euro (Euro Cyber Resilience Board) s’est penché sur le partage d’informations (en particulier sur fond de l’invasion russe en Ukraine), la coordination de crise et le risque pour les tiers. Dans le cadre TIBER-EU, le TIBER-EU Knowledge Centre a mis au point des bonnes pratiques pour le purple teaming, une activité collaborative qui se déroule durant une phase donnée d’un test TIBER.

5 Les activités liées aux opérations de marché et les services financiers offerts aux autres établissements

La plupart des lignes de liquidité en euros accordées à d’autres banques centrales qui avaient été instaurées ou activées depuis 2020 ont été maintenues en 2022, tandis que de nouvelles lignes ont été mises en place avec la Banque nationale de Pologne (Narodowy Bank Polski) et avec l’Autorité financière andorrane. La BCE a continué de proposer des opérations en dollars des États-Unis aux contreparties de la zone euro, apportant ainsi un filet de sécurité au financement de marché. Il n’y a pas eu d’intervention de la BCE sur le marché des changes.

La BCE a continué de gérer plusieurs opérations financières pour le compte de l’Union européenne et de jouer un rôle de coordination dans le cadre des services de l’Eurosystème en matière de gestion des réserves.

La transmission des modifications des taux directeurs de la BCE aux marchés monétaires de la zone euro (cf. encadré 3) a été complète et immédiate en ce qui concerne le segment du marché monétaire à court terme des opérations en blanc, tandis que les taux à terme non garantis n’ont affiché qu’une lente progression. De même, la transmission des relèvements des taux aux marchés monétaires des opérations garanties s’est déroulée globalement sans heurt, fût-ce avec une certaine hétérogénéité quant à la vitesse d’ajustement selon les segments.

5.1 Les évolutions des opérations de marché

Les lignes de liquidité en euros et en devises

Les lignes de liquidité ont continué d’aider la BCE à atteindre son objectif de stabilité des prix, à prévenir les pénuries de liquidité en euros et à éviter les effets de débordement

Les lignes de swap et de repo de l’Eurosystème sont des instruments de politique monétaire qui servent de stabilisateurs en période de tensions sur les marchés financiers mondiaux.

Lorsque l’Eurosystème fournit des euros à des banques centrales extérieures à la zone euro, les lignes de liquidité répondent à de potentiels besoins de liquidité en euros de pays n’appartenant pas à la zone euro en cas de dysfonctionnement du marché. En cela, elles évitent l’apparition d’effets de débordement au sein des marchés financiers et des économies de la zone euro qui découleraient d’une pression haussière sur les taux du marché monétaire à court terme ou de liquidations massives d’actifs susceptibles d’entraver la transmission harmonieuse de la politique monétaire de la BCE. Les lignes de liquidité permettent également d’éviter que des pénuries de liquidité en euros ne constituent une menace pour la stabilité financière.

Lorsque la BCE reçoit des devises d’une autre banque centrale (par exemple des dollars du Système fédéral de réserve des États-Unis) et qu’elle fournit des euros à titre de garantie, les lignes de liquidité en devises assurent une fourniture continue de prêts en devises. Cela permet d’éviter à la fois une brusque réduction du levier d’endettement, des fluctuations de prix extrêmes et des interruptions du flux de crédits qui résulteraient de tensions sur les marchés de financement internationaux.

La plupart des lignes de liquidité en euros qui ont été établies ou activées depuis 2020 ont été maintenues et prolongées, dans un premier temps jusqu’au 15 janvier 2023, puis jusqu’au 15 janvier 2024, à l’exception des accords de swap avec la Banque nationale de Bulgarie (Българска народна банка) et la Banque nationale de Croatie (Hrvatska narodna banka), ainsi que de la ligne de repo avec la Banque nationale de Serbie (Народна банка Србије), qui a expiré fin mars 2022. De nouvelles lignes de liquidité ont été établies en 2022 avec la Banque nationale de Pologne (Narodowy Bank Polski) et l’Autorité financière andorrane. Le tableau 5.1 présente les lignes de liquidité en euros actives au 31 décembre 2022, grâce auxquelles l’Eurosystème a pu fournir de la liquidité en euros à des banques centrales étrangères. Les tirages sur les lignes de liquidité en euros ont été limités aux fins de trimestre.

L’accord de swap réciproque avec la Banque populaire de Chine a été prolongé pour trois années supplémentaires, jusqu’en octobre 2025.

En 2022, la BCE a continué de fournir de la liquidité en dollars des États-Unis en coordination avec le Système fédéral de réserve, la Banque du Canada, la Banque d’Angleterre (Bank of England), la Banque du Japon et la Banque nationale suisse, généralement pour une durée de sept jours. La fourniture de dollars des États-Unis aux principales juridictions a permis d’atténuer la pression sur les marchés de financement mondiaux tout en continuant de pourvoir les marchés de financement privés d’un filet de sécurité.

Tableau 5.1

Vue d’ensemble des lignes de liquidité opérationnelles

Source : Site internet de la BCE.
Note : Le tableau n’inclut pas les lignes de repo mises en place avec les banques centrales n’appartenant pas à la zone euro dans le cadre de la facilité de repo de l’Eurosystème pour les banques centrales (Eurosystem repo facility for central banks, EUREP), pour lesquelles la BCE ne communique pas ses contreparties.

Déclaration des interventions sur le marché des changes

La BCE n’est pas intervenue sur le marché des changes

La BCE n’est pas intervenue sur le marché des changes en 2022. Depuis l’introduction de l’euro, la BCE est intervenue sur le marché des changes à deux reprises, à savoir en 2000 et en 2011. Les données relatives aux interventions sur le marché des changes sont publiées tous les trois mois, avec un décalage d’un trimestre, sur le site internet de la BCE, ainsi que dans l’entrepôt de données statistiques (Statistical Data Warehouse). Les informations publiées dans le tableau trimestriel sont également récapitulées annuellement dans le Rapport annuel de la BCE (tableau 5.2). S’il n’y a pas eu d’intervention sur le marché des changes au cours du trimestre concerné, cette information est explicitement indiquée.

Tableau 5.2

Interventions de la BCE sur le marché des changes

Source : BCE.

Le cadre de déclaration couvre les interventions sur le marché des changes effectuées par la BCE, soit unilatéralement, soit en coordination avec d’autres autorités internationales, ainsi que les interventions de change « aux marges » dans le cadre du mécanisme de change européen (MCE II).

5.2 La gestion des opérations d’emprunt et de prêt de l’UE

La BCE traite des paiements pour le compte de divers programmes de prêts de l’UE

La BCE est responsable de la gestion des opérations d’emprunt et de prêt de l’UE dans le cadre du mécanisme de soutien financier à moyen terme (medium-term financial assistance, MTFA[44], du mécanisme européen de stabilisation financière (MESF[45], de l’instrument européen de soutien temporaire à l’atténuation des risques de chômage en situation d’urgence (support to mitigate unemployment risks in an emergency, SURE[46] et du programme Next Generation EU (NGEU[47]. En 2022, la BCE a également répondu favorablement à la demande de la Commission européenne d’offrir des services d’agent payeur, élargissant ainsi la gamme des services d’agent fiscal qu’elle propose actuellement. Les travaux préparatoires sont en cours et les services devraient être opérationnels en 2023.

En 2022, la BCE a traité le paiement des intérêts relatifs aux prêts accordés dans le cadre du MTFA. L’encours total nominal au titre de ce mécanisme se chiffrait à 200 millions d’euros au 31 décembre 2022. En 2022, la BCE a également traité une série de paiements et de versements d’intérêts dans le cadre des prêts octroyés au titre du MESF. L’encours total relatif à ce mécanisme s’établissait à 46,3 milliards d’euros au 31 décembre 2022. La BCE a procédé en 2022 au décaissement de prêts au titre de l’instrument SURE au profit de divers États membres de l’UE, ainsi qu’aux paiements d’intérêts y afférents. L’encours total dans le cadre de ce mécanisme s’établissait à 98,4 milliards d’euros au 31 décembre 2022. Enfin, la BCE a procédé en 2022 au décaissement de prêts et de subventions au titre du programme NGEU à destination de différents États membres.

La BCE est également responsable de la gestion de paiements liés à des opérations relevant du Fonds européen de stabilité financière (FESF[48] et du Mécanisme européen de stabilité (MES[49]. En 2022, la BCE a traité une série de paiements d’intérêts et de commissions relatifs à un prêt accordé dans le cadre du FESF.

Enfin, la BCE est chargée d’effectuer tous les paiements afférents à la convention de prêt dont bénéficie la Grèce [50]. L’encours total au titre de cet accord s’élevait à 44,8 milliards d’euros au 31 décembre 2022.

5.3 Les services de l’Eurosystème en matière de gestion des réserves

Plusieurs banques centrales nationales de l’Eurosystème ont offert des services dans le cadre des ERMS

En 2022, un large éventail de services financiers ont continué d’être offerts dans le cadre des services de l’Eurosystème en matière de gestion des réserves (Eurosystem reserve management services, ERMS) instaurés en 2005 pour la gestion des actifs libellés en euros et mis en réserve par des clients de l’Eurosystème. En vertu de ceux-ci, plusieurs banques centrales nationales de l’Eurosystème fournissent, selon des modalités harmonisées et conformément aux normes du marché, des services financiers à des banques centrales, à des autorités monétaires et à des organismes gouvernementaux de pays n’appartenant pas à la zone euro, de même qu’à des organisations internationales. La BCE joue un rôle de coordination globale, suit le bon fonctionnement des services, encourage les modifications visant à en améliorer le cadre et prépare des rapports connexes pour ses organes de décision.

Fin 2022, le nombre de comptes de clients déclarés gérés dans le cadre des ERMS s’élevait à 270, contre 265 fin 2021. Le total des avoirs agrégés (encaisses et portefeuilles de titres compris) gérés dans le cadre des ERMS a diminué de quelque 6 % en 2022 par rapport à 2021.

Encadré 3
Transmission des modifications des taux directeurs de la BCE aux taux d’intérêt du marché monétaire en euros

Entre juillet et décembre 2022, la BCE a relevé ses taux directeurs de 250 points de base, sortant le taux de sa facilité de dépôt du territoire négatif pour le porter à un niveau de 2,0 % en fin d’année. Ce cycle de relèvements est historique par l’ampleur des hausses des taux (deux augmentations de 50 points de base et deux de 75 points de base), par la rapidité de leur ajustement (sur une période de cinq mois) et par l’excédent de liquidité record de plus de 4 000 milliards d’euros qui le sous-tendait.

Le présent encadré revient sur la manière dont les modifications des taux directeurs se sont transmises aux marchés monétaires, premier maillon de la chaîne de transmission de la politique monétaire. En substance, la transmission a été complète et immédiate sur le segment du marché à court terme des opérations en blanc, comme l’indique le taux à court terme en euros (€STR), tandis que les taux à terme non garantis ont réagi plus lentement. Sur le marché des opérations monétaires garanties, la transmission des taux des opérations de pension (repos) a en partie été tardive, voire altérée, en raison principalement d’une aggravation de la pénurie de garanties en 2022. De surcroît, l’offre limitée de titres à court terme et la demande accrue de ces instruments ont contribué à une transmission uniquement partielle des hausses des taux directeurs aux rendements des titres publics.

Les taux du marché monétaire des opérations en blanc à court terme se sont bien ajustés aux relèvements des taux directeurs, tandis que les taux à terme non garantis n’ont progressé que modestement.

L’€STR a augmenté de 249 points de base entre juillet et décembre 2022, ce qui constitue un ajustement à peu de choses près équivalent à la hausse de 250 points de base des taux directeurs (graphique A). La répartition des taux d’intérêt des opérations sur les marchés monétaires soutenant l’€STR, collectés conformément au règlement concernant les statistiques des marchés monétaires (Money Market Statistical Regulation) de la BCE, est également demeurée stable, comme l’indique l’écart inchangé entre les 25e et 75e percentiles des taux d’intérêt sous-tendant l’€STR. Les volumes des transactions à court terme en blanc se sont sensiblement accrus, en particulier après que les taux d’intérêt étaient repassés en territoire positif. Plus spécifiquement, entre septembre et décembre 2022, le volume moyen des opérations sur lesquelles repose l’€STR a crû de 20 % en comparaison du volume moyen des opérations effectuées jusqu’en septembre 2022. Cela étant, les taux d’intérêt à terme non garantis, reflétés par le taux interbancaire offert en euros (Euribor), n’ont guère réagi aux élévations des taux pour les échéances courtes (graphique B). L’ajustement tardif des taux à terme s’explique en grande partie par une demande accrue de placements à court terme sur le marché monétaire, dans un contexte d’incertitude marquée quant au niveau futur des taux directeurs, et par une prime imputée par les banques acceptant des dépôts à terme.

La transmission des relèvements des taux aux marchés monétaires des opérations garanties a également été largement complète, en dépit d’une certaine hétérogénéité quant à la vitesse d’ajustement selon les segments.

Les opérations de pension (repos) fonctionnent essentiellement comme des prêts garantis à court terme au titre desquels des espèces sont échangées contre une garantie, sous réserve de la réciprocité de l’opération (généralement le jour suivant). Depuis le dernier trimestre 2021, la demande d’emprunts de titres et de placements à court terme garantis a sensiblement augmenté, creusant l’écart entre les taux des opérations de pension et celui de la facilité de dépôt de la BCE, le type de garanties utilisées pour ces opérations se raréfiant. S’agissant des trois relèvements des taux opérés en juillet, octobre et décembre 2022, tous se sont largement transmis aux taux des opérations de pension à court terme adossées à des titres publics en vigueur dans la plupart des pays de la zone euro, là où la transmission aux garanties des obligations d’État les mieux notées, comme les titres publics allemands, a affiché un certain décalage. En ce qui concerne le relèvement de 75 points de base effectué en septembre 2022, qui a ramené les taux directeurs en territoire positif, la transmission aux taux des opérations de pension a été nettement plus tardive et altérée. Dans les premiers jours qui ont suivi la mise en œuvre du relèvement des taux, les taux des opérations de pension ont subi une pression baissière considérable dans l’ensemble des juridictions de la zone euro, sur fond de craintes d’une forte poussée de la demande de garanties, les investisseurs se précipitant pour placer leurs liquidités sur le marché des opérations de pension à la faveur du retour des taux d’intérêt à des niveaux positifs. En ce qui concerne les taux d’intérêt des opérations de pension et des titres publics à plus long terme, la transmission a également été imparfaite, en raison principalement de l’offre limitée de garanties et de la demande accrue de ce type de placements. La disponibilité des garanties s’est améliorée fin 2022, induisant un resserrement de l’écart entre les taux du marché monétaire garanti et les taux directeurs de la BCE, sous l’effet notamment de plusieurs initiatives de l’Eurosystème et des services nationaux de gestion de la dette visant à atténuer la pénurie de garanties, étant entendu que la volatilité habituellement constatée en fin d’année a été observée fin décembre 2022 (graphiques A et B).

Graphique A

Transmission des relèvements des taux directeurs aux taux d’intérêt du marché monétaire à court terme des opérations en blanc et à ceux du marché monétaire des opérations garanties

(pourcentages, taux moyen pondéré par les volumes)

Sources : Calculs de la BCE, Bloomberg et BrokerTec/MTS.
Notes : Il existe deux types de transactions : les opérations de pension portant sur des garanties spécifiques (non-general collateral, non-GC), qui sont motivées par l’échange d’un titre spécifique et les opérations de pension motivées par l’échange de liquidités, appelées « garanties générales » (general collateral, GC). Les taux des opérations de pension présentées dans le graphique combinent les taux des deux types d’opérations et ceux des opérations à échéances journalières, dites « tomorrow-next » et « spot-next ». Le repli des taux des opérations de pension observé fin octobre et fin décembre 2022 est dû à des effets de fin de trimestre, lorsque les contraintes bilancielles des banques sont particulièrement marquées aux dates de déclaration réglementaires.

Graphique B

Transmission des relèvements des taux directeurs aux taux d’intérêt du marché monétaire à terme des opérations en blanc et à ceux du marché des opérations garanties

(pourcentages, taux moyen pondéré par les volumes)

Sources : Calculs de la BCE et Bloomberg.
Note : L’OIS représente les taux des swaps au jour le jour à un mois, tandis que le taux flottant représente l’€STR attendu.

6 Les espèces sont demeurées le moyen de paiement le plus utilisé par les citoyens européens et ont affiché un faible niveau de contrefaçon

La circulation des billets en euros a continué de croître en 2022, progressant de 4,5 % en nombre et de 1,8 % en valeur, et a principalement subi les retombées de la guerre en Ukraine menée par la Russie et des relèvements des taux directeurs de la BCE opérés à partir de juillet.

L’étude de la BCE analysant les comportements des consommateurs en matière de paiement dans la zone euro (Study on payment attitudes of consumers in the euro area) a montré que les espèces étaient le moyen de paiement le plus usité en point de vente, comptabilisant 59 % des opérations. De plus, la première étude analysant l’utilisation de la monnaie fiduciaire par les entreprises a conclu que 96 % des firmes servant principalement des clients privés acceptent les espèces et que plus de 90 % continueront de le faire à l’avenir.

Les niveaux de contrefaçon demeurent remarquablement bas. La mise au point de nouveaux signes de sécurité pour les billets se poursuit afin de garder une longueur d’avance sur les faussaires et d’améliorer encore l’intégrité des billets et leur résistance à la contrefaçon.

6.1 La circulation des billets en euros

La circulation des billets en euros a augmenté, reflétant deux évolutions principales

Fin 2022, le nombre de billets en euros en circulation atteignait 29,5 milliards, pour une valeur totale de 1 570 milliards d’euros. Cela représente des taux de croissance annuels positifs de 4,5 % et 1,8 % respectivement en nombre de coupures et en valeur. Deux facteurs principaux ont influé sur la circulation des billets en euros en 2022. D’une part, l’invasion russe de l’Ukraine a entraîné la demande de billets en euros à la hausse en février et en mars 2022, les citoyens souhaitant disposer de suffisamment de liquidités pour parer à d’éventuelles perturbations des écosystèmes de paiement. La demande de billets en euros s’est stabilisée à compter d’avril 2022. D’autre part, le relèvement des taux directeurs de la BCE dès le 27 juillet 2022 a rendu l’encours des encaisses en euros plus coûteux que les instruments porteurs d’intérêts. En conséquence, une petite partie des billets en euros en circulation ont reflué vers l’Eurosystème, ce qui a exercé un effet baissier sur la circulation des billets en euros (graphique 6.1).

Graphique 6.1

Nombre et valeur des billets en euros en circulation

(échelle de gauche : milliards d’euros ; échelle de droite : milliards)

Source : BCE.

Dans le souci de maintenir la qualité des billets en euros en circulation et la confiance qu’ils inspirent, les banques centrales nationales de l’Eurosystème ont traité 24,8 milliards de billets en euros. Parmi ceux-ci, 3,2 milliards de coupures usées ont dû être remplacées par des exemplaires nouvellement imprimés.

La valeur des pièces en euros en circulation a elle aussi progressé, de 4,0 % annuellement, pour s’établir à 32,5 milliards d’euros fin 2022. Cela représente un total de 145 milliards de pièces en euros en circulation.

L’introduction des billets et des pièces en euros sous leur forme physique en 2002 a constitué un jalon important dans l’histoire européenne. Cet événement a été considéré comme marquant, y compris à l’échelle mondiale, en ce qu’il représentait alors – et constitue toujours – le plus grand basculement monétaire jamais effectué.

6.2 Études sur les comportements des consommateurs en matière de paiement et sur l’utilisation des espèces par les entreprises dans la zone euro

Étude sur les comportements des consommateurs en matière de paiement dans la zone euro

Les espèces sont demeurées le moyen de paiement le plus utilisé dans les points de vente

Entre octobre 2021 et juin 2022, la BCE a mené l’étude sur les comportements des consommateurs en matière de paiement dans la zone euro (Study on payment attitudes of consumers in the euro area) afin d’évaluer les habitudes et les préférences des consommateurs pour régler leurs dépenses, ainsi que leur accès aux différents instruments de paiement. L’étude a montré que les espèces constituaient le moyen de paiement le plus couramment utilisé en point de vente, avec 59 % de l’ensemble des paiements effectués en liquide, en dépit d’un repli de cette proportion, qui totalisait 72 % en 2019. En valeur, les paiements par carte ont représenté une part plus grande (46 %) que les règlements en liquide (42 %). La possibilité de régler en espèces était offerte pour 95 % des transactions réalisées dans des lieux de paiement physiques dans l’ensemble de la zone euro, tandis qu’il était possible d’utiliser d’autres moyens de paiement pour 81 % des transactions.

La plupart des consommateurs de la zone euro se sont dits satisfaits de l’accessibilité des espèces. La grande majorité d’entre eux (90 %) ont déclaré qu’il était facile, voire très facile, d’accéder à un distributeur automatique de billets ou à une banque.

L’utilisation des espèces par les entreprises dans la zone euro

96 % des entreprises servant des clients privés acceptent les espèces et 90 % continueront de le faire à l’avenir

En 2022, la BCE a publié les conclusions de sa première étude sur l’utilisation des espèces par les entreprises, apportant un éclairage sur les visions stratégiques des entreprises quant à l’utilisation et à l’acceptation actuelles de la monnaie fiduciaire ainsi que sur leurs intentions à cet égard. Les espèces devraient conserver leur pertinence en tant que mode de paiement, puisque plus de 90 % des entreprises qui acceptent actuellement les paiements en liquide entendent poursuivre sur cette voie dans le futur. Sécurité et fiabilité sont les critères les plus importants aux yeux des entreprises lorsqu’elles envisagent d’accepter un moyen de paiement.

6.3 Niveau de contrefaçon bas et évolution des billets en euros

Un niveau de contrefaçon des billets en euros remarquablement faible

2022 a enregistré le deuxième niveau le plus faible de contrefaçon exprimé en proportion des billets en circulation depuis le lancement des billets en euros

En 2022, 376 000 billets en euros contrefaits ont été retirés de la circulation. Avec 13 contrefaçons détectées pour un million de coupures authentiques en circulation, il s’agit du deuxième résultat le plus bas exprimé en proportion des billets en circulation depuis l’introduction des billets en euros (graphique 6.2). Le nombre total de contrefaçons retirées de la circulation a augmenté de 8,4 % par rapport à 2021. Ce constat reflète également le rebond opéré par l’activité économique en 2022 une fois que la plupart des restrictions imposées dans le cadre de la lutte contre la pandémie ont été levées. La qualité des contrefaçons reste médiocre. Elles peuvent dès lors être repérées très facilement et rapidement grâce au test consistant à « toucher, regarder, incliner ».

Graphique 6.2

Nombre de contrefaçons détectées chaque année par million de billets authentiques en circulation

Source : BCE.

Évolution des billets en euros

La mise au point de nouveaux signes de sécurité a encore permis de conserver une longueur d’avance sur les faussaires

Afin de garantir à l’avenir la grande qualité des billets en euros et leur résistance à la contrefaçon, la mise au point de nouveaux signes de sécurité se poursuit, intégrant également les avantages offerts par les avancées technologiques. Au nombre des objectifs importants qui ont été fixés pour les futurs billets figure par ailleurs la volonté de modifier le graphisme des billets en euros et de réduire leur empreinte environnementale. Aucune décision quant à la production et à l’émission proprement dites de nouveaux billets en euros n’a été prise à ce stade.

7 Les statistiques

La BCE, assistée par les banques centrales nationales (BCN), développe, collecte, établit et diffuse une large gamme de statistiques et de données nécessaires à sa politique monétaire. Ces statistiques étayent d’autres missions du Système européen de banques centrales (SEBC) et du Comité européen du risque systémique, liées notamment à la stabilité financière. Elles sont également utilisées par les autorités publiques, par les organisations internationales, par les intervenants sur les marchés financiers, par les médias et par le grand public, ce qui contribue à accroître la transparence des activités de la BCE.

En 2022, la BCE s’est concentrée sur de nouvelles statistiques de la zone euro, à savoir la publication élargie de statistiques relatives aux titres, le développement d’indicateurs relatifs aux swaps de taux d’intérêt au jour le jour (overnight index swaps, OIS) sur le marché monétaire de l’euro basés sur des données tirées du dispositif de collecte d’informations statistiques des marchés monétaires (Money Market Statistical Reporting, MMSR), les informations relatives aux entités à vocation spéciale (special purpose entities, SPE) et les statistiques extérieures bilatérales des pays de la zone euro avec la Russie. Des indicateurs expérimentaux ont été mis au point pour étayer la politique de lutte contre le changement climatique et des travaux ont débuté en vue de concevoir le cadre de déclaration intégré (Integrated Reporting Framework, IReF). En outre, de nouvelles données relatives aux institutions financières non bancaires ont été incluses dans les comptes financiers trimestriels.

7.1 Les nouvelles statistiques et les statistiques élargies de la zone euro, ainsi que les autres évolutions

Le Conseil des gouverneurs de la BCE a adopté une orientation portant sur la production de nouvelles données mensuelles sur les émissions de titres

Le Conseil des gouverneurs de la BCE a adopté une nouvelle orientation dans le domaine des données relatives aux titres et des statistiques relatives aux émissions de titres [51]. Cette orientation modifie les exigences en matière de gestion de la qualité des informations contenues dans la base de données centralisée sur les titres (Centralised Securities Database, CSDB) du SEBC et définit de nouvelles exigences pour la production de statistiques relatives aux émissions de titres à partir des données de la CSDB.

De nouvelles statistiques sur les émissions et les détentions de titres ont été mises à disposition dans un délai considérablement raccourci

Consécutivement à l’adoption de cette orientation, la BCE a commencé à publier, pour tous les États membres de l’UE, de nouvelles ventilations des statistiques relatives aux émissions de titres : par méthode de valorisation, par échéance et par type de taux d’intérêt. Il s’agit du premier ensemble de données du SEBC dans lequel des microdonnées de la CSDB sont utilisées pour établir des statistiques macroéconomiques officielles conformes aux normes statistiques internationales. Les données sont mises à disposition dans un délai considérablement raccourci. De même, la BCE a sensiblement élargi la publication des statistiques relatives aux détentions de titres, en y ajoutant de nouvelles ventilations par pays de la zone euro et par secteur émetteur et détenteur. Les nouvelles données dressent un tableau plus complet et à jour des marchés financiers, ce qui permet de mieux suivre les activités sur les marchés primaire et secondaire.

De nouvelles statistiques ont été publiées sur les swaps de taux d’intérêt au jour le jour sur le marché monétaire de l’euro

La BCE a commencé à publier de nouvelles statistiques relatives aux OIS sur le marché monétaire de l’euro. Elles sont basées sur des données tirées du MMSR provenant de 47 banques de la zone euro [52]. Les séries de données comprennent des informations concernant le montant total et le montant nominal moyen quotidien ainsi que le taux moyen pondéré sur les marchés des OIS au comptant et à terme. Les nouvelles statistiques complètent les données relatives aux compartiments des opérations en blanc et des opérations garanties du marché monétaire, qui ont été publiées régulièrement depuis novembre 2017 et janvier 2019, respectivement. La publication de ces nouvelles statistiques permet de renforcer la transparence du marché monétaire et d’améliorer ainsi son fonctionnement.

L’orientation de la BCE relative aux statistiques extérieures a été modifiée afin d’inclure les entités à vocation spéciale

En mai 2022, le Conseil des gouverneurs de la BCE a adopté les modifications apportées à l’orientation relative aux statistiques extérieures en vue de collecter des informations statistiques sur les SPE [53]. Cela permettra de mieux comprendre leur rôle dans le système économique et financier de la zone euro. La première transmission des données relatives aux transactions et encours transfrontaliers des SPE résidentes a débuté en mars 2023 pour les données relatives au quatrième trimestre 2022, tandis que des données rétrospectives couvrant la période commençant au premier trimestre 2020 seront transmises au plus tard en septembre 2023.

Publication de statistiques extérieures des pays de la zone euro vis-à-vis de la Russie

En octobre 2022, la BCE a commencé à publier un sous-ensemble de statistiques extérieures bilatérales des pays de la zone euro avec la Russie [54]. Cette granularité supplémentaire fournit trimestriellement des détails statistiques utiles à l’analyse thématique des positions des États membres de la zone euro à l’égard de la Russie et de leurs transactions avec ce pays.

7.2 La mise au point d’indicateurs expérimentaux pour étayer la politique de lutte contre le changement climatique

De nouveaux indicateurs liés au changement climatique ont été introduits pour étayer la stratégie de politique monétaire de la BCE

S’appuyant sur des travaux achevés en 2022, la BCE a publié pour la première fois, le 24 janvier 2023, trois ensembles de nouveaux indicateurs statistiques couvrant la finance durable, les émissions de gaz à effet de serre et le risque physique. Ces travaux s’intègrent dans le plan d’action de la BCE [55] visant à inscrire les questions liées au changement climatique dans sa stratégie de politique monétaire. La mise au point de ces indicateurs sur le changement climatique a été très complexe. Ils sont établis, entre autres, en appariant divers ensembles transnationaux de données microéconomiques, en élaborant des mécanismes d’imputation adéquats pour les données manquantes et en examinant la qualité des données du point de vue, entre autres, de la confidentialité, de la reproductibilité et de la représentativité. Dans leur état actuel, et sachant qu’il existe des divergences en fonction du sous-ensemble de données concerné, les ensembles de données demeurent inaboutis et appellent certaines réserves qui limitent l’utilisation de ces indicateurs.

Les trois ensembles de données suivants ont été publiés [56] :

  1. Les indicateurs sur la finance durable : ils offrent une vue d’ensemble des instruments de dette émis et détenus par les résidents de la zone euro et qui présentent des spécificités de développement durable. Cet ensemble de données est déjà relativement complet et est publié accompagné d’un label de qualité « expérimental ».
  2. Les indicateurs sur les émissions de gaz à effet de serre des institutions financières : ils fournissent des informations concernant l’intensité en gaz à effet de serre des portefeuilles de titres et de prêts d’institutions financières telles que les banques. Ils aident ainsi à évaluer le rôle du secteur dans le financement de la transition vers une économie à zéro émission et les risques y afférents. L’ensemble de données sous-jacent doit toutefois être amélioré, en particulier sur le plan de la couverture. Par conséquent, ces indicateurs doivent être interprétés avec prudence et considérés comme des travaux en cours et de nature analytique.
  3. Les indicateurs sur les risques physiques des portefeuilles de prêts et de titres : ils évaluent les risques découlant de dangers naturels induits par le changement climatique, tels que les inondations ou les incendies, qui pèsent sur la performance des portefeuilles de prêts, d’obligations et d’actions. L’ensemble de données sous-jacent doit encore être amélioré, par exemple en ce qui concerne les détails des informations de localisation. Ces indicateurs doivent dès lors être interprétés avec prudence et considérés comme des travaux en cours et de nature analytique.

Conformément au plan d’action défini par le Conseil des gouverneurs de la BCE, des travaux sont menés en vue d’apporter des améliorations à ces trois ensembles de données. Celles-ci reposeront en partie sur l’apparition progressive de nouvelles sources de données de meilleure qualité ainsi que sur toute avancée méthodologique future qui se produirait tant au sein du SEBC qu’au niveau mondial.

7.3 Les progrès concernant le cadre de déclaration intégré

Les efforts en vue d’alléger la charge des déclarants sont entrés dans une phase concrète

L’engagement de longue date de la BCE à réduire la charge de déclaration des banques et à améliorer la qualité et la comparabilité des données s’est concrétisé en 2022. En décembre 2021, la phase de conception du programme IReF a été lancée en vue d’intégrer les exigences statistiques de l’Eurosystème à l’égard des banques au sein d’un cadre unique standardisé s’appliquant dans l’ensemble de la zone euro et pouvant également être adopté par des autorités d’autres États membres de l’UE [57].

Durant la phase de conception de l’IReF, les travaux se sont concentrés sur le futur cadre et sur l’analyse coûts/bénéfices

Durant la phase de conception, l’Eurosystème s’attache à identifier les principaux éléments du nouveau cadre (tant son contenu que les processus liés aux données) et à rendre plus efficace l’organisation du processus statistique de l’Eurosystème. Pour élaborer l’IReF, l’Eurosystème s’appuie sur les contributions fournies par les parties prenantes concernées au travers d’une analyse coûts/bénéfices en cours actuellement [58]. Trois rapports ont été publiés dans ce cadre en septembre 2022. Chacun d’eux portait sur des aspects spécifiques du système de déclaration envisagé, à savoir le contenu, l’intégration technique des exigences propres à chaque pays, ainsi que la procédure et la mise en œuvre [59]. En outre, la BCE a organisé deux ateliers avec le secteur bancaire en 2022 afin de faire le point sur l’état d’avancement de l’analyse coûts/bénéfices.

L’IReF constitue une première étape vers une initiative plus large en faveur d’un système de déclaration intégré pour les données statistiques, prudentielles et relatives à la résolution dans l’UE, appelé de ses vœux par le secteur bancaire européen et demandé par le Parlement européen et le Conseil. L’Autorité bancaire européenne (ABE), la BCE, le Conseil de résolution unique (CRU) et la Commission européenne ont entamé une coopération au sein d’un groupe de coordination informel dans le but de poursuivre cette intégration. La coopération entre ces autorités devrait être formalisée par la création d’un comité conjoint pour les déclarations bancaires (Joint Bank Reporting Committee, JBRC) ‒ rassemblant le SEBC, l’ABE, le mécanisme de surveillance unique (MSU) et les autorités compétentes nationales ne relevant pas du MSU, le CRU, les autorités nationales de résolution et la Commission européenne, comme indiqué dans l’étude de faisabilité de l’ABE publiée en décembre 2021 [60].

Encadré 4
Les nouvelles statistiques sur les institutions financières non bancaires dans les comptes financiers trimestriels

Les autres institutions financières – le deuxième secteur financier le plus important dans la zone euro

Les comptes financiers trimestriels publiés par la BCE fournissent une nouvelle ventilation des autres institutions financières (AIF). Après les institutions financières monétaires (à savoir les banques et les fonds d’investissement monétaires), les AIF sont le deuxième secteur financier par ordre d’importance dans la zone euro (graphique A). Leur rôle croissant a été reconnu dans l’évaluation de la stratégie de politique monétaire menée par la BCE en 2020 et 2021, et cette nouvelle ventilation constitue une étape importante en vue de faciliter l’analyse de cette évolution [61]. Trois sous-secteurs peuvent être distingués :

  • Les institutions financières captives et les prêteurs non institutionnels : il s’agit principalement des sociétés holdings et des entités intra-groupe, tels les conduits financiers. Ce sous-secteur représente 17 % du secteur financier de la zone euro et se concentre dans quelques-uns de ses États membres (l’Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas rassemblant plus de 85 % des captives).
  • Les autres intermédiaires financiers : il s’agit, par exemple, des opérateurs sur titres et produits dérivés et des véhicules financiers spécialisés dans les opérations de titrisation. Ce sous-secteur comptabilise 4 % du secteur financier de la zone euro. Les données relatives aux autres intermédiaires financiers sont essentielles à une analyse exhaustive du processus d’intermédiation financière dans la zone euro.
  • Les auxiliaires financiers : ceux-ci facilitent les opérations financières sans devenir eux-mêmes des contreparties juridiques (ou économiques). Il s’agit par exemple des bourses, des gestionnaires de fonds de pension et de fonds communs de placement, ainsi que des courtiers en assurances. Ils totalisent 1 % du secteur financier de la zone euro.

Graphique A

Sous-secteurs financiers dans la zone euro

(encours des engagements à la fin du troisième trimestre 2022 en pourcentage des engagements du secteur financier)

Source : Comptes sectoriels trimestriels, BCE.

8 Les activités de la BCE en matière de recherche

En 2022, les recherches de la BCE se sont concentrées sur l’évaluation des évolutions de l’inflation et sur l’analyse de l’incidence potentielle de la normalisation de la politique monétaire. L’utilisation de bases de données disponibles via le réseau sur le patrimoine et la consommation des ménages (Household Finance and Consumption Network, HFCN) a été étendue à l’analyse des hétérogénéités des finances des ménages dans la zone euro. De nouveaux projets ont été lancés, basés sur les informations abondantes collectées au moyen de l’enquête de la BCE sur les anticipations des consommateurs (Consumer Expectations Survey, CES). La recherche sur les questions liées au changement climatique s’est également intensifiée. La collaboration avec les banques centrales nationales au sein des pôles de recherche du Système européen de banques centrales (SEBC) s’est poursuivie, avec l’organisation d’ateliers annuels visant à aborder les questions les plus urgentes dans leurs domaines de spécialisation respectifs. Le réseau PRISMA (Price-setting Microdata Analysis) a terminé ses travaux et a rendu plusieurs conclusions pertinentes pour la politique monétaire (cf. encadré 5).

8.1 Le point sur les initiatives de recherche de la BCE

La recherche s’est centrée sur l’évaluation de l’incidence de la normalisation de la politique monétaire

En 2022, les recherches de la BCE ont principalement mis l’accent sur l’analyse des effets de la normalisation des taux d’intérêt et des bilans, en ce compris les canaux de transmission et les compromis concernés. Un large éventail de modèles internes comportant des liens macrofinanciers ont été utilisés pour évaluer l’incidence potentielle de la normalisation sur la stabilité financière. L’une des informations fondamentales et immuables de ces recherches est que la normalisation de la politique monétaire limite l’accumulation de vulnérabilités financières et réduit les risques extrêmes pesant sur l’inflation à moyen terme, au prix d’un resserrement des conditions de financement et d’une accentuation des risques baissiers sur la croissance à court terme.

Le réseau sur le patrimoine et la consommation des ménages a apporté une contribution essentielle à la recherche sur l’hétérogénéité

Le HFCN a servi d’élément clé pour l’élaboration des comptes distributionnels de patrimoine et constitue une source d’information importante pour plusieurs projets de recherche menés par le groupe de recherche de la BCE sur l’hétérogénéité.

Les recherches fondées sur les données du HFCN se sont focalisées sur la différence au niveau du patrimoine et des actifs liquides entre les ménages non immigrés et les ménages immigrés de la zone euro, sur les difficultés financières des ménages, sur les différences significatives de taux de propriété immobilière et de taux de propriété du logement entre les pays de la zone euro et sur l’hétérogénéité des effets de la pandémie sur les finances des ménages.

De nouveaux projets fondés sur des bases de données de l’enquête sur les anticipations des consommateurs ont été lancés

Le CES de la BCE a bénéficié d’une visibilité croissante au cours de 2022. Cela s’est traduit par le développement de nouveaux modules d’enquête sur le crédit à la consommation, sur le logement, sur les marchés du travail et sur d’autres sujets liés aux banques centrales, ainsi que par l’expansion de la production de recherche et de nouveaux projets s’appuyant sur le vaste éventail de sujets couverts par l’enquête. Les travaux fondés sur le CES ont occupé une place prépondérante dans l’analyse économique, monétaire et financière de la BCE, ainsi que dans ses publications officielles. Comme le souligne la nouvelle page internet du CES, les publications consacrées aux données de l’enquête ont fourni de nouveaux éclairages sur différents thèmes, notamment les anticipations d’inflation, la communication des banques centrales, la consommation et le crédit à la consommation, la transmission de la politique monétaire aux ménages, le choc énergétique ainsi que le soutien budgétaire aux ménages. De plus, les résultats agrégés des enquêtes mensuelles sont désormais publiés régulièrement sur la page internet du CES. Un communiqué de presse lancé en août 2022 résume les anticipations des consommateurs relatives à l’inflation, au marché du logement, à l’accès au crédit, aux revenus, à la consommation, au marché du travail et à la croissance économique.

Des conclusions pertinentes pour la politique monétaire sont ressorties de travaux approfondis sur des questions liées au changement climatique

La recherche sur le changement climatique s’est intensifiée dans le courant de 2022. Les chercheurs se sont attachés à différents aspects de l’interaction entre la stabilité financière, les marchés financiers, les politiques publiques et la transition verte. Un certain nombre d’articles de recherche de la BCE ont été publiés sur différents aspects de ce thème et ont tiré les conclusions suivantes pertinentes pour la politique monétaire : a) les prêts bancaires réagissent à la politique climatique, entraînant une réaffectation visible des prêts en matière de combustibles fossiles au-delà des frontières nationales en réponse aux taxes carbone [62] ainsi qu’une baisse significative des prêts aux entreprises à forte intensité de gaz à effet de serre à la suite de l’accord de Paris [63]; b) les économies davantage fondées sur l’émission d’actions se décarbonent plus rapidement que les économies davantage fondées sur l’endettement [64]; c) la rareté des ressources naturelles incite à des changements techniques permettant des économies d’énergie [65]; et d) il s’avère sensiblement plus coûteux pour la société de fixer les taxes sur le carbone à des niveaux inférieurs au niveau optimal plutôt qu’à des niveaux qui y sont supérieurs [66].

Un autre volet de la recherche a étudié les liens entre les risques liés au climat et la stabilité financière, en examinant trois grandes dimensions : 1) les données concernant les risques liés au climat pour le système financier et leur mesure, 2) les évaluations des risques liés au climat dans le cadre de tests de résistance, et 3) les implications des risques liés au climat pour la politique macroprudentielle. Les conclusions ont été publiées dans un rapport conjoint BCE/CERS en juillet 2022.

8.2 Le point sur les travaux des pôles de recherche du SEBC

La collaboration au sein des pôles de recherche s’est poursuivie et le pôle de recherche sur le changement climatique a été lancé

Les réseaux de recherche existants ont continué de coordonner leurs efforts en la matière au sein du SEBC et d’entretenir des relations avec les chercheurs des universités. En particulier, les pôles de recherche du SEBC consacrés aux thèmes « Économie monétaire » (pôle 1), « Macroéconomie internationale, politique budgétaire, économie du travail, compétitivité et gouvernance de l’UEM » (pôle 2), « Stabilité financière, réglementation macroprudentielle et contrôle microprudentiel » (pôle 3) et « Changement climatique » (pôle 4) ont organisé des ateliers sur les questions les plus urgentes dans leurs domaines.

L’atelier annuel du pôle 1 s’est tenu à Paris les 10 et 11 octobre 2022. Organisé par la Banque de France, il a porté sur les thèmes de l’inflation, des taux d’intérêt et des interactions entre les politiques monétaire et budgétaire. Le pôle 2 a organisé son atelier annuel à la Banque de Grèce les 29 et 30 septembre 2022. Il a été consacré aux implications des sanctions économiques, en particulier à leurs effets sur le commerce, l’emploi et la production. Les membres ont également discuté des interactions entre les politiques monétaire et budgétaire, ainsi que de la conception des institutions de l’UE à la lumière de la menace de désintégration. L’atelier annuel du pôle 3 a été organisé par la banque centrale du Portugal (Banco de Portugal) les 20 et 21 octobre 2022 à Lisbonne. Il a couvert des thèmes allant de la réglementation et de la supervision bancaires aux marchés du logement et aux monnaies numériques de banque centrale. Les 5 et 6 septembre 2022, le pôle 4 a organisé en ligne son premier atelier annuel, sous les auspices de la banque fédérale d’Allemagne (Deutsche Bundesbank). Il a été consacré aux recherches théoriques et empiriques concernant les effets macroéconomiques du changement climatique et de la politique climatique, de même qu’aux implications pour différents marchés financiers.

Encadré 5
Les microdonnées à la loupe – conclusions du réseau PRISMA

Le réseau de recherche PRISMA (Price-setting Microdata Analysis) a été mis en place en 2018 par le Système européen de banques centrales (SEBC) afin d’approfondir la compréhension du comportement de fixation des prix et de la dynamique d’inflation dans l’Union européenne, ce qui devait permettre d’apporter de nouveaux éclairages sur cet élément essentiel de la transmission de la politique monétaire. Il a officiellement achevé ses travaux en mars 2022.

Dans le cadre du réseau PRISMA, le personnel de la BCE et des banques centrales nationales a produit de nombreux documents de recherche et de politique publique concernant la fixation des prix et la dynamique d’inflation, le commerce électronique, les prix en ligne et l’hétérogénéité de l’inflation subie par les ménages. Les travaux de recherche se sont concentrés sur la période 2010-2019 et ont permis de tirer les conclusions suivantes, qui sont pertinentes pour la politique monétaire.

La fréquence des variations de prix dans la zone euro entre 2010 et 2019 a été faible, mais hétérogène entre les « principaux » secteurs, donnant lieu à une transmission lente des chocs nominaux. En moyenne, 8,5 % des prix à la consommation ont varié chaque mois (abstraction faite des prix promotionnels), soit une proportion proche de celle enregistrée aux États-Unis (10 %). Par conséquent, le prix de détail non promotionnel type n’a varié que tous les douze mois, entraînant une transmission lente des impulsions nominales. Le taux de retarification abstraction faite des périodes de soldes se situe à son niveau le plus bas pour les services (6 % sur une période de 17 mois) et à son niveau le plus haut pour les produits alimentaires transformés (10 % sur un laps de temps de dix mois).

Les variations de prix sont hétérogènes, avec des hausses et des baisses tant importantes que modestes, et principalement attribuables à des chocs au niveau des entreprises. Les variations de prix (non nulles) types (prix « révisés ») ont été plutôt significatives (même en omettant les soldes). Entre 2010 et 2019, les médianes des augmentations et des diminutions se sont établies, respectivement, à 9 % et 12 % environ. Les hausses et les baisses de prix se sont toutefois révélées très hétérogènes : 14 % ont été inférieures à ± 2 % en valeur absolue, tandis que quelque 20 % ont été supérieures à ± 14 %. Les chocs sur les coûts et les chocs de demande spécifiques aux entreprises se sont donc avérés plus pertinents que les chocs agrégés pour déterminer le moment et l’ampleur des révisions de prix pratiquées par ces dernières. Les données confirment que les variations des prix à la production sont plus fréquentes et plus faibles que celles des prix à la consommation, ce qui correspond aux conclusions antérieures pour la zone euro.

Pour la plupart des biens, les prix en ligne varient plus souvent que ceux pratiqués dans les magasins physiques, mais il n’existe pas de divergence significative au niveau de l’amplitude des baisses et des hausses de prix, ce qui est conforme au constat selon lequel la fixation des prix en ligne subit moins de frictions. Tant en Pologne qu’en Allemagne, où cette comparaison a été possible, le taux de retarification pour les biens non énergétiques, exception faite des produits alimentaires transformés, a été plus élevé en ligne que dans les points de vente physiques (16,7 % et 11,1 %, respectivement). Cependant, l’amplitude (en termes absolus) des augmentations et des diminutions a été plus faible pour les prix en ligne en Allemagne, tandis que la tendance inverse a plutôt été observée en Pologne. De manière générale, ces conclusions sont compatibles avec le constat selon lequel les frictions sont moindres dans la fixation des prix en ligne, du moins pour les biens. Elles confirment des résultats antérieurs étayant l’hypothèse voulant que la flexibilité des prix agrégés pourrait s’accroître sous l’effet de la progression de la part de marché du commerce en ligne dans un nombre toujours croissant de secteurs.

La fixation des prix est faiblement liée au stade du cycle économique, ce qui signifie que, dans le contexte actuel, des variations de prix plus fréquentes et plus importantes comparativement aux régularités historiques peuvent se produire. Les prix qui sont éloignés de leurs valeurs « cibles » sont légèrement plus susceptibles d’être ajustés. Cette preuve directe d’un degré limité de dépendance situationnelle (state-dependence) peut encore influer sur la transmission monétaire, notamment en provoquant des non-linéarités en réaction à des variations de l’inflation tendancielle ou à des chocs majeurs sur les coûts. Dans l’environnement de volatilité actuel, des fluctuations de prix plus fréquentes et plus importantes comparativement aux régularités historiques peuvent se produire.

L’évolution de l’inflation entre 2005 et 2019 s’explique par les fluctuations de l’amplitude moyenne des variations de prix, le taux de retarification ayant très peu bougé. Bien que plusieurs facteurs structurels aient pu l’influencer, le taux de retarification n’a guère semblé suivre une tendance baissière ou haussière durant la période de faible inflation examinée. De plus, sa variation conjoncturelle limitée n’a pas grandement contribué aux fluctuations de l’inflation agrégée, qui ont du reste été principalement influencées par les changements dans l’amplitude moyenne des variations de prix. En particulier, les perturbations agrégées ont affecté l’inflation en modifiant la part relative des entreprises ayant augmenté ou diminué leurs prix, plutôt que l’amplitude des hausses et des baisses de prix, ou le taux de retarification. Ce comportement « linéaire » de l’inflation agrégée est toutefois susceptible de changer lorsque les chocs agrégés sont plus importants qu’observé dans le passé, en raison des non-linéarités dans les décisions prises au niveau des entreprises.

D’après des modèles calibrés sur la base des données microéconomiques sur les prix, des variations de l’inflation tendancielle supérieures à 5 % ou 6 % accentueraient sensiblement la pente de la courbe de Phillips de la zone euro. Des simulations de modèles caractérisés par des non-linéarités dans la fixation des prix compatibles avec les données microéconomiques sur les prix suggèrent que des élévations de plus de 5 % ou 6 % de l’inflation tendancielle (et donc des anticipations d’inflation à long terme des entreprises) renforceraient considérablement le taux de retarification et la pente des courbes de Phillips présentes dans les modèles. Des données pour les États-Unis confirment qu’au cours de la période de « Grande Inflation », entre 1978 et 1982, le taux de retarification dépassait 15 % (contre 10 % durant la période de faible inflation sous revue).

De même, des modèles calibrés montrent que des chocs prononcés sur les coûts peuvent exercer des effets non linéaires sur la dynamique d’inflation. Les non-linéarités dans la fixation des prix impliquent que plus les chocs nominaux sont marqués, plus leur incidence sur le taux de retarification est grande dans les simulations provenant de modèles. Ces chocs doivent excéder 15 % pour que les non-linéarités accélèrent substantiellement la dynamique d’inflation dans leur sillage. Compte tenu de l’environnement relativement stable qui a prévalu jusqu’en 2019, période pour laquelle des microdonnées sont disponibles, il existe peu d’informations directes concernant les valeurs empiriques des seuils de chocs. Néanmoins, dans le cadre du réseau PRISMA, des microdonnées ont été analysées dans quelques pays depuis 2019 afin de rechercher des indices de non-linéarités dans le contexte volatil de la pandémie, ce qui a permis de trouver des exemples de variations de grande ampleur du taux de retarification.

9 Les activités et obligations juridiques

En 2022, la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la « Cour de justice ») a, pour la première fois, interprété la notion d’« autre type de facilité de crédit » dans le contexte de l’interdiction du financement monétaire et a reconnu l’indépendance financière des banques centrales nationales (affaire C-45/21). La Cour de justice a également mis fin à près de dix ans de litiges relatifs aux mesures de résolution prises en 2013 à Chypre (affaires T-200/18 et T-379/16) et a clarifié davantage des aspects importants des pouvoirs de surveillance de la BCE (affaire T-275/19). La BCE a adopté 14 avis sur des propositions d’acte législatif de l’UE et 32 avis sur des projets de législation nationale dans les domaines relevant de sa compétence. Cinq cas de non-respect de l’obligation de consulter la BCE sur des projets de législation ont été recensés par rapport à la législation nationale. Les exercices de suivi effectués par la BCE en 2022 concernant le respect par les banques centrales des interdictions du financement monétaire et de l’accès privilégié ont confirmé que les articles 123 et 124 du Traité ont généralement été respectés.

9.1 Les compétences de la Cour de justice de l’Union européenne concernant la BCE

La Cour de justice de l’Union européenne a, pour la première fois, interprété la notion d’« autre type de facilité de crédit » dans le contexte de l’interdiction du financement monétaire

En septembre 2022, la Cour de justice de l’Union européenne, siégeant en grande chambre, a statué pour la première fois sur l’interprétation de la notion d’« autre type de facilité de crédit » utilisée à l’article 123, paragraphe 1 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et définie à l’article 1, paragraphe 1, point b, (ii) du règlement du Conseil (CE) no 3603/93 comme « tout financement d’obligations du secteur public à l’égard de tiers » (affaire C-45/21). Selon la Cour de justice, l’interdiction d’une facilité de crédit au sens de tout financement d’obligations du secteur public à l’égard de tiers ne signifie pas seulement que les banques centrales nationales (BCN) ne sont pas tenues d’assumer des obligations préexistantes d’autres autorités ou organismes publics vis-à-vis de tiers ; elle exige également que le financement effectif des obligations vis-à-vis de tiers par les BCN ne résulte pas directement des mesures adoptées, ou des choix politiques effectués, par d’autres autorités ou organismes publics. Dans la même décision préjudicielle, la Cour de justice a expressément reconnu, de nouveau pour la première fois, la dimension financière de l’indépendance des BCN et a interprété ses implications dans le contexte d’une BCN exerçant des missions nationales en dehors du Système européen de banques centrales (SEBC). Selon la Cour de justice, la capacité des BCN d’exercer de manière indépendante une mission relevant du SEBC serait compromise si des missions nationales sortant de ce champ d’application empêchaient les BCN de constituer des ressources financières adéquates sous la forme de réserves ou de coussins pour compenser des pertes, en particulier celles résultant d’opérations de politique monétaire.

Le Tribunal a mis fin à près de dix ans de litiges relatifs aux mesures de résolution prises en 2013 à Chypre en rejetant les dernières actions en dommages et intérêts en cours contre la BCE

En juillet et en novembre 2022 respectivement, le Tribunal a également rejeté les dernières demandes de réparation en cours formées notamment à l’encontre de la BCE par plusieurs parties prenantes dans deux banques chypriotes visées par les mesures de résolution adoptées en 2013 (affaires T-200/18 et T-379/16). Les ordonnances suivent les jugements rendus en 2020 par la Cour de justice de l’Union européenne dans les affaires jointes Chrysostomides et Bourdouvali [67] qui portaient sur des matières similaires. Les requérants soutenaient que les mesures de résolution en cause avaient été imposées par la BCE et par les autres parties défenderesses [68] au titre, entre autres, de leur participation aux réunions de l’Eurogroupe, du rôle qu’elles avaient joué dans les négociations et l’adoption du protocole d’accord chypriote ainsi que des décisions du Conseil des gouverneurs de la BCE concernant la fourniture de liquidités d’urgence. Le Tribunal a estimé que la BCE et les autres parties défenderesses n’avaient pas commis le moindre manquement au droit à la propriété, au principe d’attentes légitimes, au principe de proportionnalité ou au principe de traitement équitable. Les ordonnances rendues par le Tribunal ont mis fin à près de dix ans de litiges relatifs aux mesures de résolution prises en 2013 à Chypre et dans lesquels la BCE l’a toujours emporté en démontrant qu’elle avait agi légalement

Le Tribunal a également précisé les pouvoirs d’investigation et de surveillance de la BCE

En décembre 2022, le Tribunal a rendu quatre jugements, rejetant toutes les actions engagées par AS PNB Banka contre une série de décisions en matière de surveillance prudentielle de la BCE et clarifiant davantage les pouvoirs de surveillance de cette dernière. De janvier 2019 à février 2020, la BCE a adopté plusieurs décisions en matière de surveillance prudentielle concernant AS PNB Banka. Lors de l’examen de ces décisions, le Tribunal a confirmé qu’il relevait de la compétence de la BCE d’exercer, vis-à-vis d’un établissement de crédit moins important, tous les pouvoirs d’enquête énumérés aux articles 10 à 13 du règlement MSU, y compris des inspections sur place, et a précisé que la réglementation applicable ne nécessitait pas que l’entité soumise à l’inspection soit entendue avant l’adoption de la décision de procéder à une inspection sur place (affaire T-275/19). Le Tribunal a également confirmé que la BCE disposait d’un large pouvoir discrétionnaire en vue d’activer le pouvoir de reprendre la supervision directe d’un établissement de crédit moins important lorsque cela s’avérait nécessaire pour garantir une application cohérente de normes prudentielles strictes (affaire T-301/19). Troisièmement, le Tribunal a jugé que la BCE pouvait s’opposer à un projet d’acquisition d’une participation qualifiée s’il existe des motifs raisonnables de le faire sur la base d’un ou de plusieurs des critères visés à l’article 23, paragraphe 1, de la directive 2013/36, sans être tenue d’examiner les autres critères (affaire T-330/19). Enfin, s’agissant de la décision de retrait, le Tribunal a clarifié certains aspects relatifs aux liens entre une proposition d’une autorité nationale compétente (ANC) et la décision finale de retrait de la BCE. Il a par exemple jugé que, dans la mesure où elle n’était pas liée par la proposition d’une ANC, la BCE devait procéder à sa propre évaluation, en tenant compte des éléments énumérés à l’article 83, paragraphe 2 du règlement-cadre MSU. En conséquence, la BCE peut, le cas échéant, ajouter dans la décision finale de retrait des motifs de retrait qui ne figuraient pas dans la proposition de l’ANC (affaire T-230/20).

9.2 Les avis de la BCE et les cas de non-respect

Les articles 127, paragraphe 4, et 282, paragraphe 5, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne disposent que la BCE doit être consultée sur toute proposition de réglementation de l’UE ou sur tout projet de législation nationale dans les domaines relevant de sa compétence. Tous les avis de la BCE sont publiés sur le site EUR-Lex. Les avis de la BCE sur les propositions de réglementation de l’UE sont également publiés au Journal officiel de l’Union européenne. En 2022, la BCE a adopté 14 avis sur des propositions d’acte juridique de l’UE et 32 avis sur des projets de législation nationale dans les domaines relevant de sa compétence.

Cinq cas évidents et importants de non-consultation ont été recensés

Cinq cas de non-respect de l’obligation de consulter la BCE sur des projets de législation ont été recensés par rapport à la législation nationale et à des actes juridiques de l’UE. Le premier cas portait sur une loi finlandaise relative à un système de paiement interbancaire d’urgence. Ce cas a été considéré comme évident et important en raison de son incidence potentielle sur la mission du SEBC consistant à promouvoir le bon fonctionnement des systèmes de paiement et sur les missions de la Banque centrale de Finlande (Suomen Pankki). Le deuxième cas concernait une loi italienne sur des mesures d’interdiction du financement des entreprises produisant des mines antipersonnel, ainsi que des munitions et des sous-munitions à fragmentation, qui exigeait des autorités compétentes, dont la Banque centrale d’Italie (Banca d’Italia), qu’elles veillent à ce que les établissements de crédit respectent l’interdiction de financer des entreprises produisant des mines antipersonnel, ainsi que des munitions et des sous-munitions à fragmentation. Ce cas a été considéré comme évident et important en raison de son incidence potentielle sur la Banque centrale d’Italie (Banca d’Italia), vu le caractère atypique de la mission pour une banque centrale nationale. Le troisième cas concernait la loi irlandaise sur l’Agence d’aménagement du territoire (Land Development Agency Act), qui prévoit l’acquisition forcée de terrains appartenant à des organismes publics pertinents, dont la Banque nationale d’Irlande (Central Bank of Ireland/Banc Ceannais na hÉireann). Ce cas a été considéré comme évident et important en raison de son incidence potentielle sur la Banque nationale d’Irlande (Central Bank of Ireland/Banc Ceannais na hÉireann), en particulier sur son indépendance financière. Le quatrième cas portait sur une loi lituanienne relative à la titrisation et aux obligations sécurisées modifiant la Loi relative à la Banque centrale de Lituanie (Lietuvos bankas) qui désignait cette dernière comme autorité compétente responsable du contrôle public de la titrisation et des obligations sécurisées et lui conférait les pouvoirs de surveillance, d’enquête et de sanction y afférents. Ce cas a été considéré comme évident et important en raison de son incidence sur les missions de la Banque centrale de Lituanie (Lietuvos bankas). Le cinquième cas concernait la directive de l’Union relative à des mesures visant un niveau commun élevé de cybersécurité à travers l’Union. Ce cas a été considéré comme un cas évident et important d’absence de consultation de la BCE, en raison de son incidence potentielle sur les missions du SEBC, en particulier la promotion du bon fonctionnement des systèmes de paiement, la contribution à la bonne conduite des politiques menées par les autorités compétentes en ce qui concerne la stabilité du système des marchés financiers et les missions de la BCE relatives au contrôle prudentiel des établissements de crédit.

La BCE a adopté 14 avis sur des propositions de législation de l’UE

La BCE a adopté 14 avis sur des propositions législatives de l’UE, couvrant des sujets tels que l’introduction de l’euro en Croatie et le taux de conversion en euro de la kuna croate ; l’instauration d’un mécanisme de correction du marché des prix du gaz ; les DCT ; les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement concernant les conditions relatives aux risques de crédit et à la résolution (CRR III) ; les pouvoirs de surveillance, les sanctions, les succursales de pays tiers ainsi que les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (CRD VI) ; la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (AMLD 6), et la mise en place d’une Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ; la garantie d’un niveau élevé commun de cybersécurité dans l’ensemble de l’Union (NIS 2) ; les marchés d’instruments financiers (MiFIR/MiFID II) ; les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs ; les règles harmonisées pour l’équité de l’accès aux données et de l’utilisation des données (règlement sur les données) ; la mise en place et le fonctionnement d’un point d’accès unique européen fournissant un accès centralisé aux informations publiques relatives à des services financiers, aux marchés de capitaux et au développement durable ; et le système des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne.

La BCE a adopté 32 avis sur des projets de législation nationale

S’agissant de la législation nationale, laquelle couvre souvent plus d’un thème, la BCE a adopté huit avis sur des questions monétaires et des moyens de paiement ; 25 avis concernant les BCN ; deux avis relatifs aux systèmes de paiement et/ou de règlement de titres ; quatre avis concernant des questions statistiques, cinq avis relatifs à la stabilité du système financier ; deux avis concernant des instruments et des opérations de politique monétaire et sept avis concernant la surveillance prudentielle des établissements de crédit.

9.3 Le respect des interdictions relatives au financement monétaire et à l’accès privilégié

En vertu de l’article 271, point d, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la BCE a pour mission de vérifier le respect par les BCN de l’UE des interdictions prévues par les articles 123 et 124 du Traité et des règlements (CE) no 3603/93 et 3604/93 du Conseil. L’article 123 interdit à la BCE et aux BCN d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux autorités publiques et aux institutions et organes de l’UE, de même que d’acquérir sur le marché primaire des instruments de dette émis par ces institutions. L’article 124 proscrit toute mesure ne reposant pas sur des considérations d’ordre prudentiel qui établirait un accès privilégié des autorités publiques et des institutions ou organes de l’UE aux établissements financiers. Parallèlement au Conseil des gouverneurs de la BCE, la Commission européenne vérifie le respect des dispositions susvisées par les États membres.

La BCE procède également à l’examen des achats par les banques centrales nationales de l’UE, sur le marché secondaire, d’instruments de dette émis par le secteur public national, par le secteur public d’autres États membres et par les institutions et organes de l’UE. En vertu des considérants du règlement (CE) no 3603/93, l’acquisition d’instruments de dette du secteur public sur le marché secondaire ne doit pas servir à contourner l’objectif poursuivi par l’article 123 du Traité. De tels achats ne sauraient devenir une forme indirecte de financement monétaire du secteur public.

Les interdictions découlant des articles 123 et 124 du Traité ont en général été respectées

L’exercice de surveillance réalisé pour 2022 par la BCE confirme que les articles 123 et 124 du Traité ont en général été respectés.

La BCE continuera de surveiller l’implication de la Banque centrale de Hongrie (Magyar Nemzeti Bank) dans la Bourse de Budapest étant donné que l’acquisition par celle-ci en 2015 de la participation majoritaire dans la Bourse de Budapest peut toujours être considérée comme soulevant des préoccupations en matière de financement monétaire.

En 2022, la réduction par la Banque nationale d’Irlande (Central Bank of Ireland/Banc Ceannais na hÉireann) d’actifs liés à l’Irish Bank Resolution Corporation, par la vente d’obligations à taux variable à long terme, est une étape vers la cession intégrale de ces actifs et fait apparaître la perspective d’une dissolution complète du portefeuille spécial en 2023. La poursuite des ventes à un rythme approprié atténuerait davantage les inquiétudes sérieuses persistant en matière de financement monétaire.

Le financement par les BCN d’obligations incombant au secteur public à l’égard du Fonds monétaire international (FMI) n’est pas considéré comme un financement monétaire puisqu’il débouche sur des créances étrangères qui ont toutes les caractéristiques d’avoirs de réserve. Néanmoins, les donations financières telles que celles fournies en 2022 et les années précédentes par un nombre limité de BCN par le biais du FMI dans le cadre de l’allègement de la dette des pays lourdement endettés n’ont débouché sur aucune créance étrangère. Ce type de contributions financières des BCN à des initiatives du FMI est dès lors incompatible avec l’interdiction de financement monétaire et justifie des mesures de correction là où elles ne sont pas encore entièrement mises en œuvre (Nationale Bank van België/Banque Nationale de Belgique, Banque de France, Banque centrale d’Italie (Banca d’Italia), Banque centrale de Lituanie (Lietuvos bankas) et Banque centrale de Suède (Sveriges Riksbank)).

10 La BCE dans un contexte européen et international

En 2022, la BCE a continué d’interagir étroitement avec ses partenaires européens et internationaux. La relation de la BCE avec le Parlement européen constitue un élément essentiel du dispositif de la BCE en matière d’obligation de rendre compte. La BCE a participé à des auditions régulières et a échangé des lettres avec la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen (ECON) tout au long de l’année. Elle a tenu des réunions supplémentaires avec la commission ECON dans le contexte de ses travaux en cours sur un euro numérique. À l’échelle internationale, la BCE s’est engagée de manière constructive dans un dialogue exigeant avec les ministères des Finances et les banques centrales du G20. Elle a également contribué, dans l’enceinte du Fonds monétaire international (FMI), à des discussions pertinentes pour les banques centrales, centrées sur les réponses de politique à apporter en vue d’atténuer les conséquences de la guerre menée par la Russie en Ukraine sur les membres du FMI. La BCE a également interagi étroitement avec le FMI concernant la mise en œuvre du fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité (Resilience and Sustainability Trust, RST) en vue de faciliter le transfert volontaire de droits de tirage spéciaux (DTS) à la suite de la mesure phare d’allocation générale de DTS adoptée en 2021 conformément au cadre de gouvernance de l’Union économique et monétaire. La BCE, souvent en collaboration avec ses partenaires du Système européen de banques centrales (SEBC), a également poursuivi sa participation internationale à d’autres enceintes que celles du G20 et du FMI, notamment par le biais de la coopération avec les banques centrales d’Ukraine et d’autres États candidats à l’adhésion à l’UE, ainsi qu’avec celles de pays émergents et en développement.

10.1 L’obligation de la BCE de rendre compte

La BCE s’est acquittée de ses obligations de rendre compte

L’indépendance a été octroyée à la BCE dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), ce qui signifie qu’elle n’est pas soumise aux instructions d’institutions de l’Union, de gouvernements nationaux ou d’autres organes. De cette manière, la BCE peut prendre des décisions en vue de réaliser son objectif de maintien de la stabilité des prix sans être influencée par des acteurs politiques. L’obligation de rendre compte constitue la contrepartie nécessaire à l’indépendance. La BCE rend compte de ses actions au Parlement européen en sa qualité d’organe composé des représentants élus par les citoyens de l’UE. L’exercice effectif des obligations de la BCE de rendre compte au Parlement européen représente une partie essentielle de son travail. Le dialogue bilatéral entre la BCE et le Parlement européen permet à la BCE d’expliquer ses actions et ses politiques aux représentants des citoyens de l’UE et d’écouter leurs préoccupations. Ce dialogue a évolué au fil du temps pour aller au-delà des exigences définies à l’article 284, paragraphe 3, du TFUE. En outre, les actions de la BCE sont soumises au contrôle juridictionnel de la Cour de justice de l’Union européenne, ce qui fournit un niveau supplémentaire d’obligation de rendre compte.

Les interactions variées avec le Parlement européen se sont poursuivies

En 2022, la présidente de la BCE a participé à quatre auditions régulières de la commission ECON, ainsi qu’au débat en séance plénière consacré au Rapport annuel 2020 de la BCE en février. Durant les auditions régulières, la présidente de la BCE a répondu à plus de 120 questions des membres du Parlement européen portant sur un large éventail de sujets. La plupart des questions étaient centrées sur la politique monétaire de la BCE et sur les perspectives économiques (75 %), mais les membres ont également soulevé des problèmes liés à la gouvernance économique (9 %), au changement climatique (6 %) et à la législation financière (4 %). Le vice-président de la BCE a également présenté le Rapport annuel 2021 de la BCE à la commission ECON en avril 2022. À cette même occasion, la BCE a publié ses commentaires sur la contribution apportée par le Parlement européen dans le cadre de sa résolution sur le Rapport annuel 2020. De plus, une délégation de membres de la commission ECON a participé à la visite annuelle à la BCE en mai 2022, qui a eu lieu sur place après deux ans de visites virtuelles pendant la pandémie. Outre ces interactions directes, la BCE a également répondu à 32 questions écrites des membres du Parlement européen dans le courant de l’année.

Par ailleurs, la BCE a interagi étroitement avec la commission ECON dans le cadre de ses travaux sur un euro numérique [69]. En 2022, M. Panetta, membre du directoire, a participé à trois auditions de la commission ECON afin de discuter des progrès réalisés durant la phase d’étude de l’euro numérique, y compris des thèmes relatifs à la vie privée, à la stabilité financière et au rôle du secteur privé dans un écosystème d’euro numérique. La BCE a également organisé des séminaires techniques au niveau du personnel avec le Parlement européen et a pris part à des événements organisés par des membres du Parlement européen sur le thème de l’euro numérique.

L’enquête Eurobaromètre de l’hiver 2022-2023 réalisée en janvier et en février 2023 indique que 79 % des personnes interrogées dans la zone euro soutiennent l’euro. Même si ces résultats sont encourageants, la même étude révèle également qu’une part relativement moins importante, à hauteur de 44 %, fait généralement confiance à la BCE. Il est crucial que la BCE renforce la confiance du public tant pour ancrer les anticipations d’inflation que pour protéger la BCE des pressions politiques susceptibles de compromettre son indépendance. La BCE poursuivra donc ses efforts en vue de susciter la confiance du public en entretenant un dialogue constructif avec le Parlement européen et les citoyens de la zone euro pour expliquer ses décisions et écouter leurs préoccupations.

10.2 Les relations internationales

G20

Le G20 a dû faire face à l’incidence de la guerre menée par la Russie en Ukraine ainsi qu’à des défis structurels

Durant la présidence indonésienne du G20 en 2022, les évolutions économiques internationales ont été dominées par les graves répercussions économiques et humanitaires de la guerre menée par la Russie en Ukraine, qui a exacerbé les fragilités et ralenti la reprise naissante au niveau mondial. Les ministres des Finances et les gouverneurs de banque centrale du G20 ont dû faire face aux conséquences directes et indirectes de la guerre, telles que les pénuries alimentaires et énergétiques, la hausse de l’inflation mondiale et l’accentuation des problèmes liés à la dette, en particulier dans les pays vulnérables. En outre, les défis structurels à long terme, comme l’atténuation du changement climatique, l’amélioration de la préparation aux pandémies, ainsi que la prévention du protectionnisme et de la fragmentation mondiale, sont restés des priorités.

La BCE a également continué d’appuyer les initiatives du G20 visant à renforcer la stabilité et la résilience financières. Celles-ci ont notamment porté sur la réduction des vulnérabilités structurelles découlant de l’intermédiation financière non bancaire et sur les progrès à réaliser dans la mise en œuvre d’un cadre réglementaire aux niveaux international et juridictionnel afin de contenir les risques liés aux écosystèmes de crypto-actifs. La BCE a également apporté son aide au G20 dans l’élaboration d’un cadre destiné à garantir des transitions climatiques justes et abordables et à accélérer les flux d’investissements durables. En ce qui concerne les pays vulnérables, la BCE a continué de soutenir une mise en œuvre prévisible, prompte et coordonnée du cadre commun pour le traitement de la dette ainsi que des mesures renforçant la transparence de la dette.

Les questions de politique liées au FMI et à l’architecture financière internationale

Le FMI a adopté des mesures pour aider l’Ukraine et d’autres membres à faire face aux conséquences de la guerre menée par la Russie en Ukraine

Le FMI a joué un rôle de premier plan dans le soutien à l’Ukraine et aux autres pays membres affectés par les répercussions directes et indirectes de la guerre menée par la Russie en Ukraine, telles les crises énergétique et alimentaire. Il a déployé plusieurs mesures, notamment un nouveau guichet « chocs alimentaires » au titre de ses instruments de financement d’urgence et un nouveau dispositif de surveillance du programme économique avec participation du Conseil d’administration, dont l’Ukraine et plusieurs autres pays ont bénéficié. Un compte administré a été mis en place pour permettre aux pays donateurs d’acheminer en toute sécurité leur soutien financier – prêts ou dons – à l’Ukraine en utilisant l’infrastructure de paiement du FMI. En outre, le FMI collabore étroitement avec les autorités ukrainiennes pour fournir un soutien technique aux mesures de politique économique adoptées par l’Ukraine.

Les travaux se sont poursuivis pour atténuer l’incidence des défis internationaux, parmi lesquels la pandémie et la guerre menée par la Russie en Ukraine

En ce qui concerne les instruments de prêts du FMI, le nouveau fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité (Resilience and Sustainability Trust, RST) – proposé pour la première fois à la suite de l’allocation générale de DTS de 2021 – a été approuvé et est devenu opérationnel avant l’Assemblée annuelle du FMI de 2022. Le RST contribuera à amplifier les effets positifs de l’allocation générale de DTS de 2021 en facilitant le transfert volontaire de DTS des membres affichant des positions extérieures robustes à des pays à faible revenu et à des pays vulnérables à revenu moyen. Le financement du RST pourra servir à relever des défis structurels à plus long terme, parmi lesquels le changement climatique et la préparation aux pandémies, concourant ainsi à la stabilité future des balances des paiements. S’agissant des contributions du SEBC, tout comme pour d’autres canaux d’acheminement par le biais du fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance, il est essentiel que les créances sur le RST conservent leur qualité d’actifs de réserve. Parmi les autres enjeux liés aux DTS, le FMI a achevé en mai 2022 la revue quinquennale de la méthode d’évaluation du DTS, selon laquelle l’euro est demeuré la deuxième monnaie la plus importante en termes de pondération, après le dollar américain.

Dans un contexte d’accroissement des vulnérabilités liées à la dette à la suite de la pandémie, lesquelles se sont encore aggravées sous l’effet de la guerre menée par la Russie en Ukraine, le FMI a continué d’intensifier ses travaux liés à l’endettement, achevant l’examen de ses politiques relatives aux arriérés de dette souveraine et des questions de périmètre y afférentes au printemps 2022. Cet exercice a réévalué les conditions dans lesquelles le Fonds peut octroyer des prêts à un pays membre présentant des arriérés de dette souveraine, compte tenu de l’évolution du paysage des créanciers, en ce compris l’émergence de nouveaux créanciers et instruments bilatéraux et institutionnels officiels. Il a notamment consisté à préciser les créances soumises à la politique de non-tolérance des arriérés, le niveau de protection le plus élevé du FMI pour les créances des institutions financières internationales et des créanciers bilatéraux officiels. Les travaux sur la transparence de la dette menés dans le cadre de l’approche pluridimensionnelle de la gestion des vulnérabilités liées à la dette adoptée conjointement par le FMI et la Banque mondiale se sont poursuivis. Le FMI a également terminé l’examen de sa vision institutionnelle sur la libéralisation et la gestion des flux de capitaux en mars 2022. Celui-ci s’inscrivait dans le cadre de ses activités de surveillance, qui jouent un rôle de plus en plus important au vu du ralentissement de la dynamique de croissance, du resserrement des conditions financières, et de l’impact des crises énergétique et alimentaire.

11 La promotion de la bonne gouvernance et de la durabilité sociale et environnementale

En 2022, la BCE a suivi de près les évolutions relatives à la publication d’informations en matière de durabilité aux niveaux européen et international afin d’accroître en permanence la transparence de ses activités dans les domaines environnementaux, sociétaux et de gouvernance. Des travaux essentiels ont été menés dans ces domaines tout au long de l’année, ce qui a notamment conduit à la concrétisation de plusieurs étapes du programme d’action de la BCE pour le climat, au lancement de campagnes de sensibilisation et à la mise à disposition d’un accès aisé aux conseils en matière d’éthique et de bonne conduite en vue de répondre à l’importance croissante des questions d’éthique et de conformité, à l’élargissement des modes de communication de la BCE avec le public et à l’adaptation des politiques et des pratiques en matière de ressources humaines aux nouvelles méthodes de travail apparues après la pandémie.

11.1 La réponse de la BCE aux enjeux de la durabilité et les répercussions et risques en la matière

Des travaux essentiels ont été menés sur les thèmes environnementaux, sociaux et de gouvernance

En 2021, la BCE a commencé à rendre compte de manière plus holistique sur les thèmes environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), sur la base d’une évaluation de l’importance relative qui a défini les sujets de durabilité essentiels pour l’organisation. Cet exercice a également orienté les publications d’informations de la BCE en 2022. Celles-ci ont encore été enrichies par une première analyse des thématiques de durabilité épinglées dans les normes européennes d’information en matière de durabilité en 2022 [70].

En sa qualité d’institution publique, la BCE vise le plus haut niveau d’intégrité et de bonne conduite, en examinant et en adaptant en permanence ses cadres de travail afin de les rendre pertinents dans un monde en rapide évolution (cf. section 11.2). Compte tenu de son influence sociétale, la BCE a déployé des efforts supplémentaires pour expliquer ses politiques à la population, en ciblant des publics différents et en répondant aux préoccupations des citoyens, tout en créant un espace propice à des échanges réguliers avec le public. La section 11.3 revient sur les principales activités organisées dans ce domaine en 2022. La BCE a également actualisé ses politiques et ses pratiques en matière de ressources humaines en tenant compte des nouvelles méthodes de travail apparues à la suite de la pandémie de COVID-19. Elle a notamment élaboré une nouvelle politique de télétravail flexible, introduit de nouveaux programmes d’apprentissage et poursuivi ses initiatives en faveur de la diversité et de l’inclusion, comme indiqué dans la section 11.4. En 2022, la BCE a défini plus précisément son approche stratégique du changement climatique en développant son programme d’action pour le climat (cf. section 11.5).

Outre l’évaluation des aspects ESG sous l’angle de leur incidence, la BCE examine les risques en matière de durabilité découlant de son cadre de gouvernance actuel, comme souligné dans le chapitre consacré à la gestion des risques dans les Comptes annuels.

11.2 Le renforcement de l’éthique et de l’intégrité

La BCE place l’éthique professionnelle et la bonne conduite au cœur de ses activités

La BCE promeut activement une culture organisationnelle de l’éthique et de la conformité, en veillant à ce que ses responsables de haut niveau, ses gestionnaires et les membres de son personnel exercent leurs fonctions dans le respect des normes de conduite les plus élevées. Le bureau de conformité et de gouvernance (Compliance and Governance Office, CGO) est chargé d’établir les règles d’éthique et de gouvernance imposées aux membres du personnel de la BCE et d’en contrôler le respect. Il organise des campagnes de sensibilisation, des formations et des programmes d’apprentissage en ligne, de même qu’il fournit des conseils et des orientations individuels sur les questions d’éthique. En 2022, des efforts ont été déployés en vue de mieux faire connaître ces règles et de faciliter l’accès aux conseils en matière d’éthique. Constatant l’importance de donner rapidement des conseils de qualité, le CGO a mis au point un agent conversationnel pour les questions d’éthique, capable de fournir des informations générales et répondant à des questions simples dans plusieurs domaines éthiques en temps réel. En conséquence, le nombre de requêtes soumises au CGO a reculé de près de 20 %, tombant d’environ 2 050 en 2021 à 1 690 en 2022, ce qui a permis aux experts en éthique et en conformité de se concentrer sur des questions plus complexes (graphique 11.1).

Graphique 11.1

Vue d’ensemble des requêtes reçues des membres du personnel de la BCE en 2022

Source : BCE.

La BCE a élaboré une approche structurée de la gestion du risque de conduite induit par des contractants externes

Outre ses activités régulières d’information et de conseil, la BCE a investi dans le renforcement de ses cadres d’intégrité et de bonne conduite. En 2022, elle a adopté une approche structurée de la gestion du risque encouru si les contractants actifs dans des domaines sensibles ne se comportent pas conformément aux normes éthiques de la BCE. Cette nouvelle approche complète le cadre de gestion du risque fournisseur de la BCE et donne des orientations quant au suivi et à la gestion du risque de conduite pendant la mise en œuvre du contrat.

Un comité d’éthique professionnelle indépendant conseille les responsables de haut niveau de la BCE sur les questions d’éthique, principalement en ce qui concerne les activités menées à titre personnel et les emplois rémunérés postérieurs au mandat, et évalue leurs déclarations d’intérêts. Conformément à l’engagement de la BCE en faveur de la transparence et du renforcement de la confiance du public, les avis du comité d’éthique professionnelle sur les conflits d’intérêts, les emplois rémunérés exercés après la cessation des fonctions et les activités menées à titre personnel, ainsi que les déclarations d’intérêts des responsables de haut niveau sont publiés sur le site internet de la BCE.

La BCE a adopté des règles plus strictes concernant les opérations financières privées de ses responsables de haut niveau

En outre, le comité d’éthique professionnelle suit les évolutions internationales dans le domaine de l’éthique et de la bonne conduite, de même qu’il donne son avis sur les mises à jour souhaitables du cadre éthique de la BCE applicable aux responsables de haut niveau. Fin 2021, le comité d’éthique professionnelle a proposé une révision des règles régissant les opérations financières privées, de façon à atténuer encore les risques d’utilisation abusive d’informations confidentielles et d’éventuels conflits d’intérêts. Dès lors, en novembre 2022, le Conseil des gouverneurs a adopté un code de conduite unique renforcé imposant des restrictions supplémentaires à l’univers des investissements et à l’horizon des opérations financières privées, au même titre que de nouvelles obligations en matière de transparence [71].

Au niveau de l’Eurosystème, la Conférence sur l’éthique et la conformité (Ethics and Compliance Conference, ECC), qui rassemble les hauts responsables des questions d’éthique de la BCE, des banques centrales nationales (BCN) et des autorités compétentes nationales, a soutenu la mise en œuvre en cours des recommandations en matière d’éthique adoptées en 2021, qui prônent une interprétation cohérente des dispositions dans l’ensemble des institutions nationales [72]. Afin de refléter l’importance croissante de l’éthique et de la conformité, le Conseil des gouverneurs a décidé de transformer la conférence en le Comité d’éthique et de conformité.

La BCE a participé à des activités européennes et internationales et à des échanges de connaissances sur des questions éthiques

La BCE participe à des activités conjointes et à des échanges de connaissances avec les responsables de l’éthique d’institutions européennes et d’organisations internationales. Afin d’encourager les débats sur l’éthique et l’intégrité, le Comité d’éthique et de conformité a organisé des sessions thématiques avec des intervenants provenant d’organisations européennes et internationales. En 2022, la BCE a participé à des discussions interinstitutionnelles sur la création d’un organe d’éthique indépendant commun à toutes les institutions de l’UE, de même qu’elle a contribué au mécanisme d’examen de l’application de la Convention des Nations Unies contre la corruption et a assumé la vice-présidence du réseau Déontologie des organisations multilatérales (Ethics Network of Multilateral Organizations, ENMO).

11.3 Renforcer la transparence et favoriser la compréhension de la politique de la BCE

La BCE a continué de respecter son engagement en matière de stabilité des prix et d’accessibilité au grand public

En 2022, la poussée d’inflation, l’invasion de l’Ukraine par la Russie et la crise énergétique qui a suivi ont créé un environnement difficile, y compris pour la communication de la BCE. Dans des périodes d’incertitude exceptionnelle, une communication claire, crédible et cohérente est particulièrement cruciale en vue d’ancrer les anticipations et de favoriser la confiance du public dans l’engagement de la BCE à restaurer la stabilité des prix et dans sa capacité d’y parvenir. À cette fin, la BCE a poursuivi ses efforts considérables pour favoriser une meilleure compréhension de ses décisions, tant auprès des experts que du grand public, en utilisant des formats innovants et en adoptant une approche multilingue.

Expliquer la politique de la BCE en des temps incertains et au-delà

La BCE a rassuré les citoyens européens et a fourni des explications accessibles concernant ses décisions de politique monétaire

L’inflation ayant grimpé à des niveaux inédits dans l’histoire de l’euro et la BCE ayant adopté des mesures de politique monétaire décisives, il était essentiel de renforcer la communication et de fournir des explications accessibles. Ceci impliquait tout d’abord de rassurer les citoyens européens quant à l’engagement fondamental de la BCE à ramener l’inflation à son objectif de 2 % à moyen terme et à sa capacité d’assurer la stabilité des prix avec les outils dont elle dispose. Dans le même temps, il était important de reconnaître que l’inflation élevée pesait sur tous les acteurs de l’économie et que le nécessaire resserrement de la politique monétaire serait également douloureux.

La BCE a consenti de sérieux efforts pour expliquer comment ses décisions de politique monétaire affecteraient l’inflation. Le relèvement du taux d’intérêt en juillet 2022 était le premier depuis onze ans. La BCE a mené une vaste campagne de communication en vue d’expliquer au grand public l’objectif visé par l’augmentation des taux d’intérêt et ce que ceux-ci signifiaient concrètement pour les citoyens et pour leurs choix économiques. Elle a notamment publié une nouvelle note explicative (disponible dans toutes les langues de l’UE) et a organisé un certain nombre d’apparitions à la télévision et à la radio de membres du directoire et de membres du personnel de la BCE afin d’expliquer les différentes décisions et le raisonnement qui les sous-tend, et de répondre à leurs préoccupations.

En outre, un épisode spécifique du podcast de la BCE a expliqué les mécanismes de base selon lesquels un relèvement des taux d’intérêt peut limiter l’inflation et un second podcast sur la raison pour laquelle le resserrement de la politique monétaire doit se poursuivre en dépit d’un ralentissement de l’économie.

Partager davantage les informations et l’analyse qui alimentent les décisions de la BCE peut également contribuer à accroître la compréhension de la politique monétaire de la BCE de la part du public intéressé. À cette fin, une version remaniée du blog de la BCE a été lancée en 2022, laquelle intègre désormais des contributions des membres tant du directoire que du personnel de la BCE.

Doté d’une nouvelle mise en page et d’un flux continu de billets intéressants et visuellement attractifs, le blog de la BCE est devenu un canal attrayant d’apprentissage sur un grand nombre de thèmes de banque centrale, allant de la manière différente dont les hommes et les femmes « ressentent » l’inflation au financement de l’innovation verte ou à l’essor et au déclin des crypto-actifs. Les billets de blog étant en règle générale concis et écrits dans une langue accessible, ils tendent à attirer un public qui va au-delà des experts et des universitaires.

De nouvelles façons d’atteindre le grand public

La BCE a accru la présence des membres du directoire à la télévision et à la radio

En 2022, la BCE a également poursuivi l’engagement qu’elle avait pris lors de l’examen de sa stratégie de politique monétaire d’étendre la portée de sa communication et de son engagement au-delà des marchés financiers et des experts pour se concentrer davantage sur le grand public. Sur la base des conclusions d’études internes montrant que la majorité des Européens (79 %) entendent parler de la BCE à la télévision et que la radio et les autres médias d’intérêt général jouent également un rôle très important, la BCE a concentré ses efforts sur ces médias en 2022. Cela s’est reflété dans une nette augmentation de la présence des membres du directoire de la BCE à la radio et à la télévision (graphique 11.2).

Graphique 11.2

Hausse des apparitions des membres du directoire de la BCE à la TV et à la radio

(en pourcentage de l’ensemble des reprises dans les médias)

Source : BCE.
Notes : Les activités des médias incluent les interviews des membres du directoire, les billets de blog, les contributions, les éditoriaux, les questions et réponses sur les médias sociaux ainsi que les podcasts. Les contributions succinctes et les messages vidéo sont exclus.

Dans la mesure où les jeunes en particulier accèdent de plus en plus aux informations au travers des canaux numériques, la BCE a également renforcé sa présence en ligne. Elle l’a fait en améliorant ses sites internet ainsi qu’en intensifiant ses activités et en utilisant de nouveaux formats sur diverses plateformes de médias sociaux, ce qui a entraîné une hausse continue du nombre d’abonnés.

Au vu des résultats de l’évaluation de la stratégie de politique monétaire, la BCE comptait aussi faire de l’engagement direct et de l’interaction avec le grand public une partie structurelle de sa communication – en d’autres termes, élargir sa communication à sens unique et inclure un dialogue bilatéral. À cette fin, le concept « La BCE à votre écoute » a évolué vers un nouveau format « ECB & You ». Celui-ci a pour objectif de permettre un dialogue direct entre les hauts représentants de la BCE et le public. Il vise à atteindre le plus grand nombre de personnes possible, par exemple par le biais de programmes télévisés adaptés dans les pays de la zone euro. Le premier événement de ce type dans un programme télévisé des Pays-Bas intitulé « College Tour » a donné à des étudiants néerlandais l’occasion d’interagir en direct avec la présidente Christine Lagarde sur une foule de sujets, y compris l’inflation, l’euro numérique, les crypto-actifs et des conseils de carrière.

Afin de toucher efficacement un plus large public, la BCE doit s’adresser à chacun dans sa propre langue. L’adoption d’une approche multilingue dans ses communications est la seule manière d’y parvenir. Pour ce faire, des parties significatives des sites internet de la BCE sont disponibles dans toutes les langues officielles de l’UE, y compris l’irlandais depuis 2022.

Donner accès à des documents représente une part essentielle de la politique de transparence de la BCE. En 2022, celle-ci a pris plusieurs initiatives visant à faciliter la soumission et le traitement des demandes d’accès du public à des documents de la BCE. En particulier, dans le prolongement des politiques et des pratiques proposées par le Médiateur européen pour rendre effectif le droit d’accès du public aux documents, la BCE a amélioré les informations disponibles sur sa page internet consacrée à l’accès aux documents en publiant son plan d’archivage et de conservation, ainsi que des informations succinctes sur les demandes d’accès du public reçues l’année précédente. S’agissant des recommandations relatives à l’enregistrement des sms et des messages instantanés envoyés/reçus par les membres du personnel à titre professionnel, la BCE a préparé des orientations à l’intention du personnel sur l’utilisation strictement limitée et l’enregistrement obligatoire des sms et des messages instantanés échangés à des fins professionnelles.

Aucun constat de mauvaise gestion dans le cadre du traitement par la BCE des demandes d’accès du public n’a été mis au jour par le Médiateur européen.

Afin de faciliter le traitement des demandes d’accès du public aux documents de la BCE au sein de la BCE, de l’Eurosystème et du Mécanisme de surveillance unique, le bureau de conformité et de gouvernance a développé un portail sur la transparence et l’accès aux documents, accessible au personnel de la BCE, des BCN et des ACN. Il offre un accès aisé au cadre juridique et aux procédures à suivre, ainsi qu’à des informations relatives à des affaires conclues. Il permet également de sensibiliser aux évolutions en matière de transparence au niveau de l’UE et au niveau international.

En 2022, la BCE a répondu à quelque 10 400 demandes de renseignements émanant de citoyens européens, soit une augmentation de 7 % par rapport à 2021. Les citoyens ont demandé des informations ou ont émis des commentaires sur un large éventail de thèmes, dont notamment l’inflation, les taux d’intérêt, la guerre menée par la Russie en Ukraine, le changement climatique, l’euro et les taux de change.

11.4 Permettre à nos collaborateurs d’exceller pour l’Europe

Après avoir travaillé principalement à distance pendant plus de deux ans, les membres du personnel de la BCE sont progressivement retournés au bureau et ont commencé à se préparer à une nouvelle manière de travailler. En vue de les soutenir pendant cette période, nous avons développé et adapté nos politiques et nos initiatives axées sur le personnel. Nous avons continué de mener des sondages auprès de nos collaborateurs afin d’évaluer leur bien-être, la cohésion d’équipe et leurs premières expériences du travail hybride. Comme nous avons migré vers un modèle de travail hybride, nous avons également renforcé nos efforts en termes de diversité et d’inclusion afin de créer un environnement de travail où tout le monde se sent en sécurité, valorisé et respecté pour sa personne.

Retour progressif au bureau

Le personnel de la BCE s’est préparé à un nouveau mode de travail

En mai 2022, les collaborateurs de la BCE sont entrés dans une phase de transition au cours de laquelle ils sont peu à peu retournés au bureau, sur la base d’une présence sur place de minimum huit jours par mois. Parallèlement, nous avons lancé un projet pilote intitulé « Hybrid Working Model » afin de recueillir les premières expériences du travail hybride. Environ 1 400 collaborateurs de six unités organisationnelles y ont participé. Les conclusions du projet pilote ainsi que les réactions partagées par le personnel de la BCE via différents canaux, une analyse comparative approfondie et plusieurs séries de consultations avec nos représentants du personnel ont été transposées dans la nouvelle politique de télétravail de la BCE. Cette nouvelle politique, entrée en vigueur le 1er janvier 2023, se démarque par sa flexibilité globale par rapport à d’autres organisations, en ce sens qu’elle permet aux collaborateurs de la BCE de télétravailler jusqu’à 110 jours par an (environ 50 % de leur temps de travail).

La BCE a interrogé ses collaborateurs

Afin de mieux comprendre le bien-être, la productivité, la cohésion et les premières expériences de nos collaborateurs concernant le travail hybride, nous avons continué de mener des sondages, lesquels ont obtenu un taux de participation d’environ 60 %. Si le bien-être de nos collaborateurs a continué de s’améliorer dans la première partie de l’année, il a reculé vers la fin de l’année malgré un plus grand sentiment de cohésion après le retour au bureau. Notre dernier sondage révèle que nos collaborateurs s’estiment bien équipés pour travailler de manière hybride, que 83 % d’entre eux se sentent fiers de travailler pour la BCE et que 72 % d’entre eux recommanderaient la BCE comme un excellent environnement de travail.

Formation et développement

Mise en place d’initiatives numériques en matière de développement du personnel

En 2022, nous avons proposé des initiatives en matière de formation pour accélérer la transformation numérique de nos activités, équiper nos collaborateurs pour le travail hybride et accompagner leur développement professionnel. À titre d’exemple, nous avons lancé un trajet d’apprentissage consacré à la dextérité numérique qui comprend des masterclasses et des formations en ligne adressées aux managers et à l’ensemble du personnel, et nous avons réintroduit un programme ayant pour objectif l’amélioration des aptitudes à diriger (Leadership Growth Programme) pour nos managers de la BCE. En plus de permettre à nos collaborateurs d’accéder à des outils de formation de la Commission européenne et d’autres institutions de l’UE, ainsi qu’à la plateforme LinkedIn Learning par le biais du portail d’apprentissage de la Commission « EU Learn », nous avons lancé EUREKA (« European Expertise & Knowledge Academy »), notre nouvelle plateforme d’apprentissage numérique. EUREKA promeut le partage de connaissances et la collaboration. Cette plateforme regroupe également les opportunités d’apprentissage et de mobilité au sein de la BCE en un seul endroit. Dès 2023, elle intégrera également les opportunités d’apprentissage et de mobilité dans d’autres institutions au sein du SEBC et du MSU.

La collaboration sur les questions de formation et de développement dans l’ensemble du système s’est améliorée

Nous recourons à la mobilité dans le but de stimuler la polyvalence et d’attirer des talents en leur offrant de nouvelles perspectives. Cela s’est révélé utile pendant la pandémie lorsque nous avons réaffecté les collaborateurs de la BCE bénéficiant de mobilité à leurs anciens domaines d’activité en réponse à des besoins opérationnels urgents. En 2022, la mobilité du personnel de la BCE entre les entités organisationnelles a légèrement reculé pour revenir à 4,3 % (par rapport à 4,5 % en 2021). La mobilité au sein du SEBC et du MSU a néanmoins progressé grâce à deux initiatives connexes : la relance du programme Schuman et un nouveau programme pilote intitulé « System-wide Virtual Teams » qui permettent aux collaborateurs tant de la BCE que d’autres institutions du SEBC et du MSU de prendre part à d’intéressants projets à distance (tableau 11.1).

Tableau 11.1

Projets de mobilité

Source : BCE.

Mesures adoptées pour soutenir les experts ukrainiens

La BCE a pris plusieurs mesures afin de soutenir les ressortissants ukrainiens après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Nous avons mis en place un stage pour des jeunes diplômés ukrainiens et proposé des contrats à court terme à des experts ukrainiens. En septembre 2022, nous avons accueilli 15 stagiaires ukrainiens et deux collaborateurs à court terme. Nous nous sommes également assurés que nos prestataires de garde d’enfants et de services d’hébergement étaient disponibles pour les réfugiés ukrainiens. En outre, nous nous sommes efforcés d’offrir des opportunités pour le personnel de la Banque nationale d’Ukraine.

Diversité et inclusion

Mesures prises pour attirer des talents diversifiés

Attirer des talents diversifiés est essentiel pour que la BCE puisse prendre les meilleures décisions possibles pour les citoyens au service desquels elle œuvre. Pour y parvenir, la BCE a participé à plusieurs salons de l’emploi en 2022, tels que ceux organisés par ADAN (Afro Deutsches Akademiker Netzwerk), le plus grand salon européen de l’emploi destiné aux personnes noires et de couleur, et EUROUT, la plus importante conférence d’affaires LGBTQ+ en Europe. Nous avons également lancé avec succès un stage pilote pour des candidats souffrant d’autisme.

Les efforts visant à améliorer la parité hommes-femmes ont été intensifiés

Nous avons continué de suivre nos progrès vers nos objectifs 2020-2026 en matière de genres grâce à de meilleurs tableaux de bord en termes de parité hommes-femmes. En 2022, la BCE a atteint son objectif visant à engager et à promouvoir des femmes dans au minimum 50 % des cas au niveau des cadres (ensemble des cadres et des hauts responsables). Cependant, les résultats ont été inférieurs de 6 à 10 points de pourcentage concernant les objectifs au niveau des responsables (d’équipe), des experts et des analystes. S’agissant de la part totale de femmes dans les groupes de bandes salariales pertinentes, les objectifs de 2022 ont été réalisés au niveau des cadres (ensemble des cadres et des hauts responsables) et des analystes. Cependant, les résultats ont été inférieurs de 2 points de pourcentage concernant les objectifs au niveau des responsables (d’équipe) et d’1 point de pourcentage au niveau des experts, respectivement (tableau 11.2). Nous continuerons d’intensifier nos efforts en vue de parvenir à une parité hommes-femmes.

Tableau 11.2

Objectifs de recrutement et proportion de femmes en 2022

Source : BCE.

Nous avons également mis en place des mesures supplémentaires axées sur le recoupement du genre avec d’autres aspects de la diversité, tels que l’âge, l’appartenance ethnique et le handicap. L’une d’elles a été le lancement de notre nouvelle version de la Bourse de la BCE destinée aux femmes.

La BCE s’est efforcée de créer une culture inclusive

À la BCE, nous nous efforçons de créer une culture d’entreprise où tous les collaborateurs se sentent inclus et respectés, et où les origines, expériences et compétences personnelles sont accueillies favorablement et valorisées. Afin de favoriser une telle culture et d’échanger avec nos collaborateurs sur ce sujet, nous avons poursuivi le déploiement de notre Programme d’inclusion en 2022. En plus de proposer des formations et des sessions d’apprentissage en ligne, nous avons mis sur pied plusieurs ateliers axés sur une attitude inclusive au sein des équipes. En outre, la présidente Christine Lagarde et les gouverneurs des 28 banques centrales nationales et autorités compétentes nationales ont signé une charte pour l’égalité, la diversité et l’inclusion en vue de promouvoir une culture reposant sur le respect, la dignité et l’inclusion au sein du SEBC et du MSU.

Les effectifs de la BCE en chiffres

1) Au 31 décembre 2022.
2) Collaborateurs détachés d’une banque centrale nationale du Système européen de banques centrales, d’institutions ou d’agences publiques européennes ou d’organisation internationales.
3) Fait uniquement référence aux membres effectifs permanents et aux collaborateurs titulaires d’un contrat à durée déterminée.
4) Renvoie à toute mobilité horizontale permanente ou temporaire entre les divisions ou les entités organisationnelles.
5) Renvoie à toute évolution permanente ou temporaire vers une bande salariale supérieure dans le cadre ou non d’une campagne de recrutement.
6) Fait uniquement référence aux membres du personnel permanent et aux membres occupant un poste à durée déterminée convertible.
7) Le tableau montre la proportion de membres du personnel de la BCE et de ses cadres par nationalité ; les membres du personnel qui possèdent plusieurs nationalités sont comptabilisés pour chaque nationalité déclarée. « Ensemble du personnel » fait référence à l’ensemble des collaborateurs, cadres compris, qui étaient occupés sous contrat à durée indéterminée, sous contrat à durée déterminée convertible ainsi que sous contrat à durée déterminée non convertible au 31 décembre 2022. « Cadres » renvoie aux bandes salariales I à M. Les totaux peuvent excéder 100 % en raison des arrondis. Les pays sont énumérés par ordre alphabétique des noms des pays dans leur langue nationale respective.

11.5 Relever les défis relatifs à l’environnement et au changement climatique

Les travaux de la BCE liés au changement climatique sont pilotés par son centre du changement climatique (climate change centre, CCC) sous l’égide du directoire

La BCE s’engage à apporter sa contribution dans la lutte contre le changement climatique et à remédier aux risques climatiques, dans les limites de son mandat. En 2021, la BCE a renforcé la gouvernance de ses travaux relatifs au changement climatique en créant le centre du changement climatique (climate change centre, CCC), lequel rend compte directement à la présidente de la BCE et informe régulièrement le directoire des priorités et des progrès enregistrés.

Le CCC conçoit et oriente la stratégie de la BCE en matière de climat et promeut les travaux relatifs au changement climatique en collaboration avec les parties prenantes internes et externes concernées. Des réunions régulières avec de hauts responsables de la BCE tiennent lieu de forum pour la coordination et l’échange d’informations.

Les considérations liées au changement climatique sont déjà intégrées dans les structures de gouvernance existantes de la BCE, par exemple dans son évaluation des risques liés au changement climatique, ainsi que dans les opérations de politique monétaire, les portefeuilles ne relevant pas de la politique monétaire, la stabilité financière et la gestion des risques opérationnels, chaque fois que cela est pertinent. En 2022, la BCE a en outre décidé d’adopter un cadre interne favorisant l’intégration des objectifs de la loi européenne sur le climat dans les politiques, les projets et les activités de la BCE, et de communiquer ces mesures dans le Rapport annuel. Un nouveau forum consacré au changement climatique a été mis sur pied au sein de l’Eurosystème afin d’approfondir la collaboration dans le cadre de l’échange d’informations et du renforcement des compétences, ainsi que pour promouvoir l’innovation dans les travaux relatifs au changement climatique. Les questions de politique liées au changement climatique continuent d’être traitées dans les comités de l’Eurosystème et du SEBC concernés.

La BCE a lancé son programme d’action pour le climat afin d’orienter ses travaux sur le changement climatique dans tous ses domaines de compétence

Le programme d’action pour le climat de la BCE a été créé en 2022 et définit les objectifs stratégiques, les priorités et une feuille de route concernant les travaux de la BCE dans ce domaine. Le programme d’action s’articule autour de trois objectifs stratégiques. Premièrement, la BCE gère et atténue les risques financiers liés au changement climatique et en évalue l’incidence sur l’économie. Deuxièmement, elle soutient une transition ordonnée vers une économie neutre en carbone avec des mesures qui s’inscrivent dans son mandat. Troisièmement, elle partage son expertise dans le but de promouvoir une action au-delà de la BCE. Le programme d’action pour le climat de la BCE sera régulièrement mis à jour et fournira des détails sur les activités favorisant la réalisation des objectifs stratégiques organisés autour de six axes prioritaires comme indiqué à la figure 11.1.

Figure 11.1

Les objectifs stratégiques du programme d’action pour le climat de la BCE

Source : BCE.
Note : Pour plus d’informations sur le programme d’action pour le climat de la BCE, cf. la page internet « La BCE et le changement climatique »

Domaines prioritaires dans le cadre des travaux liés au changement climatique

En 2022, la BCE a pris des mesures supplémentaires pour intégrer les questions liées au changement climatique dans ses activités dans le cadre de son mandat et en fonction des tâches à accomplir.

La BCE évalue les effets macroéconomiques du changement climatique et des politiques visant à l’atténuer, et accroît la disponibilité et la qualité des données relatives au climat

Les travaux analytiques menés par la BCE lui ont permis de continuer de mesurer les effets macroéconomiques du changement climatique et des politiques visant à l’atténuer sur l’inflation et l’économie réelle. Les projections macroéconomiques de décembre 2022 pour la zone euro établies par les services de l’Eurosystème ont inclus une évaluation de l’incidence macroéconomique des mesures budgétaires liées au changement climatique – telles que les taxes énergétiques – sur la croissance et l’inflation. Les principaux résultats ont été publiés dans le Bulletin économique. Les travaux analytiques ont notamment été axés sur l’évaluation des répercussions des événements climatiques extrêmes sur l’inflation. En outre, la BCE a enregistré des progrès en matière d’intégration des questions liées au changement climatique dans l’outil de modélisation macroéconomique.

L’Eurosystème a élaboré des indicateurs statistiques liés au climat, y compris des indicateurs expérimentaux relatifs aux instruments financiers durables et des indicateurs analytiques relatifs aux expositions des établissements financiers aux risques physiques et à l’empreinte carbone de leurs portefeuilles. Ces indicateurs seront encore affinés. Dans ce contexte, l’Eurosystème entend également accroître la disponibilité et la qualité des données relatives au climat, par exemple par l’évaluation et l’intégration de sources de données publiques aux fins de l’analyse du risque physique et de transition, et par l’acquisition de données commerciales afin de combler des lacunes de données existantes.

La BCE s’efforce d’améliorer l’évaluation des risques financiers liés au changement climatique

Afin d’améliorer l’évaluation des risques financiers liés au changement climatique, l’Eurosystème a mené en 2022 un premier test de résistance climatique de plusieurs expositions financières de son bilan. Les principaux résultats relatifs au portefeuille d’obligations d’entreprise ont été publiés en mars 2023 dans les informations financières relatives au climat de l’Eurosystème. L’Eurosystème a également mis au point des normes minimales communes pour intégrer les risques liés au changement climatique dans les systèmes internes d’évaluation du crédit des BCN concernant les garanties de l’Eurosystème, qui entreront en vigueur à la fin de 2024. L’analyse de la BCE a également fourni d’autres éléments relatifs à la nature systémique des risques climatiques et a plaidé en faveur de l’adaptation d’instruments de politique macroprudentielle existants dans le but d’atténuer ces risques pour le système financier [73].

Les risques liés au climat et à l’environnement sont davantage intégrés dans la supervision bancaire de la BCE et sont identifiés comme une priorité prudentielle pour la période 2023-2025. Des informations sur les principales actions prises en 2022 sont communiquées dans le Rapport annuel de la BCE sur ses activités prudentielles.

La BCE intègre les questions liées au changement climatique dans ses opérations de politique monétaire et évalue son incidence sur la politique monétaire

L’Eurosystème a adopté de nouvelles mesures visant à intégrer le changement climatique dans ses opérations de politique monétaire. Depuis octobre 2022, l’Eurosystème a commencé à décarboner ses avoirs en obligations d’entreprise dans ses portefeuilles de politique monétaire en orientant ses avoirs vers des émetteurs présentant de meilleurs résultats climatiques tels que mesurés par les émissions passées, par le niveau d’ambition des plans de réduction des émissions et par la qualité des déclarations.

Dans son dispositif de garanties, l’Eurosystème a par ailleurs décidé de limiter la part des actifs émis par des sociétés non financières à empreinte carbone élevée que les contreparties peuvent apporter en garantie dans le cadre d’emprunts auprès de l’Eurosystème. Cette limite s’appliquera d’ici fin 2024, sous réserve que les conditions techniques préalables requises soient réunies. En décembre 2022, la BCE a en outre tenu compte pour la première fois des risques liés au changement climatique lors de ses révisions régulières des décotes appliquées aux obligations d’entreprise utilisées comme garanties. L’examen des mesures de contrôle des risques de 2022 n’a pas révélé le besoin d’adapter le programme de décotes sur la base des questions climatiques, étant donné que le programme de décotes mis à jour protège déjà suffisamment contre les risques financiers liés au changement climatique. D’autres mesures du dispositif de garanties incluent l’introduction d’exigences d’éligibilité relatives à la publication d’informations, lesquelles devraient entrer en vigueur dès 2026, pour les entités soumises à la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive, CSRD) et l’amélioration de l’évaluation des risques susmentionnée.

La BCE analyse et alimente les débats visant à promouvoir la finance verte

Dans le domaine de la réglementation politique et financière, tant européenne qu’internationale, la BCE a activement pris part aux débats sur la finance durable dans des instances internationales, y compris le G7, le G20, le Conseil de Stabilité financière, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, les banques centrales et le Réseau pour le verdissement du système financier (Network for Greening the Financial System, NGFS), l’Autorité bancaire européenne et le Groupe consultatif pour l’information financière en Europe (European Financial Reporting Advisory Group, EFRAG). De cette manière, la BCE entend poursuivre le développement du cadre réglementaire pour faire face au changement climatique, améliorer l’évaluation des risques liés au climat et les scénarios climatiques, jouer le rôle de catalyseur afin d’optimiser la déclaration d’informations de son point de vue, remédier aux lacunes de données et finalement contribuer à promouvoir la finance verte dans les secteurs privé et public. Les travaux de la BCE dans le domaine de la finance durable et de la législation climatique de l’UE comprennent, par exemple, son Avis sur la proposition de refonte de la directive sur la performance énergétique des bâtiments et sa contribution au développement des normes européennes d’information en matière de durabilité en tant qu’observatrice du Conseil sur la déclaration durable de l’EFRAG. À l’échelle internationale, la BCE préside également le groupe de travail sur la conception et l’analyse de scénarios et le réseau des experts sur les questions juridiques du NGFS.

Dans sa déclaration environnementale pour 2022, la BCE a défini comment elle prévoit d’aligner ses activités sur l’Accord de Paris. Le plan vise à réduire les répercussions des déplacements et des conférences sur l’environnement et à échanger avec des fournisseurs par le biais d’outils fournis par des processus d’achat durables afin de gérer les effets tout au long de la chaîne de valeurs. Des progrès ont également été réalisés dans l’évaluation de l’éventuelle incidence environnementale de la deuxième série de billets en euros sur l’ensemble de leur cycle de vie. Sur la base des informations disponibles, des activités de recherche ont été mises en place et des politiques ont été introduites pour minimiser l’incidence environnementale des billets en euros, comme l’utilisation de coton durable pour le papier destiné à produire des billets, l’allongement de la durée de vie des billets en circulation et le recours à des méthodes de liquidation des billets usagés plus durables.

S’agissant de l’accroissement de la transparence, la BCE et l’Eurosystème ont publié en mars 2023 leurs premières déclarations financières en matière de climat des portefeuilles libellés en euros de la BCE et des BCN de l’Eurosystème ne relevant pas de la politique monétaire et du portefeuille d’obligations d’entreprise de l’Eurosystème à des fins de politique monétaire. Le rapport de la BCE sur les portefeuilles ne relevant pas de la politique monétaire explique la stratégie d’investissement de la BCE et présente les progrès accomplis pour décarboner ses fonds propres et les portefeuilles des fonds de pension du personnel.

12 Faisons connaissance

Changer de poste au sein de la BCE ou travailler temporairement pour une autre banque centrale ou une autre institution partenaire fait désormais partie intégrante du développement professionnel et personnel des employés de l’Eurosystème et du Système européen de banques centrales. Ces dispositifs de mobilité sont un outil précieux pour permettre au personnel d’élargir ses connaissances et ses compétences, tout en lui donnant la possibilité de contribuer par son expertise particulière à des projets majeurs ayant des répercussions au niveau européen.

Les récits suivants donnent un aperçu du large éventail des missions menées dans le cadre de différents dispositifs de mobilité.

Elena Bobeica, économiste-cadre, direction générale Questions économiques

Après avoir été temporairement affectée à la direction générale (DG) Secrétariat dans le cadre du programme de mobilité interne de la BCE, je suis revenue en 2022 au sein de la DG Questions économiques pour lancer un projet ambitieux. J’ai été chargée de codiriger un groupe d’experts issus de la BCE et de banques centrales nationales en vue d’étudier des questions relatives à la projection des coûts des logements occupés par leur propriétaire.

En effet, la mesure actuelle de l’inflation n’intègre que partiellement les coûts des services de logement des propriétaires liés à la possession, à l’entretien et à l’habitation de leur logement alors que ces charges représentent des postes de dépenses essentiels. Bien que l’intégration future de ces coûts dans l’indice des prix à la consommation harmonisé soit un projet pluriannuel qui relève du Système statistique européen, la projection de l’inflation et de ses composantes constitue l’une des missions principales d’une banque centrale.

Après avoir travaillé précédemment sur différents aspects des projections d’inflation, j’ai souhaité comprendre les défis liés à la projection des coûts des logements occupés par leur propriétaire et étudier les moyens d’y répondre. Interagir avec des collègues issus de banques centrales nationales s’est avéré particulièrement enrichissant. Nous avons travaillé en étroite collaboration sur ce projet et avons pu échanger diverses analyses et informations sur les spécificités propres à chaque pays. Ces contributions ont été très précieuses en raison du caractère hétérogène des marchés de l’immobilier résidentiel au sein de la zone euro. Cela nous a permis, à mon sens, de mieux appréhender les coûts liés aux logements occupés par leur propriétaire ainsi que les effets potentiels de leur inclusion dans l’IPCH au niveau des projections et du suivi.

Daniel Gybas, économiste senior, secrétariat du Réseau de banques centrales et autorités de surveillance pour le verdissement du système financier (Network of Central Banks and Supervisors for Greening the Financial System, NGFS)

Bien que la lutte contre le changement climatique constitue un enjeu mondial, qui nécessite de prendre des mesures à l’échelle planétaire, les banques centrales opèrent dans des contextes très différents. Ayant participé, en tant que membre de l’équipe de la DG Opérations de marché, à l’élaboration de l’approche initiale de la BCE quant à l’intégration du changement climatique dans son cadre de politique monétaire, j’étais curieux de comprendre comment d’autres banques centrales, dans des environnements différents, relevaient ce défi. Bénéficiant d’un dispositif spécial de mobilité entre banques centrales nationales de l’UE (programme Schuman), j’ai pu rejoindre le secrétariat du NGFS (assuré par la Banque de France), au sein duquel j’ai contribué au groupe de travail sur la politique monétaire. Mon champ d’activité est le verdissement des opérations de politique monétaire. Cela suppose de faciliter les échanges entre les banques centrales plus expérimentées, dont la BCE, et celles qui envisagent d’adapter leur cadre opérationnel pour tenir compte de la dimension climatique.

Cette mission très enrichissante m’a permis de recueillir des informations de première main sur les mesures et les initiatives des banques centrales, et de favoriser le partage des connaissances et de l’expérience entre institutions. Cette expérience, marquée par le déménagement de ma famille de Francfort vers la région parisienne, a également été l’occasion de m’épanouir sur un plan personnel et de me forger des souvenirs inoubliables.

Stefano Pagnano, expert senior en analyse des activités, direction générale Systèmes d’information

J’ai commencé ma carrière à la BCE au sein de la division Services gouvernance et transformation, où j’ai participé à la gouvernance informatique et à la transformation numérique. Au bout de quelques années, j’ai voulu apprendre à connaître la BCE sous un angle différent et mettre à profit mon expérience dans un nouveau contexte. Grâce à une offre de mobilité interne, j’ai rejoint en 2022 la division Données et services d’analyse de la DG Systèmes d’information. Ma nouvelle division travaille sur des plateformes de données et des applications analytiques de pointe qui aident la BCE à réaliser son objectif : devenir une organisation axée sur les données.

Je travaille actuellement sur une plateforme centralisée de collecte des données baptisée CASPER, qui automatise la transmission de données à la BCE de n’importe où dans le monde, en libre-service et dans des délais courts. Plus de 3 000 utilisateurs et 175 entités différentes s’en servent actuellement pour remplir leurs obligations de déclaration.

Dans le cadre de mes nouvelles fonctions, je participe à la gestion de projets et à l’analyse des activités. En collaboration avec mes collègues de la DG Statistiques, nous cherchons constamment des moyens d’améliorer nos services. Ainsi, ma nouvelle division a lancé un programme commun de gestion des données. Ce projet complexe vise à mettre en place une nouvelle plateforme de gestion et d’analyse des données pour l’ensemble des utilisateurs du SEBC et du MSU. De nombreux défis de transformation se posent à nous, mais notre esprit d’équipe et notre approche constructive font partie de nos atouts.

Cette expérience de mobilité s’est avérée enrichissante, tant sur le plan professionnel que personnel. Elle m’a permis de développer mon réseau et d’effectuer des missions innovantes avec ma double casquette, apportant à la fois un angle de vue différent grâce à mon statut de nouvel arrivant, mais aussi toute mon expérience de professionnel chevronné.

Meri Sintonen, économiste, direction générale Politique monétaire

J’ai rejoint la division Stratégie de politique monétaire de la BCE en 2022 à l’occasion d’un détachement de la Banque de Finlande (Suomen Pankki) dans le cadre d’une initiative de l’Eurosystème en faveur de la mobilité des services, appelée programme Schuman. Économiste spécialisée dans le domaine des paiements, je contribue, avec des collègues issus de différentes unités organisationnelles de la BCE, à l’analyse des effets d’un euro numérique sur la politique monétaire. Un euro numérique pourrait présenter plusieurs avantages. Selon son degré de substituabilité aux dépôts bancaires, cependant, il pourrait aussi avoir des retombées sur la politique monétaire et la stabilité financière.

Je participe à un projet dont l’objectif est d’établir des prévisions sur la demande potentielle pour un euro numérique en fonction de ses caractéristiques conceptuelles. Les conclusions de ces recherches pourront être utilisées pour évaluer les effets de l’introduction d’un euro numérique sur les dépôts bancaires et les avoirs en numéraire des ménages. Les enseignements qui en seront tirés permettront également de mieux comprendre comment les différents choix conceptuels influenceront la demande pour un euro numérique et de quelle manière la demande variera en fonction des caractéristiques des ménages et des pays de la zone euro.

Ce détachement m’a donné l’occasion unique de renforcer mes compétences, de développer mes réseaux, de mieux connaître la BCE et de contribuer à un projet incroyablement intéressant. Voir tant de talents œuvrer ensemble à la réalisation d’objectifs communs a été véritablement stimulant.

Comptes annuels

https://www.ecb.europa.eu/pub/annual/annual-accounts/html/ecb.annualaccounts2022~ee9329bf6f.fr.html

Bilan consolidé de l’Eurosystème au 31 décembre 2022

https://www.ecb.europa.eu/pub/annual/balance/html/ecb.eurosystembalancesheet2022~4a2e481250.fr.html

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La date d’arrêté des données figurant dans le présent Rapport est le 18 avril 2023 (les exceptions sont explicitement indiquées).

Pour la terminologie spécifique, veuillez consulter le glossaire de la BCE.
La traduction de ce Rapport a été effectuée par la Banque centrale européenne, la Banque de France et la Banque nationale de Belgique. En cas de divergence d’interprétation, seul le texte original fait foi.

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  1. Les données trimestrielles officielles relatives à l’investissement public n’étant pas disponibles, cette approximation alternative est largement utilisée dans les publications de la BCE.

  2. La volatilité est liée aux activités mondiales d’un nombre limité de grandes entreprises multinationales qui sont résidentes en Irlande et reflète des transferts internationaux fiscalement avantageux portant sur des actifs incorporels essentiellement sans lien avec le cycle d’activité. Ces transactions peuvent être de montants importants et irrégulières. Elles peuvent également être immédiates, l’investissement incorporel n’ayant pas besoin de temps pour être constitué.

  3. L’orientation budgétaire reflète la direction et l’ampleur de la relance des politiques budgétaires sur l’économie, au-delà de la réaction automatique des finances publiques au cycle conjoncturel. Pour plus de détails sur ce concept, cf. l’article intitulé « L’orientation budgétaire de la zone euro », Bulletin économique, n° 4, BCE, 2016.

  4. Cf. l’article intitulé « Politique budgétaire et forte inflation », Bulletin économique, n° 2, BCE, 2023.

  5. S’agissant de l’impact de la guerre sur le renchérissement des produits alimentaires, cf. l’encadré intitulé « L’accélération de la hausse des prix des produits alimentaires dans la zone euro et l’impact de la guerre entre la Russie et l’Ukraine », Bulletin économique, n° 4, BCE, 2022.

  6. Cf. l’encadré intitulé « Comparaison des évolutions du marché du travail dans la zone euro et aux États-Unis et de leur impact sur les salaires » dans l’article intitulé « Les évolutions des salaires et leurs déterminants depuis le début de la pandémie », Bulletin économique, n° 8, BCE, 2022.

  7. Cf. Antonopoulos (C.) et al., « The Greek labour market before and after the pandemic: Slack, tightness and skills mismatch », Economic Bulletin, Issue 56, Banque de Grèce, décembre 2022.

  8. Cf. « La BCE précise comment elle entend décarboner ses avoirs en obligations d’entreprise », communiqué de presse, BCE, 19 septembre 2022.

  9. Cf. l’encadré intitulé « La levée progressive des mesures d’assouplissement des garanties prises en réponse à la pandémie », Bulletin économique, n° 3, BCE, 2022.

  10. Cf. « The financial risk management of the Eurosystem’s monetary policy operations », BCE, juillet 2015.

  11. Cf. « FAQs on the corporate sector purchase programme and non-financial commercial paper », sur le site internet de la BCE, mis à jour le 22 février 2023.

  12. Cf. « La BCE prend de nouvelles mesures visant à intégrer le changement climatique à ses opérations de politique monétaire », communiqué de presse, BCE, 4 juillet 2022.

  13. Cf. la note explicative « D’où proviennent les bénéfices et les pertes de la BCE et des banques centrales nationales de la zone euro ? » BCE, mise à jour le 23 février 2023.

  14. L’article 5 du règlement MSU attribue un rôle important et des pouvoirs spécifiques à la BCE dans ce domaine, y compris le pouvoir d’appliquer des mesures plus strictes en matière de fonds propres si nécessaire.

  15. En 2022, 11 pays ont augmenté le coussin de fonds propres contracyclique (la Bulgarie, l’Allemagne, l’Estonie, l’Irlande, la France, la Croatie, Chypre, la Lituanie, les Pays-Bas, la Slovénie et la Slovaquie), tandis que le Luxembourg a maintenu un taux de coussin positif. S’agissant des coussins pour le risque systémique, deux pays (l’Allemagne et la Slovénie) ont introduit un coussin sectoriel et la Lituanie a maintenu un coussin sectoriel positif (la Belgique avait décidé fin 2021 de remplacer sa mesure des pondérations de risque pour l’immobilier résidentiel par un coussin sectoriel pour le risque systémique). L’Autriche a accru son coussin global pour le risque systémique, tandis que la Bulgarie et la Croatie ont maintenu les leurs à un niveau positif.

  16. La déclaration a également reconnu et approuvé l’alerte sur les vulnérabilités dans le système financier de l’UE émise par le Comité européen du risque systémique (CERS) le 22 septembre 2022 (cf. ci-après).

  17. « Enhancing macroprudential space in the banking union – report from the Drafting Team of the Steering Committee of the Macroprudential Forum », Annexe 2 de la réponse de la BCE à l’appel à conseils de la Commission européenne sur la révision du cadre macroprudentiel de l’UE, BCE, mars 2022.

  18. Par exemple, l’encadré 8 du numéro de mai se concentre sur la transmission et l’efficacité des mesures macroprudentielles relatives aux fonds propres.

  19. Le CERS est responsable de la surveillance macroprudentielle du système financier de l’UE, ainsi que de la prévention et de la réduction du risque systémique. Pour remplir son mandat, il utilise des soft powers, à savoir l’émission d’alertes et de recommandations.

  20. Cf. « Review of the EU Macroprudential Framework for the Banking Sector – response to the call for advice », CERS, mars 2022, « Review of the EU Macroprudential Framework for the Banking Sector – a Concept Note », CERS, mars 2022, et Wedow (M.) et al., « Making the EU macroprudential framework fit for the next decade », VoxEU column, 4 octobre 2022.

  21. Cf. « Mitigating systemic cyber risk », CERS, janvier 2022.

  22. Cf. « Report on the economic rationale supporting the ESRB Recommendation of 2 December 2021 on money market funds and assessment », CERS, janvier 2022.

  23. Cf. « EU Non-bank Financial Intermediation Risk Monitor », n° 7, CERS, juillet 2022.

  24. Cf. Équipe de projet conjointe BCE/CERS sur le suivi du risque climatique, « The macroprudential challenge of climate change », BCE, juillet 2022.

  25. Cf. « Vulnerabilities in the EEA commercial real estate sector », CERS, janvier 2023.

  26. Recommandation du Comité européen du risque systémique du 2 décembre 2021 sur la réforme des fonds monétaires (CERS/2021/9) (JO C 129 du 22.03.2022, p. 1) et Recommandation du Conseil européen du risque systémique du 2 décembre 2021 sur un cadre paneuropéen de coordination des cyberincidents systémiques pour les autorités concernées (CERS/2021/17) (JO C 134 du 25.03.2022, p. 1).

  27. Cf. « ESRB issues new warnings and recommendations on medium-term residential real estate vulnerabilities », communiqué de presse, CERS, 11 février 2022.

  28. Alerte du Comité européen du risque systémique du 22 septembre 2022 sur les vulnérabilités du système financier de l’Union (CERS/2022/7) (JO C 423 du 07.11.2022, p. 1).

  29. Recommandation du Comité européen du risque systémique du 1er décembre 2022 sur les vulnérabilités dans le secteur de l’immobilier commercial dans l’Espace économique européen (CERS/2022/9).

  30. Faisant usage du pouvoir dont elle dispose pour infliger des sanctions aux établissements de crédit soumis à la surveillance prudentielle, la BCE a sanctionné en 2022 la Banque et Caisse d’Épargne de l’État, Luxembourg pour une déclaration erronée de ses besoins en fonds propres. Le même jour, la BCE a sanctionné la Banque de Chypre pour le transfert de liquidité à ses filiales sans autorisation. En décembre 2022, la BCE a sanctionné ABANCA pour défaut de déclaration d’un cyberincident dans le délai prescrit.

  31. Pour plus de détails sur le règlement et la directive sur les exigences de fonds propres, cf. l’encadré 2, qui fournit également des liens vers les avis de la BCE sur les propositions de paquet bancaire.

  32. Cf. par exemple Elderson (F.), « Mind the gap, close the gap - the ECB’s views on the banking package reforms », The Supervision Blog, BCE, 28 avril 2022 et Campa (J.M.), (président de l’Autorité bancaire européenne), de Guindos (L.) et Enria (A.), « Strong rules, strong banks : let’s stick to our commitments », The Supervision Blog, BCE, 4 novembre 2022.

  33. Cf. « An EU financial system for the future », discours de Luis de Guindos, vice-président de la BCE, lors de la conférence conjointe de la BCE et de la Commission européenne sur l’intégration financière européenne, Francfort-sur-le-Main, 6 avril 2022.

  34. Cf. « Mind the liquidity gap : a discussion of money market fund reform proposals » et « Assessing the impact of a mandatory public debt quota for private debt money market funds », Bulletin macroprudentiel, n° 16, BCE, 21 janvier 2022.

  35. Cf. « Assessment of the Effectiveness of the FSB’s 2017 Recommendations on Liquidity Mismatch in Open-Ended Funds », CSF, 14 décembre 2022.

  36. Cf. « Enhancing the Resilience of Non-Bank Financial Intermediation - Progress report », CSF, 10 novembre 2022.

  37. Cf. CPMI et Conseil d’administration de l’OICV, « Application of the Principles for Financial Market Infrastructures to stablecoin arrangements », Banque des règlements internationaux et OICV, juillet 2022.

  38. Cf. l’avis de la Banque centrale européenne du 27 avril 2022 sur une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2013/36/UE en ce qui concerne les pouvoirs de surveillance, les sanctions, les succursales de pays tiers et les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (CON/2022/16) (JO C 248 du 30.06.2022, p. 87) et l’avis de la Banque centrale européenne du 24 mars 2022 sur une proposition de modification du règlement (UE) n° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences pour risque de crédit, risque d’ajustement de l’évaluation de crédit, risque opérationnel et risque de marché et le plancher de fonds propres (CON/2022/11) (JO C 233 du 16.06.2022, p. 14). La BCE a également publié un avis sur le troisième élément du paquet, cf. l’avis de la Banque centrale européenne du 13 janvier 2022 sur une proposition de modification du règlement (UE) n° 575/2013 concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement en ce qui concerne la résolution (CON/2022/3) (JO C 122 du 17.03.2022, p. 33).

  39. Cf. Ikeda (Y.) et al., « Covid-19 and bank resilience: where do we stand? », BIS Bulletin, n° 44, Banque des règlements internationaux, 22 juillet 2021.

  40. Processus visant à garantir que seuls les directeurs compétents et expérimentés sont nommés à des postes de direction d’une banque.

  41. Par exemple, une banque qui finance des entreprises opérant dans des secteurs affectés par la transition durable pourrait être confrontée à des risques significatifs en matière de pertes sur crédit et de résilience du modèles d’activité. Les dispositions législatives proposées garantiront que cette banque élabore un plan pour mesurer et gérer ces risques de manière proactive. Cela pourrait l’aider à identifier les opportunités pour atténuer les risques ESG, notamment en soutenant la transition et l’adaptation de ses clients les plus vulnérables.

  42. Au total, cinq incidents majeurs (non cybernétiques) liés aux technologies de l’information se sont produits en 2020, qui ont affecté les opérations de paiement et le traitement des titres des services TARGET. Cf. « La BCE publie une expertise indépendante relative aux incidents survenus dans TARGET en 2020 », communiqué de presse, BCE, 28 juillet 2021.

  43. TIBER-EU est le cadre européen de red teaming éthique des renseignements quant aux menaces. Il sert de guide à l’échelle de l’UE sur la manière dont les autorités, les entités, les fournisseurs de renseignements quant aux menaces et au red teaming devraient collaborer afin de tester et d’améliorer la cyber-résistance des entités en menant une cyberattaque contrôlée.

  44. Conformément à l’article 141, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, aux articles 17, 21.2, 43.1 et 46.1 des statuts du SEBC et à l’article 9 du règlement (CE) no 332/2002 du Conseil du 18 février 2002.

  45. Conformément aux articles 122, paragraphe 2, et 132, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, aux articles 17 et 21 des statuts du SEBC et à l’article 8 du règlement (UE) no 407/2010 du Conseil du 11 mai 2010.

  46. Conformément aux articles 17 et 21 des statuts du SEBC (conjointement avec l’article 10 du règlement (UE) 2020/672 du Conseil du 19 mai 2020 portant création d’un instrument européen de soutien temporaire à l’atténuation des risques de chômage en situation d’urgence (SURE) engendrée par la propagation de la COVID-19).

  47. Conformément aux articles 17 et 21 des statuts du SEBC (conjointement avec le règlement (UE) no 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience).

  48. Conformément aux articles 17 et 21 des statuts du SEBC (conjointement avec l’article 3, paragraphe 5, de l’accord-cadre régissant le FESF).

  49. Conformément aux articles 17 et 21 des statuts du SEBC (conjointement avec l’article 5.12.1 des conditions générales du MES relatives aux conventions d’assistance financière).

  50. Dans le contexte de l’accord de prêt entre les États membres ayant l’euro comme monnaie (autres que la Grèce et l’Allemagne) et le Kreditanstalt für Wiederaufbau (agissant dans l’intérêt public, dans le respect des instructions de la République fédérale d’Allemagne et sous le bénéfice de la garantie de la République fédérale d’Allemagne) en qualité de prêteurs, la République hellénique en qualité d’emprunteur et la Banque de Grèce en qualité d’agent de l’emprunteur, et en vertu des articles 17 et 21.2 des statuts du SEBC et de l’article 2 de la décision de la Banque centrale européenne du 10 mai 2010 relative à la gestion des prêts bilatéraux coordonnés en faveur de la République hellénique et modifiant la décision BCE/2007/7 (BCE/2010/4) (JO L 119 du 13.05.2010, p. 24).

  51. Orientation (UE) 2022/971 de la Banque centrale européenne du 19 mai 2022 relative à la base de données centralisée sur les titres et à la production de statistiques sur les émissions de titres et abrogeant l’orientation ECB/2012/21 et l’orientation (UE) 2021/834 (BCE/2022/25) (JO L 166 du 22.06.2022, p. 147).

  52. Règlement (UE) no 1333/2014 de la Banque centrale européenne du 26 novembre 2014 concernant les statistiques des marchés monétaires (BCE/2014/48) (JO L 359 du 16.12.2014, p. 97).

  53. Orientation (UE) 2022/747 de la Banque centrale européenne du 5 mai 2022 modifiant l’orientation 2012/120/UE relative aux obligations de déclaration statistique établies par la Banque centrale européenne en matière de statistiques extérieures (BCE/2011/23) (BCE/2022/23) (JO L 137 du 16.05.2022, p. 177).

  54. Un onglet supplémentaire intitulé « Focus on Russia » est également disponible dans le tableau de bord relatif à la balance des paiements et la position extérieure (en anglais).

  55. Pour plus d’informations, cf. « La Banque centrale européenne présente un plan d’action visant à inscrire les questions liées au changement climatique dans sa stratégie de politique monétaire », communiqué de presse, BCE, 8 juillet 2021.

  56. Cf. « Climate change-related indicators » sur le site internet de la BCE (en anglais).

  57. Cf. « La BCE avance vers l’harmonisation des déclarations statistiques afin d’alléger la charge pour les banques et d’améliorer l’analyse », communiqué de presse, BCE, 17 décembre 2021.

  58. Conformément à la décision relative à la transparence accrue des règlements de la BCE portant sur les statistiques européennes adoptée par le Conseil des gouverneurs en octobre 2016.

  59. Pour plus d’informations, cf. « Standardising banks’ data reporting » (IReF et BIRD) sur le site internet de la BCE.

  60. Cf. « The ESCB input into the EBA feasibility report under Article 430c of the Capital Requirements Regulation (CRR 2) », BCE, septembre 2020.

  61. Pour plus d’informations sur l’analyse des AIF, cf. « Non-bank financial intermediation in the euro area: implications for monetary policy transmission and key vulnerabilities », Occasional Paper Series, no 270, BCE, version révisée en décembre 2021.

  62. Cf. Laeven (L.) et Popov (A.), « Carbon taxes and the geography of fossil lending », Working Paper Series, no°2762, BCE, décembre 2022.

  63. Cf. Reghezza (A.), Altunbas (Y.), Marques-Ibanez (D.), Rodriguez d’Acri (C.) et Spaggiari (M.), « Do banks fuel climate change? », Working Paper Series, no°2550, BCE, mai 2021.

  64. Cf. De Haas (R.) et Popov (A.), « Finance and Green Growth », The Economic Journal, vol. 133, no°650, février 2023, p. 637-668.

  65. Cf. Hassler (J.), Krusell (P.) et Olovsson (C.), « Finite resources and the world economy », Journal of International Economics, vol. 136, no°103592, mai 2022.

  66. Cf. Hassler (J.), Krusell (P.) et Olovsson (C.), « Presidential Address 2020 Suboptimal Climate Policy », Journal of the European Economic Association, vol. 19, no°6, décembre 2021, p. 2895-2928.

  67. Affaires jointes C-597/18 P, C-598/18 P, C-603/18 P et C-604/18 P - ECLI:EU:C:2020:1028.

  68. Le Conseil de l’Union européenne, la Commission européenne, l’Eurogroupe et l’Union européenne.

  69. Cf. la lettre de Fabio Panetta adressée à Irene Tinagli, présidente de la commission ECON, concernant les progrès réalisés dans la phase d’étude d’un euro numérique, BCE, 14 juin 2022.

  70. Ces normes, élaborées par le Groupe consultatif pour l’information financière en Europe (European Financial Reporting Advisory Group, EFRAG), précisent les exigences en matière de publication d’informations par les entreprises sur un large éventail de sujets ESG.

  71. Cf. « La BCE publie des règles renforcées pour les opérations financières d’ordre privé effectuées par les responsables de haut niveau », communiqué de presse, BCE, 16 décembre 2022.

  72. Orientation (UE) 2021/2253 de la Banque centrale européenne du 2 novembre 2021 établissant les principes d’un cadre d’éthique professionnelle pour l’Eurosystème (BCE/2021/49) (JO L 454 du 17.12.2021, p. 7) et orientation (UE) 2021/2256 de la Banque centrale européenne du 2 novembre 2021 établissant les principes du cadre d’éthique professionnelle pour le mécanisme de surveillance unique (BCE/2021/50) (JO L 454 du 17.12.2021, p. 21).

  73. Cf. « The macroprudential challenge of climate change », rapport conjoint établi par l’équipe de projet BCE/CERS sur le suivi du risque climatique, juillet 2022.