Vue d’ensemble
Les projections macroéconomiques établies par les services de la BCE ont été finalisées début mars 2023, avant l’émergence des récentes tensions sur les marchés financiers. Ces tensions sont une source d’incertitude supplémentaire pour les perspectives d’inflation et de croissance économique.
La croissance dans la zone euro s’est nettement ralentie au second semestre 2022, pour finalement stagner au quatrième trimestre[1]. Toutefois, dans un contexte de sécurisation croissante des approvisionnements énergétiques, les prix de l’énergie ont sensiblement diminué, la confiance s’est améliorée et l’activité devrait se redresser légèrement à court terme. La baisse des prix de l’énergie permet désormais d’alléger quelque peu les coûts, en particulier pour les secteurs grands consommateurs d’énergie, et les goulets d’étranglement au niveau de l’offre mondiale se sont largement dissipés. Le marché de l’énergie devrait poursuivre son rééquilibrage et les revenus réels s’améliorer. Avec le renforcement également de la demande extérieure et sous réserve de l’atténuation des tensions qui s’exercent actuellement sur les marchés financiers, la croissance de la production devrait rebondir à compter de mi-2023, étayée par la robustesse des marchés du travail. Pourtant, la normalisation en cours de la politique monétaire de la BCE et les nouvelles hausses de taux anticipées par les marchés se répercuteront de plus en plus sur l’économie réelle, avec des effets modérateurs supplémentaires résultant du récent durcissement des conditions d’offre de crédit. Cette situation, conjuguée au retrait progressif du soutien budgétaire et à certaines inquiétudes persistantes quant aux risques relatifs à l’approvisionnement en énergie l’hiver prochain, pèsera sur la croissance économique à moyen terme. Dans l’ensemble, la croissance annuelle moyenne du PIB en volume devrait marquer le pas pour s’établir à 1,0 % en 2023 (après 3,6 % en 2022), avant de rebondir à 1,6 % en 2024 et 2025. Par rapport aux projections macroéconomiques de décembre 2022 établies par les services de l’Eurosystème, les perspectives de croissance du PIB ont été revues en hausse de 0,5 point de pourcentage pour 2023 en raison d’un effet d’acquis résultant des bonnes surprises du second semestre 2022 et d’une amélioration des perspectives de court terme. Pour 2024 et 2025, ces projections ont été révisées à la baisse de 0,3 point de pourcentage et 0,2 point de pourcentage, respectivement, l’incidence du durcissement des conditions de financement et de la récente appréciation de l’euro contrebalançant les effets positifs de la baisse de l’inflation sur le revenu et la confiance.
L’ajustement marqué des marchés de l’énergie s’est traduit par une atténuation significative des tensions sur les prix, et l’inflation devrait désormais se ralentir à un rythme plus rapide. Les prix de l’énergie, dont la hausse a culminé à plus de 40 % l’automne dernier, devraient refluer au second semestre 2023 sous l’effet des prix des matières premières, qui ont atteint des niveaux inférieurs à ceux observés pour la dernière fois avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, d’importants effets de base et de l’appréciation du taux de change de l’euro. Compte tenu des perspectives plus favorables en matière de prix des matières premières énergétiques, les mesures budgétaires devraient jouer un rôle un peu moins notable dans la baisse des prix de l’énergie en 2023 et le retrait de celles-ci entraîner un rebond plus modeste de l’inflation énergétique en 2024. Les taux d’inflation des autres composantes de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) devraient commencer à se tasser légèrement par la suite, dans la mesure où les tensions en amont liées aux répercussions des coûts, en particulier concernant le renchérissement des produits alimentaires, ainsi que les effets persistants des goulets d’étranglement antérieurs au niveau de l’offre et de la réouverture de l’économie, subsisteront à court terme. L’inflation globale devrait revenir en dessous de 3,0 % d’ici fin 2023 et se stabiliser à 2,9 % en 2024, avant de poursuivre sa décélération pour s’établir à l’objectif d’inflation de 2,0 % au troisième trimestre 2025, avec une moyenne de 2,1 % sur l’année. Contrairement à l’inflation globale, l’inflation sous-jacente, mesurée par la hausse de l’IPCH hors énergie et produits alimentaires, sera, en moyenne, plus élevée en 2023 qu’en 2022 en raison des effets indirects différés des prix élevés de l’énergie passés et de la forte dépréciation antérieure de l’euro, qui resteront des facteurs prédominants à court terme. Les effets sur l’inflation sous-jacente des baisses plus récentes des prix de l’énergie et de l’appréciation récente de l’euro ne se feront sentir que plus tard au cours de l’horizon de projection. Le ralentissement anticipé de l’inflation à moyen terme reflète également l’incidence progressive de la normalisation de la politique monétaire. Néanmoins, compte tenu des tensions sur les marchés du travail et des effets de compensation dus à l’inflation, les salaires devraient croître à des taux nettement supérieurs aux moyennes de long terme et s’établir d’ici la fin de l’horizon de projection à des niveaux proches de ceux du premier trimestre 2022 en termes réels. Par rapport aux projections de décembre 2022, l'inflation globale a été revue à la baisse sur l’ensemble de l’horizon de projection (-1,0 point de pourcentage pour 2023, -0,5 point de pourcentage pour 2024 et -0,2 point de pourcentage pour 2025). L’ampleur de la révision baissière pour 2023 s’explique par d’importantes surprises à la baisse liées à l’augmentation des prix de l’énergie ces derniers mois et à des hypothèses bien plus faibles pour les prix de l’énergie, partiellement compensées par des évolutions haussières non anticipées concernant la progression de l’IPCH hors énergie et produits alimentaires. Pour 2024 et 2025, les révisions à la baisse reflètent une moindre incidence du retrait des mesures budgétaires sur la hausse des prix de l’énergie, une atténuation plus marquée des effets indirects et des répercussions croissantes de l’appréciation récente de l’euro.
Tableau
Projections de croissance et d’inflation dans la zone euro
L’incertitude entourant les projections est élevée, la finalisation de ces données étant antérieure aux récentes tensions sur les marchés financiers et à l’accentuation des risques liés à une nouvelle dégradation des conditions générales du crédit et à une détérioration de la confiance. D’autres facteurs de risque concernent l’incidence macroéconomique des politiques monétaire et budgétaires dans la zone euro, l’accroissement des effets de second tour sur les salaires et l’inflation, la politique monétaire internationale et les prix des matières premières énergétiques, qui pourraient, à leur tour, refléter la réouverture de l’économie chinoise et des pénuries de gaz potentielles en Europe l’hiver prochain. Étant donné l’incertitude élevée qui entoure les perspectives, les projections relatives à la croissance et à l’inflation sont présentées conjointement avec des plages d’incertitude symétriques (cf. graphiques 1 et 4), qui sont expliquées dans l’encadré 6. En outre, le présent exposé inclut un scénario évaluant les conséquences d’un rebond potentiellement plus fort de l’économie chinoise (cf. encadré 3) et une série d’analyses de sensibilité liées à différentes trajectoires concernant les prix des matières premières énergétiques (cf. encadré 4).
1 Économie réelle
La croissance dans la zone euro a stagné au quatrième trimestre 2022, la consommation reculant sous l’effet d’une forte incertitude, du niveau élevé des prix de l’énergie et d’une faible confiance. Elle a toutefois poursuivi une évolution favorable inattendue du fait de la baisse des importations (cf. graphique 1). La croissance a été supérieure de 0,2 point de pourcentage à l’évolution anticipée dans les projections de décembre 2022, sous l’effet d’une contribution plus positive des exportations nettes, reflétant en partie la clémence des conditions météorologiques et la baisse de la demande d’importations de produits énergétiques, et d’une dissipation plus rapide des perturbations des chaînes d’approvisionnement. La production industrielle a diminué en fin d’année, principalement du fait des secteurs sensibles à l’énergie, en dépit des arriérés de commandes existants et de l’atténuation des goulets d’étranglement au niveau de l’offre. Les indicateurs tirés d’enquêtes signalent un ralentissement généralisé de la croissance au quatrième trimestre dans l’ensemble des secteurs.
La croissance du PIB devrait être légèrement positive au premier trimestre 2023 et se renforcer au deuxième trimestre 2023 à mesure de la dissipation des goulets d’étranglement au niveau de l’offre, de la poursuite du ralentissement de l’inflation et de la levée des incertitudes relatives à l’approvisionnement en énergie. Bien que la surprise positive observée au quatrième trimestre 2022 soit largement imputable à une baisse des importations et ne signale donc pas nécessairement un renforcement de la dynamique de croissance sous-jacente, l’embellie des perspectives relatives à l’offre et aux prix de l’énergie a contribué à atténuer l’incertitude vers la fin du trimestre. Dans ce contexte, la confiance et les anticipations des consommateurs et des entreprises se sont récemment améliorées. L’indice composite des directeurs d’achat pour la production a augmenté en février pour atteindre son plus haut niveau en neuf mois, à 52,3, et évolue en territoire positif tant pour le secteur manufacturier que pour les services. Cela étant, l’incidence défavorable de l’inflation sur le revenu réel disponible devrait empêcher toute augmentation notable des dépenses des ménages en début d’année en dépit d’un soutien budgétaire toujours robuste. Moins de la moitié de l’important surplus d’épargne accumulé pendant la pandémie est liquide[2]. En outre, ce surplus est majoritairement concentré au sein des ménages les plus aisés, ce qui contraint son rôle dans l’amortissement des effets des chocs défavorables sur le revenu réel[3]. Dans l’ensemble, le PIB en volume devrait augmenter de 0,1 % au premier trimestre 2023 et de 0,3 % au deuxième trimestre (après une révision en hausse de 0,2 point de pourcentage pour ces deux trimestres par rapport aux projections de décembre 2022).
À partir du second semestre 2023, la croissance du PIB devrait s’accélérer sous l’effet de l’augmentation des revenus réels et du renforcement de la demande extérieure, quoique tempérée par le durcissement des conditions de financement, et sous réserve de l’atténuation des tensions actuelles sur les marchés financiers. La croissance devrait se renforcer tout au long de 2023 et se stabiliser en 2024-2025 à des niveaux légèrement supérieurs à sa moyenne de long terme d’avant la pandémie. Ce scénario intègre une dissipation des goulets d’étranglement au niveau de l’offre, mais également la résorption des chocs d’offre, l’amélioration de la confiance et la baisse de l’incertitude liée aux futures factures énergétiques vers la fin de l’année 2022-2023. La croissance devrait également être soutenue par une atténuation des tensions inflationnistes, qui permettrait un redressement du revenu réel disponible et de la consommation. En outre, la demande extérieure se raffermira dans un contexte marqué par des prix mondiaux de l’énergie nettement inférieurs aux projections antérieures. Toutefois, l’impulsion positive résultant de ces facteurs favorables sera freinée par le resserrement des conditions de financement, la hausse des taux d’intérêt encourageant également l’épargne des ménages, ainsi que par l’appréciation de l’euro, le retrait progressif des mesures de soutien budgétaire et les inquiétudes persistantes quant au rééquilibrage harmonieux du marché de l’énergie à moyen terme.
Le durcissement des conditions de financement devrait avoir une incidence négative sur la croissance, tandis que les mesures budgétaires discrétionnaires exerceraient un effet globalement neutre en 2023 et légèrement restrictif par la suite. Les modifications antérieures des taux d’intérêt et des anticipations extraites des instruments de marché à la date d’arrêté des projections (intégrées dans les hypothèses techniques relatives aux projections, cf. encadré 1) auront une incidence négative sur la croissance du PIB, en particulier en 2023 et 2024. Par ailleurs, dans la dernière enquête de la BCE sur la distribution du crédit bancaire dans la zone euro, les banques ont fait état d’un nouveau durcissement substantiel des critères d’octroi et des modalités et conditions d’attribution des prêts aux entreprises au quatrième trimestre 2022, le plus important signalé depuis la crise de la dette souveraine dans la zone euro. Les banques ont également prévu un durcissement net d’une ampleur similaire pour le premier trimestre 2023. En outre, les critères d’octroi des prêts aux ménages devraient poursuivre leur resserrement. Même si une restriction du crédit bancaire devrait peser tout particulièrement sur l’investissement résidentiel et l’investissement des entreprises, cette incidence sera dans une certaine mesure modérée par le fait que la situation financière des ménages et des entreprises est à l’heure actuelle beaucoup plus favorable que par le passé. Les mesures budgétaires adoptées par les gouvernements des pays de la zone euro pour compenser le niveau élevé des prix de l’énergie et de l’inflation ont globalement neutralisé l’incidence négative du retrait de mesures antérieures liées à la pandémie de coronavirus (COVID-19) et à la relance économique en 2023. Comme de nombreuses mesures liées à l’énergie devraient être retirées par la suite, le soutien budgétaire pourrait exercer une incidence négative de l’ordre de 0,3 à 0,4 point de pourcentage sur la croissance en 2024-2025 (cf. section 2).
Tableau 1
Projections macroéconomiques pour la zone euro
S’agissant des composantes du PIB, la consommation réelle des ménages devrait se redresser progressivement sur l’horizon de projection, à mesure que la baisse du revenu réel induite par l’inflation ralentira et que les fortes incertitudes entourant l’approvisionnement énergétique s’atténueront. La contraction enregistrée au dernier trimestre 2022 s’explique essentiellement par un recul de la consommation de biens non durables et semi-durables (qui incluent l’énergie et les produits alimentaires), tandis que les dépenses en biens durables ont continué de s’accroître, reflétant un allègement des contraintes pesant sur l’offre dans le secteur automobile et certaines subventions publiques soutenant l’achat de véhicules électriques. La consommation privée devrait progresser modérément en 2023, en phase non seulement avec le ralentissement de l’inflation et la diminution de l’incertitude relative à la sécurité et aux tarifs énergétiques mais aussi avec la reprise de la confiance, sous l’effet également des mesures budgétaires. À plus long terme, à mesure que l’inflation et l’incertitude entourant l’approvisionnement énergétique continueront de se dissiper et que les revenus réels s’amélioreront, le regain de la consommation devrait se poursuivre, à un rythme un peu plus élevé que le revenu réel disponible. Par rapport aux projections de décembre 2022, la consommation privée est inchangée pour 2023 tandis qu’elle est légèrement révisée à la baisse à moyen terme en raison des effets du durcissement des critères d’octroi de crédit et de la hausse des taux d’intérêt.
Principalement en raison de l’inflation élevée, le revenu réel disponible devrait stagner en 2023 mais rebondir au cours des dernières années de l’horizon de projection, soutenu par la résistance des marchés du travail et la forte croissance des salaires nominaux. Selon les estimations, le revenu réel disponible aurait légèrement diminué en 2022, du fait de la forte hausse des prix et d’une contribution négative des transferts budgétaires nets globaux aux ménages. Ces évolutions refléteraient le retrait des mesures de soutien liées à la pandémie, malgré la bonne tenue des marchés du travail et les décisions budgétaires supplémentaires de compensation des prix élevés de l’énergie. En 2023, dans un contexte caractérisé par la persistance d’une inflation élevée, quoique en cours de décélération, le revenu réel disponible devrait stagner et traduire également une contribution plus faible des revenus du travail et hors travail compensant largement une croissance plus marquée des salaires, compte tenu d’un soutien budgétaire globalement neutre. L’inflation devant encore ralentir et la reprise économique se renforcer, le revenu réel disponible devrait progresser à nouveau en 2024 et 2025 pour dépasser nettement son niveau d’avant la pandémie.
En 2023, le taux d’épargne des ménages devrait revenir à un niveau proche de celui enregistré avant la pandémie, et se maintenir globalement par la suite, n’apportant qu’un soutien supplémentaire restreint à la consommation privée. Le taux d’épargne a diminué en 2022, le comportement des consommateurs s’étant largement normalisé avec l’assouplissement des restrictions liées à la pandémie. Au dernier trimestre 2022, il a probablement légèrement augmenté, en raison de la forte incertitude et malgré la nécessité d’amortir la consommation compte tenu de la détérioration du pouvoir d’achat. Il devrait décroître en 2023, contribuant dans une certaine mesure à lisser la consommation, dans un environnement de stagnation du revenu réel disponible. En 2024 et 2025, il devrait largement se stabiliser à des niveaux proches de ceux observés avant la pandémie. En effet, les pressions à la baisse exercées par la dissipation des incertitudes liées à l’énergie et le reflux de l’inflation, qui devraient doper le revenu réel, seraient globalement contrebalancées par des tensions haussières résultant des relèvements de taux d’intérêt. Par ailleurs, malgré les réductions observées, l’important excédent d’épargne accumulé durant la pandémie ne devrait pas stimuler véritablement la consommation.
Encadré 1
Hypothèses techniques concernant les taux d’intérêt, les prix des matières premières et les cours de change
Par rapport aux projections de décembre 2022, les hypothèses techniques actuelles tablent sur un durcissement des conditions de financement, un recul des cours du pétrole, une nette baisse des prix de gros du gaz et de l’électricité et une appréciation de l’euro. Les hypothèses techniques concernant les taux d’intérêt et les prix des matières premières sont fondées sur les anticipations des marchés, arrêtées au 15 février 2023. Les taux d’intérêt à court terme font référence à l’EURIBOR trois mois et les anticipations des marchés sont déduites des taux à terme, tandis que les rendements des emprunts publics à dix ans sont utilisés pour estimer les taux d’intérêt à long terme[4]. Les taux à court et à long terme ont augmenté depuis la date d’arrêté des projections de décembre 2022 et, par rapport à celles-ci, leurs trajectoires ont été révisées à la hausse de 40 à 50 points de base en raison des nouvelles augmentations des taux directeurs de la BCE et des effets de contagion des politiques monétaires menées dans d’autres juridictions.
Tableau
Hypothèses techniques
Malgré la réouverture de l’économie chinoise, les hypothèses techniques relatives aux prix du pétrole ont été légèrement révisées à la baisse du fait de la contraction de la demande et des effets limités des nouvelles sanctions imposées à la Russie[5]. Le ralentissement économique mondial a continué de peser sur les cours du pétrole sous la forme d’une baisse de la demande de pétrole, tandis que la réouverture de l’économie chinoise entraîne un accroissement de la demande attendue à partir du deuxième trimestre 2023. L’Agence internationale de l’énergie prévoit que la demande chinoise de pétrole augmente de 0,9 million de barils par jour en 2023 (soit environ 0,9 % de l’offre mondiale), dans un contexte de recul de la demande au premier trimestre, après une recrudescence des cas de COVID-19 immédiatement après la réouverture de l’économie. Les inquiétudes relatives à l’offre de pétrole ont également exercé des pressions sur les cours, même si les marchés ont été rassurés par les faibles effets produits jusqu’à présent par l’embargo de l’UE et le plafonnement des prix du pétrole brut russe opéré par le G7 sur le marché mondial du pétrole. Dans le même temps, l’accélération de la production au Kazakhstan et au Nigéria a également soutenu l’offre mondiale de pétrole depuis les projections de décembre 2022. Depuis ces projections, la courbe des contrats à terme sur le pétrole s’est déplacée vers le bas (de 4,3 % pour 2023, de 2,3 % pour 2024 et de 2,7 % pour 2025) pour rester en situation de déport (backwardation). Le cours du pétrole devrait s’établir à 83 dollars le baril en 2023 et revenir à 74 dollars le baril en 2025.
Les prix de gros du gaz et de l’électricité ont continué de chuter fortement en deçà des niveaux observés avant la guerre en Ukraine, tandis que la trajectoire escomptée des prix des quotas d’émission de carbone négociés dans le cadre du système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SEQE UE) s’est redressée. Les niveaux exceptionnellement élevés des stocks de gaz ont apaisé les inquiétudes entourant la sécurité de l’approvisionnement en gaz en Europe cet hiver. Le remplacement réussi du gaz russe par du gaz naturel liquéfié (GNL) a aidé l’Europe à remplir ses stocks de gaz avant l’hiver. En raison de la faible demande due à un hiver particulièrement doux et des mesures efficaces d’économie de gaz mises en place par l’UE, les niveaux des stocks sont restés élevés depuis lors. Ces importantes réserves permettront également à l’UE d’être mieux à même de garantir l’approvisionnement en gaz avant l’hiver 2023-2024. Les nouvelles projections comportent une forte correction à la baisse des hypothèses relatives aux prix du gaz intégrées dans les hypothèses techniques des projections de décembre 2022 : 52,7 % pour 2023, 37,6 % pour 2024 et 26,2 % pour 2025. Les prix des contrats à terme sur les marchés de gros de l’électricité ont également été considérablement revus à la baisse, reflétant la modification des hypothèses ayant trait aux prix du gaz. En ce qui concerne les quotas d’émission de carbone de l’UE négociés dans le cadre du SEQE, la trajectoire escomptée fondée sur les contrats à terme a été sensiblement corrigée à la hausse (de 18 %) depuis les projections de décembre 2022. Entre autres facteurs, cette révision reflète un cycle économique plus résistant que précédemment anticipé par les marchés. La volatilité accrue des prix des quotas du SEQE traduit également l’incertitude liée à la guerre en Ukraine ainsi que les implications, sur les prix, de la proposition des ministres des Finances de l’UE d’anticiper la vente des certificats d’émission à partir de ce printemps.
Les taux de change bilatéraux devraient rester stables sur l’horizon de projection, aux niveaux moyens relevés pendant les dix jours ouvrés précédant la date d’arrêté. Cette hypothèse implique un cours de change moyen de l’euro vis-à-vis du dollar de 1,08 sur la période 2023-2025, en hausse de 4,7 % par rapport aux projections de décembre 2022. L’hypothèse relative au taux de change effectif de l’euro suppose une appréciation d’environ 2 % par rapport aux projections de décembre 2022.
L’investissement dans l’immobilier résidentiel devrait continuer de diminuer nettement à court terme et rester faible sur l’horizon de projectiondu fait du durcissement des conditions de financement et de la stagnation du revenu réel disponible. La hausse des taux hypothécaires et un net resserrement des critères d’octroi de crédit, la réduction du pouvoir d’achat des ménages et la persistance de coûts de construction élevés continueront de peser lourdement sur l’investissement dans l’immobilier résidentiel à court terme. Entamé au deuxième trimestre 2022, son recul prolongé se poursuivra donc, pour n’atteindre un plancher que vers fin 2024. Cette évolution est globalement conforme aux dernières données de l’indice des directeurs d’achat concernant les anticipations des entreprises du secteur de la construction pour les douze prochains mois, qui se sont légèrement redressées en janvier mais sont demeurées bien inférieures au seuil délimitant la frontière entre expansion et contraction. La croissance de l’investissement dans l’immobilier résidentiel devrait redevenir positive en 2025, soutenue par la hausse du revenu réel disponible et les effets moins négatifs du Q de Tobin[6]. Toutefois, dans la mesure où les taux hypothécaires devraient rester élevés, la progression de l’investissement dans l’immobilier résidentiel resterait faible.
L’investissement des entreprises devrait être atone en 2023, puis se redresser en 2024-2025, mais à un rythme modéré compte tenu du durcissement des conditions de financement. L’investissement des entreprises s’est contracté au quatrième trimestre 2022, en grande partie à travers un effet de base attendu lié à une hausse considérable de l’investissement en droits de propriété intellectuelle en Irlande au trimestre précédent. Même sans tenir compte de l’Irlande, l’investissement des entreprises de la zone euro devrait encore avoir reculé au quatrième trimestre, reflétant la persistance de l’incertitude, l’atonie de la demande, l’amplification des inquiétudes entourant les prix de l’énergie et l’approvisionnement énergétique ainsi que la forte augmentation des taux d’intérêt et l’accentuation des contraintes de financement. L’investissement des entreprises devrait rester globalement faible en 2023, mais suivre une dynamique de reprise au cours de l’année. Les données disponibles relatives au secteur des biens d’équipement pour le premier trimestre indiquent que le mouvement de forte contraction des nouvelles commandes constaté fin 2022 a commencé à s’inverser et que la production semble repartir à la hausse dans ce secteur. Il ressort des contacts avec les entreprises que les efforts de remplacement et de rationalisation en cours et, plus largement, les progrès vers une numérisation accrue et l’écologisation des processus de production, constituent d’importants moteurs des plans d’investissement en 2023, soutenus par les fonds au titre du programme NGEU. Dans l’ensemble, la croissance de la formation brute de capital fixe totale a été révisée à la baisse sur l’ensemble de l’horizon par rapport aux projections de décembre 2022, l’incidence de l’accroissement des coûts de financement et du durcissement de l’offre de crédit pesant de plus en plus sur la dynamique de l’investissement.
Encadré 2
L’environnement international
L’activité économique mondiale devrait rester modérée au cours des premiers mois de 2023 et, alors que la réouverture en Chine soutiendrait l’économie internationale dans le courant de l’année, la croissance mondiale demeurerait relativement contenue sur l’ensemble de l’horizon de projection. Les données d’enquêtes disponibles continuent d’indiquer qu’un ralentissement généralisé est en cours. La contraction de la production manufacturière mondiale s’est poursuivie en janvier. En outre, tandis que le rythme de contraction déclaré s’est légèrement modéré par rapport au mois de décembre, la production dans le secteur manufacturier reste faible au regard des évolutions de très long terme dans les principales économies, freinée par l’inflation élevée, le resserrement de la politique monétaire et de fortes incertitudes géopolitiques. La croissance du PIB mondial en volume (hors zone euro) devrait ressortir en baisse, à 3,0 %, cette année, après une estimation de 3,3 % pour 2022. S’agissant de 2024 et 2025, une accélération progressive de la croissance est escomptée, avec des taux de 3,2 % et 3,3 % respectivement, au fur et à mesure du reflux de l’inflation et de la réouverture de la Chine. Par comparaison avec les projections de décembre 2022, la croissance du PIB mondial en volume a été révisée à la hausse, de 0,4 point de pourcentage pour 2023 et de 0,1 point de pourcentage pour 2024, mais reste inchangée pour 2025. L’un des principaux facteurs à l’origine de ces révisions est l’amélioration des perspectives pour la Chine, étant donné que les perturbations liées à la pandémie survenues au tournant de l’année devraient laisser place à une reprise plus rapide par la suite, lorsque l’économie sera moins contrainte par le risque de nouveaux confinements. En dépit de ces révisions, les perspectives pour la Chine sont soumises à des risques à la hausse, avec des répercussions possibles sur les cours mondiaux des matières premières et sur la demande étrangère adressée à la zone euro (cf. encadré 3). L’accélération de la croissance aux États-Unis, empreinte également toutefois d’une incertitude accrue, et un ralentissement plus modéré de la croissance en Russie devraient apporter un soutien supplémentaire à l’économie mondiale cette année. Les perspectives de croissance moins négatives en Russie reflètent dans une large mesure les effets de report exercés par une amélioration inattendue des données. Les services de la BCE estiment que l’incidence des sanctions adoptées en fin d’année dernière et de celles devant être mises en œuvre au premier trimestre 2023 demeurerait considérable, quoique légèrement moindre que ce qui ressortait des projections de décembre 2022.
Cette année, la croissance du commerce mondial devrait ralentir plus nettement que la croissance du PIB mondial en volume mais, à moyen terme, les rythmes de progression seraient similaires. En 2023, le commerce mondial (hors zone euro) devrait croître à un rythme peu soutenu par rapport à sa moyenne de long terme, marquant une forte décélération par rapport à 2022. En effet, la dissipation des goulets d’étranglement au niveau de l’offre, qui avait temporairement stimulé la croissance des échanges au second semestre 2022, devrait avoir une incidence limitée au cours de la période à venir. La croissance du commerce mondial devrait se renforcer en 2024 et se stabiliser en 2025. La demande extérieure adressée à la zone euro devrait suivre une trajectoire semblable, son rythme de progression revenant à 2,1 % cette année (après 6,3 % en 2022), avant de remonter progressivement à 3,1 % en 2024 et à 3,3 % en 2025. Les projections relatives au commerce mondial et à la demande extérieure adressée à la zone euro ont été révisées à la hausse pour 2023, principalement en lien avec les résultats meilleurs que prévu pour fin 2022, entraînant d’importants effets de report.
Tableau
L’environnement international
Les tensions sur les prix exercées dans l’économie mondiale demeurent élevées mais les prix à l’exportation des concurrents de la zone euro devraient baisser fortement. La hausse des prix à la consommation à l’échelle mondiale s’est établie à 8,0 % en moyenne l’année dernière et semble avoir culminé à 8,8 % au troisième trimestre 2022. Depuis lors, une désinflation progressive est apparue dans les chiffres mensuels, soutenue par la dissipation des ruptures d’approvisionnement, la baisse des prix de l’énergie et le resserrement simultané des politiques monétaires à l’échelle mondiale. Cela étant, la résistance des marchés du travail et la croissance élevée des salaires, en particulier dans les grandes économies avancées n’appartenant pas à la zone euro, suggèrent que les tensions inflationnistes sous-jacentes demeurent considérables dans l’économie mondiale et que le processus de désinflation sera progressif. Dans le même temps, les prix à l’exportation des concurrents de la zone euro (en monnaies nationales) ont diminué rapidement depuis le pic atteint au deuxième trimestre 2022, en raison d’effets de base négatifs pour les prix des matières premières, reflétant les hypothèses techniques sous-tendant les projections macroéconomiques de mars 2023 établies par les services de la BCE. Si les contributions des tensions intérieures et extérieures en amont demeurent significatives, leur incidence inflationniste devrait se dissiper en 2024.
La croissance des exportations de la zone euro devrait se redresser sous l’effet de l’allègement des goulets d’étranglement au niveau de l’offre et du renforcement de la demande extérieure, soutenant les contributions positives des exportations nettes au PIB entre 2023 et 2025, tandis que la baisse des prix de l’énergie entraînerait une amélioration des termes de l’échange et du compte de transactions courantes de la zone euro. Selon les estimations, les exportations réelles de la zone euro ont légèrement diminué au dernier trimestre 2022 en dépit d’une contraction beaucoup plus substantielle de la demande étrangère. Parallèlement, les importations en volume auraient fortement diminué, en partie sous l’effet d’une correction des importations d’énergie à mesure que les capacités de stockage du gaz ont été comblées, et d’un net repli des importations en Irlande lié à la volatilité des activités relatives aux droits de propriété intellectuelle. Ces évolutions se sont traduites par une contribution positive des exportations nettes à la croissance du PIB en volume. À court terme, la croissance des exportations devrait être soutenue par la dissipation plus précoce que prévu des goulets d’étranglement au niveau de l’offre. La réouverture de la Chine devrait également stimuler la demande de biens de consommation de la zone euro et les exportations de services de voyage. Ces facteurs devraient compenser l’effet modérateur des pertes de compétitivité résultant de l’appréciation récente de l’euro, du choc sur les prix de l’énergie et des coûts engendrés par la transition de l’approvisionnement en gaz russe vers d’autres solutions plus coûteuses mais fiables, du moins à court terme. Les exportations nettes devraient également apporter une contribution positive à la croissance du PIB en 2024 et 2025, tout en se modérant vers la fin de l’horizon de projection (cf. graphique 2). Du côté des prix, les hypothèses de nette baisse des prix des matières premières énergétiques supposent une diminution des prix à l’importation de l’énergie à partir de fin 2022, qui se traduirait par des améliorations des termes de l’échange et du compte de transactions courantes de la zone euro[7], qui resterait positif jusqu’à la fin de l’horizon de projection et a été fortement révisé à la hausse depuis les projections de décembre. La révision des projections relatives au compte de transactions courantes reflète, d’une part, des données faisant état d’une nette amélioration de ce compte au dernier trimestre 2022 et, d’autre part, des corrections à la baisse des prix et des volumes à l’importation sur l’horizon de projection.
Graphique 2
PIB en volume de la zone euro – ventilation des principales composantes de la dépense
Le marché du travail devrait rester solide, le chômage demeurant extrêmement bas sur l’horizon de projection dans un contexte de pénuries persistantes d’offre de main-d’œuvre (cf. graphique 3). L’emploi a progressé de 0,3 % au quatrième trimestre 2022, en dépit de la stagnation de la croissance du PIB en volume. Il devrait continuer d’augmenter sur l’horizon de projection, mais à un rythme plus lent qu’en 2022 (0,8 % en 2023, 0,4 % en 2024 et 0,3 % en 2025). La croissance de l’emploi fait suite à une diminution du risque de récession économique à court terme, le ralentissement de l’activité réelle en 2023 ne devant pas entraîner une augmentation des licenciements. On observerait au contraire une hausse des sureffectifs dans un contexte de pénuries de main-d’œuvre persistantes. En conséquence, la croissance de la productivité devrait revenir à 0,2 % en 2023, avant de se redresser pour atteindre 1,2 % en 2024 et 1,3 % en 2025. Une nouvelle augmentation peu marquée de la population active étant attendue, le taux de chômage se maintiendrait aux alentours du niveau actuel de 6,6 % sur l’ensemble de l’horizon de projection.
Graphique 3
Marché du travail de la zone euro
Par rapport aux projections de décembre 2022, la croissance du PIB en volume a été révisée à la hausse de 0,5 point de pourcentage pour 2023, mais à la baisse de 0,3 point de pourcentage pour 2024 et de 0,2 point de pourcentage pour 2025. La révision à la hausse pour 2023 reflète un acquis de croissance positif lié à la surprise enregistrée au second semestre 2022 – principalement due à la baisse de la demande d’importations de produits énergétiques – et des révisions à la hausse des perspectives à court terme. Ces dernières résultent d’un ajustement plus rapide que prévu du marché de l’énergie et d’une modération significative de la hausse des prix de l’énergie, de la baisse de l’incertitude qui en découle et de l’amélioration de la confiance ainsi que de la résorption rapide des perturbations de la chaîne d’approvisionnement. Au-delà du court terme, la croissance du PIB a été révisée à la baisse pour 2024 et 2025 en raison de l’accentuation des effets de resserrement de la politique monétaire entraînant une révision à la hausse des taux d’intérêt, du récent durcissement sensible des conditions de l’offre de crédit et de l’appréciation de l’euro, qui l’emportent sur les effets positifs de la baisse de l’inflation sur le revenu et la confiance.
Encadré 3
Répercussions sur la zone euro dans un scénario de rebond plus prononcé de l’économie chinoise
Ce scénario envisage un rebond plus net de l’économie chinoise par rapport à la trajectoire incluse dans les projections de référence, qui causerait également une hausse des cours internationaux des matières premières. Il fait l’hypothèse d’une situation stable en Chine s’agissant de la pandémie, sans nouvelles vagues importantes d’infections au coronavirus ni mesures d’endiguement strictes. Cette situation favoriserait un rebond plus rapide de la confiance des consommateurs et une reprise plus forte de la demande, avec des effets positifs également sur le secteur de l’immobilier résidentiel. Le scénario table sur un redressement sensible de l’activité économique, en particulier à partir du deuxième trimestre 2023, l’incidence négative de la large vague d’infections au tournant de l’année se dissipant plus rapidement qu’anticipé dans le scénario de référence. Cela ramènerait le PIB en volume de la Chine sur sa trajectoire d’avant la pandémie, soutenant également la demande étrangère adressée à la zone euro[8]. Ce scénario envisage également des effets haussiers sur les cours internationaux des matières premières, en particulier du gaz, sous l’effet d’un rebond plus marqué de la demande chinoise, qui devrait se traduire par une hausse plus forte des prix à l’exportation pour les concurrents de la zone euro. Toutefois, ces effets s’inverseraient en 2025 (cf. tableau)[9].
Tableau
Hypothèses du scénario
Le scénario d’un rebond plus fort en Chine aurait des effets limités sur la croissance et l’inflation dans la zone euro. Dans ce scénario, le PIB en volume de la zone euro serait supérieur de 0,1 point de pourcentage en 2023 par rapport au scénario de référence de mars 2023, principalement en raison d’une demande mondiale hors zone euro plus importante (cf. graphique, partie a)[10]. Le choc entraînerait également une augmentation de la demande chinoise de matières premières qui, considérée isolément, ne fait pas peser de risque sur le niveau des stocks de gaz dans la zone euro mais exercerait des tensions supplémentaires sur les prix des matières premières. Cela se traduirait par une hausse de l’inflation de la zone euro de 0,2 point de pourcentage en 2023 et 2024 (cf. graphique, partie b). Cette incidence s’estomperait d’ici la fin de l’horizon de projection avec le rétablissement de l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché des matières premières.
Graphique
Incidence sur la croissance du PIB en volume et la hausse de l’IPCH de la zone euro dans un scénario d’un rebond plus fort en Chine qu’attendu dans les projections de référence de mars 2023
Les répercussions estimées de la réouverture de la Chine sur les perspectives de la zone euro sont relativement incertaines. Tout renforcement de la croissance en Chine du fait de sa réouverture serait probablement tirée par la consommation, avec une intensité en importations plus faible que dans le secteur lié à l’investissement, ce qui signifie que les retombées commerciales pourraient être moins importantes. Cela vaut particulièrement pour la zone euro, dans la mesure où ses exportations vers la Chine concernent essentiellement des produits d’investissement, tandis que les produits de consommation (y compris les produits liés aux voyages) représentent moins d’un quart de ses exportations vers la Chine et seulement 0,45 % de son PIB. L’analyse des consommations intermédiaires confirme qu’un rebond de l’économie chinoise tiré par la consommation générerait des retombées moins importantes pour la zone euro qu’une reprise tirée par l’investissement, la valeur ajoutée absorbée par la consommation finale chinoise étant inférieure d’environ 20 % à la valeur ajoutée absorbée par sa demande d’investissement. Par conséquent, les effets peuvent être plus modérés que dans les simulations du modèle présentées ci-dessus. En outre, la faiblesse persistante du secteur de l’immobilier résidentiel et les séquelles liées à la pandémie pourraient également avoir eu une incidence sur la croissance potentielle, rendant moins probable le retour de l’économie chinoise à sa tendance d’avant la pandémie. En outre, un rebond plus fort en Chine pourrait s’accompagner d’effets d’offre positifs au niveau mondial, et ainsi soutenir la désinflation des biens échangés à l’international. Par ailleurs, le canal des exportations de la zone euro pourrait s’avérer plus vigoureux en raison de l’importance et de l’augmentation des parts de marché à l’exportation de la zone euro dans les biens de consommation en Chine.
2 Perspectives budgétaires
Les modifications des mesures budgétaires discrétionnaires ont été relativement limitées dans la zone euro depuis les projections de décembre 2022[11]. En l’absence de nouvelles informations budgétaires majeures, les révisions des hypothèses budgétaires sont principalement liées à la révision à la baisse des mesures prises face à la crise de l’énergie et à la forte inflation, à 1,8 % du PIB environ, contre plus de 1,9 % du PIB dans les projections de décembre. La révision relativement limitée au niveau de la zone euro masque toutefois une grande hétérogénéité entre pays. D’une part, la contraction substantielle des prix de gros de l’énergie entraîne une baisse des coûts budgétaires de certaines mesures, en particulier les plafonds des prix du gaz et de l’électricité adoptés dans plusieurs pays, en fonction de la conception spécifique de ces mesures et des caractéristiques de leurs marchés de l’énergie. D’autre part, une grande partie de l’aide budgétaire (près de 60 %), principalement les mesures qui prévoient un soutien direct des revenus ou des réductions de taux de TVA, ne dépend pas directement des prix de l’énergie. En outre, dans plusieurs pays, le soutien budgétaire a été révisé à la hausse depuis les projections de décembre, à la suite de l’extension des mesures en 2023 ou de la mise à jour des estimations fondées sur les lois budgétaires définitives. D’autres révisions sont liées à la baisse des besoins de financement du soutien en matière d’énergie, liée notamment aux recettes provenant des contributions exceptionnelles prélevées sur les bénéfices du secteur de l’énergie. Reflétant ces révisions et un reclassement statistique des données budgétaires en Italie, l’orientation budgétaire de la zone euro corrigée des subventions au titre du fonds NGEU devrait être globalement équilibrée en 2023, se resserrer considérablement en 2024 (70 % environ du soutien à l’énergie et à l’inflation devant être retiré à partir de 2023) et rester globalement équilibrée en 2025. Un soutien budgétaire substantiel subsiste néanmoins dans la projection de référence de mars 2023, qui traduit la forte expansion budgétaire observée durant la pandémie, avec une grande incertitude quant à l’ampleur de l’aide face à la crise de l’énergie compte tenu de la récente baisse des prix de l’énergie.
Les perspectives budgétaires de la zone euro devraient s’améliorer sur l’horizon de projection. Après la baisse significative estimée pour 2022, le déficit budgétaire de la zone euro devrait continuer de diminuer, légèrement en 2023 et de manière plus significative en 2024 (à 2,4 % du PIB), puis rester inchangé en 2025[12]. Le recul du solde budgétaire à la fin de l’horizon de projection par rapport à 2022 s’explique par l’amélioration du solde primaire corrigé du cycle et une meilleure composante cyclique, tandis que les paiements d’intérêts augmentent progressivement en pourcentage du PIB sur l’horizon de projection. La dette de la zone euro devrait continuer de diminuer, mais plus lentement après 2022, pour revenir légèrement en deçà de 87 % du PIB d’ici 2025. Cette évolution découle principalement des écarts négatifs entre taux d’intérêt et taux de croissance, qui compensent nettement la persistance des déficits primaires. Néanmoins, en 2025, tant les ratios de déficit que les niveaux de dette devraient rester supérieurs aux niveaux d’avant la pandémie. Par rapport aux projections de décembre, la trajectoire du solde budgétaire a été révisée à la hausse pour la période 2023-2025, quoique de façon marginale seulement à la fin de l’horizon de projection, tandis que les paiements d’intérêts seraient plus élevés sur la période 2024-2025. Le ratio de dette a été révisé à la baisse, reflétant principalement l’amélioration de la trajectoire du solde primaire.
3 Prix et coûts
La hausse de l’IPCH devrait s’élever en moyenne à 5,3 % en 2023, puis ralentir à 2,9% en 2024 et 2,1% en 2025. Selon le scénario de référence, l’inflation globale devrait décélérer de 10,0 % au quatrième trimestre 2022 à 2,8 % au quatrième trimestre 2023, puis osciller autour de 3,0 % en 2024, et ne revenir à l’objectif d’inflation de la BCE de 2,0 % qu’au troisième trimestre 2025 (cf. graphique 4). Ce reflux de l’inflation globale sur l’horizon de projection reflèterait les baisses, à des degrés divers, des taux de variation annuels de l’ensemble des principales composantes et l’effet des mesures budgétaires et des hypothèses relatives aux prix des matières premières (cf. graphique 5).
Graphique 4
Hausse des prix mesurée par l’IPCH de la zone euro
L’inflation globale devrait reculer sensiblement en 2023 tout en restant à des niveaux élevés, en raison d’effets de base baissiers liés à l’énergie, des diminutions des prix de l’énergie et de l’atténuation des tensions en amont. La composante énergie de l’IPCH devrait contribuer largement à ce ralentissement, principalement du fait d’importants effets de base baissiers résultant de la flambée des prix des matières premières énergétiques en 2022 et de la répercussion progressive des hypothèses de nette baisse des prix du pétrole, du gaz et de l’électricité. Par conséquent, la décélération de la hausse de la composante énergie de l’IPCH sur l’horizon de projection correspondrait à des diminutions dans l’ensemble des principales composantes de celle-ci (prix des carburants, du gaz et de l’électricité). L’augmentation des prix des produits alimentaires devrait également ralentir de manière significative en raison de l’atténuation des tensions en amont. La dynamique d’inflation de la composante produits alimentaires non transformés s’est affaiblie depuis l’automne avec la dissipation des tensions à la hausse sur les prix qui résultaient de la sécheresse (sévissant) en Europe l’été dernier. Parallèlement, les tensions sur les prix provenant de la composante produits alimentaires transformés sont restées vives, exerçant de nouvelles pressions haussières à court terme sur la hausse des prix des produits alimentaires. Pourtant, courant 2023, sous l’effet de la baisse des hypothèses relatives aux prix à la production et des prix de l’énergie et des autres consommations intermédiaires, l’atténuation progressive des tensions en amont sur les prix à la consommation des produits alimentaires, conjuguée à des effets de base baissiers, devrait freiner la hausse des prix des produits alimentaires. La hausse de l’IPCH hors énergie et produits alimentaires devrait se modérer graduellement en cours d’année, l’allègement des tensions en amont devant compenser les pressions haussières exercées par le raffermissement de la croissance des salaires. En particulier, les tensions haussières en amont résultant des renchérissements marqués des consommations intermédiaires et de la dépréciation antérieure de l’euro devraient s’estomper, cette évolution étant renforcée par les effets baissiers de l’appréciation plus récente de l’euro et de l’affaiblissement des effets indirects, compte tenu de la nette baisse des hypothèses de prix de l’énergie. La dissipation des pressions provoquées par les goulets d’étranglement antérieurs au niveau de l’offre et les effets de réouverture devraient soutenir le ralentissement attendu cette année de l’inflation mesurée par l’IPCH hors produits alimentaires et énergie. Les marges bénéficiaires, qui avaient augmenté en 2022, devraient également commencer à se modérer à mesure que les pressions concurrentielles produiront des effets. Le ralentissement de l’inflation mesurée par l’IPCH hors énergie et produits alimentaires sera d’abord entraîné par la variation des prix des biens industriels non énergétiques, tandis qu’une croissance salariale plus robuste engendrera une augmentation plus durable des prix des services, qui devrait rester vigoureuse tout au long de 2023. Les variations des pondérations de l’IPCH ont eu une incidence baissière sur l’inflation mesurée par l’IPCH hors énergie et produits alimentaires au cours des premiers mois de 2023 et devraient comporter des effets haussiers au troisième trimestre, tandis que leurs répercussions sur l’inflation globale seraient négatives sur l’ensemble de l’année 2023.
La hausse des prix de l’énergie, qui devrait remonter en 2024 en raison du retrait des mesures budgétaires, ferait baisser l’inflation globale en 2025. Cette évolution refléterait l’hypothèse d’une tendance baissière pour les prix du pétrole, du gaz et de l’électricité. Après une contribution négligeable, en moyenne, à l’inflation globale en 2023, un rebond en 2024 serait principalement dû à la suppression progressive de nombreuses mesures prises par les pouvoirs publics pour freiner la hausse des prix du gaz et de l’électricité. Globalement, les mesures budgétaires compensatoires prises face aux prix de l’énergie et à l’inflation, qui exerceraient une incidence baissière de 0,3 point de pourcentage sur la hausse de l’IPCH en 2023, devraient comporter des effets haussiers d’environ 0,5 point de pourcentage en 2024 et 0,2 point de pourcentage en 2025 en raison de leur retrait[13].
La hausse de la composante produits alimentaires de l’IPCH ralentirait au cours des dernières années de l’horizon de projection, conformément aux hypothèses relatives aux prix des matières premières. La baisse attendue des prix des matières premières énergétiques joue également un rôle important dans le ralentissement de la hausse des prix des produits alimentaires, compte tenu de la consommation intensive d’énergie pour la production alimentaire, en particulier pour les produits alimentaires transformés. En outre, les prix à la production devraient diminuer lentement sur l’horizon de projection.
À moyen terme, la hausse de l’IPCH hors énergie et produits alimentaires devrait se modérer à mesure de l’atténuation progressive des tensions exercées en amont sur les prix (favorisée par les baisses récentes des prix de l’énergie) et de la transmission du resserrement de la politique monétaire à l’économie, tandis que la croissance exceptionnellement vigoureuse des salaires contribuerait à maintenir l’inflation sous-jacente à des niveaux élevés. Le recul attendu, de 4,6 % en 2023 à 2,2 % en 2025, ferait suite à la dissipation des effets haussiers liés aux goulets d’étranglement du côté de l’offre et des retombées de la réouverture de l’économie, associés à l’incidence décalée du ralentissement de la croissance et à une atténuation des répercussions indirectes de la hausse des prix de l’énergie. Même si les fortes révisions à la baisse des prix de gros de l’énergie impliquent des effets indirects moins importants que ce qui ressortait des projections précédentes, ils demeurent élevés au regard des évolutions passées et ne se répercutent que progressivement. Les effets nets estimés devraient donc être encore positifs, mais s’atténuer sur l’ensemble de l’horizon de projection. De même, les tensions à la hausse sur l’inflation sous-jacente exercées par les effets décalés de la dépréciation antérieure de l’euro devraient être moins vives qu’initialement prévu, en raison de l’appréciation récente de l’euro, qui est en partie liée à la politique monétaire plus restrictive menée dans la zone euro. Parallèlement, la persistance d’une croissance élevée des salaires supposera une inflation sous-jacente de 2,2 % en 2025, nettement supérieure à sa moyenne de long terme.
Graphique 5
Progression de l’IPCH dans la zone euro – ventilation des principales composantes
Les salaires devraient nettement augmenter, reflétant les tensions sur les marchés du travail, les hausses des salaires minimum et la compensation de l’inflation, les salaires réels finissant par retrouver leurs niveaux d’avant la pandémie. En moyenne, la progression des salaires devrait s’établir à 5,3 % en 2023 et ralentir à 4,4 % en 2024 et 3,6% en 2025. Pour 2023, le chiffre a été légèrement révisé à la hausse par rapport aux projections de décembre, .les pressions salariales visant la récupération des pertes de pouvoir d’achat étant susceptibles de s’accentuer. En revanche, pour 2024 et 2025, les chiffres ont été revus à la baisse, reflétant une moindre nécessité de compenser l’inflation. D’ici la fin de l’horizon de projection, les salaires réels devraient renouer avec les niveaux observés au premier trimestre 2022. L’accroissement des coûts unitaires de main-d’œuvre devrait encore s’accélérer en 2023, dans un contexte de hausse des salaires et de ralentissement de la croissance de la productivité, avant d’entamer une décélération en raison de la modération salariale et, en particulier, de la reprise de la hausse de la productivité du travail en lien avec le renforcement attendu de l’activité économique.
Les marges bénéficiaires devraient continuer de s’amplifier à court terme, reflétant une forte transmission des tensions sur les coûts dans un environnement d’inflation élevée, avant de se comprimer en 2024 et de se redresser légèrement en 2025. L’augmentation des marges bénéficiaires, qui s’est amorcée en 2021, devrait se poursuivre à court terme. Elle témoigne de leur faible capacité d’absorption des tensions sur les termes de l’échange et indique, par conséquent, une forte transmission de ces hausses de coûts sur les prix de vente. En outre, certains producteurs pourraient continuer d’abuser de l’environnement d’inflation élevée et de la réduction des pressions concurrentielles liées aux déséquilibres de l’offre et de la demande au niveau mondial. En 2024, les marges bénéficiaires devraient diminuer quelque peu, amortissant la croissance relativement robuste des coûts de main-d’œuvre. Elles devraient augmenter à nouveau légèrement en 2025, le ralentissement de la croissance des coûts de main-d’œuvre permettant une plus grande flexibilité en matière de fixation des prix.
Suite à sa poussée en 2022, le taux de croissance annuel des prix à l’importation devrait se modérer considérablement en 2023, entraînant un net allégement des tensions sur les prix d’origine extérieure sur l’ensemble de l’horizon de projection. Après avoir progressé de près de 18 % en 2022, le déflateur des prix à l’importation devrait chuter, conformément aux hypothèses de baisse des prix du pétrole, du gaz et des autres matières premières, et à la résorption des goulets d’étranglement du côté de l’offre de consommations intermédiaires importées. À moyen terme, ce déflateur devrait évoluer globalement en ligne avec sa moyenne de long terme de 1,1 %.
Par rapport aux projections de décembre 2022, la progression de l’IPCH a été révisée à la baisse pour toutes les années de l’horizon de projection (de 1,0 point de pourcentage pour 2023, 0,5 point de pourcentage pour 2024 et 0,2 point de pourcentage pour 2025). L’importante révision à la baisse pour 2023 s’explique par de considérables évolutions baissières non anticipées de la hausse des prix de l’énergie et par des hypothèses de prix de l’énergie nettement plus faibles, partiellement compensées par des données à la hausse inattendues s’agissant de la progression de l’IPCH hors énergie et produits alimentaires. L’incidence moins marquée du retrait des mesures budgétaires sur la hausse des prix de l’énergie, la plus forte diminution des effets indirects et la transmission croissante de la récente appréciation du taux de change expliquent les révisions à la baisse pour 2024 et 2025.
Encadré 4
Analyse de sensibilité : trajectoires différentes des prix de l’énergie
Compte tenu de la vive incertitude entourant l’évolution future des prix de l’énergie, les conséquences mécaniques de trajectoires différentes sur les projections de référence sont évaluées à travers plusieurs analyses de sensibilité. Dans un premier temps, le présent encadré examine les risques que de possibles variations extrêmes des prix des matières premières énergétiques font peser sur les perspectives d’inflation à court terme, en s’appuyant sur les leçons récemment tirées de la forte volatilité de ces prix. Il analyse ensuite l’incidence de trajectoires moins extrêmes des prix de l’énergie – en se fondant sur les anticipations de marché ou en supposant une absence de variations par rapport aux niveaux actuels – sur la croissance du PIB en volume et sur l’inflation mesurée par l’IPCH sur l’ensemble de l’horizon de projection.
D’autres trajectoires des prix du pétrole et du gaz fondées sur l’expérience récente impliquent des perspectives de hausse de l’IPCH à court terme comprises entre 5,3 % et 7,0 % au deuxième trimestre 2023. Une volatilité à court terme aussi forte que celle observée l’année écoulée n’est généralement pas prise en compte par la distribution tirée des options autour des contrats à terme (cf. ci-dessous). Une méthode permettant d’évaluer une telle sensibilité à court terme consiste à envisager les limites supérieure et inférieure des variations à court terme des prix du pétrole et du gaz et d’établir, ensuite, des projections d’inflation à court terme à partir de cette fourchette. Dans cette analyse de sensibilité, les fourchettes fixées vont de 55 à 125 dollars par baril pour les prix du pétrole et de 20 à 150 euros par MWh pour les prix de gros du gaz. Ces prix, dont les niveaux devraient rester inchangés de mars 2023 à juin 2023, sont pris en compte dans l’ensemble des équations énergétiques (carburants, électricité et gaz) utilisées par les services de la BCE pour leurs projections d’inflation à court terme. Les augmentations maximales projetées des prix du pétrole et du gaz entraîneraient une hausse de l’IPCH global de 0,1 point de pourcentage au premier trimestre 2023 et de 1,0 point de pourcentage au deuxième trimestre 2023 par rapport à la projection de référence. Les baisses maximales envisagées des prix du pétrole et du gaz réduiraient l’inflation globale de 0,2 point de pourcentage au premier trimestre 2023 et de 0,7 point de pourcentage au deuxième trimestre 2023.
Graphique
Trajectoires différentes de l’inflation à court terme mesurée par l’IPCH
Sur l’ensemble de l’horizon de projection, des trajectoires des prix de l’énergie différentes sont calculées à partir des prix du pétrole et du gaz tirés des options et d’une trajectoire constante des prix. Un indice synthétique des prix de l’énergie combinant les prix des contrats à terme sur le pétrole et sur le gaz et basé sur des pondérations des importations est employé aux fins de cette analyse de sensibilité. Des trajectoires différentes des prix de l’énergie, à la baisse et à la hausse, sont calculées à partir des 25e et 75e percentiles des densités neutres implicites dans les options sur le prix du pétrole et du gaz au 15 février 2023 (date d’arrêté des hypothèses techniques). Les deux distributions sont orientées à la hausse, suggérant des risques à la hausse pesant sur l’hypothèse technique des projections de mars 2023 établies par les services de la BCE. En outre, une hypothèse de prix constants est intégrée pour les prix du pétrole et du gaz.
Les effets de ces autres trajectoires sont évalués à l’aide d’une série de modèles macroéconomiques élaborés par les services de l’Eurosystème et de la BCE, sur la base d’un indice synthétique des prix de l’énergie. Les effets moyens sur la croissance du PIB en volume et sur l’inflation sont présentés dans le tableau ci-dessous. Les résultats obtenus pour le 75e percentile indiquent, par rapport aux projections de référence relatives à l’IPCH, des écarts à la hausse de 0,6 point de pourcentage en 2023 et 2024, puis de 0,3 point de pourcentage en 2025. Le scénario fondé sur la trajectoire constante des prix présente des effets plus faibles en 2023 et 2024 mais un écart à la hausse similaire pour la progression de l’IPCH en 2025. En revanche, dans le scénario fondé sur le 25e percentile, les incidences sur l’inflation mesurée par l’IPCH sont de -0,4, -0,5 et -0,3 point de pourcentage pour 2023, 2024 et 2025 respectivement. L’incidence sur la croissance du PIB en volume serait de -0,1 point de pourcentage en 2023 et 2024 pour le 75e percentile, tandis que la trajectoire du 25e percentile supposerait une croissance du PIB plus élevée de 0,1 point de pourcentage pour chaque année de l’horizon de projection. L’hypothèse d’une trajectoire de prix constante aurait une incidence négligeable sur le PIB sur l’ensemble de l’horizon de projection.
Tableau
Effets des trajectoires différentes des prix de l’énergie
Encadré 5
Prévisions des autres institutions
Des prévisions établies pour la zone euro ont été publiées par des organisations internationales et des institutions du secteur privé. Elles ne sont toutefois pas directement comparables entre elles ou avec les projections macroéconomiques établies par les services de la BCE, dans la mesure où elles ont été finalisées à des dates distinctes. En outre, elles s’appuient sur des méthodes différentes pour le calcul des hypothèses relatives aux variables budgétaires, financières et externes, y compris les prix du pétrole, du gaz et des autres matières premières. Enfin, les méthodes d’ajustement en fonction du nombre de jours ouvrés diffèrent également selon les prévisions.
Tableau
Comparaison des prévisions récentes relatives à la croissance du PIB en volume et à la progression de l’IPCH dans la zone euro
La projection de mars 2023 établie par les services de la BCE en ce qui concerne la croissance du PIB se situe au-dessus ou dans la limite supérieure des intervalles des autres prévisions pour 2023 et 2024, mais à l’intérieur de la fourchette pour 2025, tandis que la projection relative à la progression de l’IPCH est inférieure à la fourchette des autres prévisions pour 2023, mais à l’intérieur par la suite. La projection de croissance du PIB de la BCE est légèrement supérieure à la fourchette des autres prévisions pour 2023. Pour 2024, la projection des services de la BCE est conforme à celle du FMI mais légèrement supérieure aux autres prévisions, en particulier celles du Consensus économique. Elle est similaire aux autres prévisions pour 2025. En ce qui concerne l’inflation mesurée par l’IPCH, la projection de la BCE est inférieure à toutes les autres prévisions pour 2023, très probablement du fait qu’elle tient compte des dernières baisses des prix de l’énergie. Sur le reste de l’horizon, elle s’inscrit à l’intérieur de la fourchette des autres prévisions.
Encadré 6
Illustration de l’incertitude entourant les projections
Comme tout exercice prospectif, les projections économiques sont intrinsèquement empreintes d’incertitude. Même si elle n’est pas directement observable, l’incertitude entourant les projections reflète essentiellement le degré de confiance des prévisionnistes à l’égard de prévisions ponctuelles et, plus généralement, des perspectives économiques. L’incertitude relative aux projections établies par les services de l’Eurosystème/de la BCE peut avoir différentes sources, comme le caractère conditionnel des hypothèses, les chocs futurs (leur taille et leur nature, par exemple) et les modèles de projection sous-jacents.
Avant la pandémie, l’incertitude entourant les projections de l’Eurosystème/de la BCE était illustrée dans les communications publiques par le biais de fourchettes symétriques autour de la prévision ponctuelle, dont le calcul était réalisé à partir des erreurs de projection antérieures. Étant donné que les incertitudes ne sont pas toujours aisément quantifiables, la BCE, comme plusieurs de ses pairs, se fondait sur les erreurs de projection antérieures pour réaliser une approximation globale de l’incertitude. Cette incertitude était illustrée par des fourchettes dont l’amplitude était deux fois supérieure à la valeur absolue moyenne de ces erreurs de projection, les valeurs extrêmes étant exclues de l’échantillon d’erreur. En outre, la distribution des projections était supposée être parfaitement symétrique, le niveau d’incertitude étant indiqué par l’absence d’information sur la balance des risques entourant les projections, cette dernière étant communiquée dans la déclaration de politique monétaire.
Immédiatement après la pandémie, l’incertitude a été illustrée dans des scénarios alternatifs, compte tenu de l’ampleur et de la nature exceptionnelles des chocs subis par l’économie de la zone euro. Face à la pandémie, les secteurs public et privé ont pris des mesures sans précédent pour contenir la propagation du virus. Les répercussions économiques considérables de ces mesures et leur caractère imprévisible supposaient un niveau d’incertitude inédit pour les projections, que le calcul habituel des fourchettes ne permettait pas de refléter correctement. En outre, la vigueur de la réouverture de l’économie mondiale à la suite de la levée des restrictions liées à la pandémie et l’invasion russe de l’Ukraine ont constitué de nouveaux chocs économiques exceptionnels qui ont maintenu l’incertitude entourant les perspectives économiques à des niveaux inhabituellement élevés. Pour mieux illustrer ce niveau d’incertitude, des scénarios alternatifs élaborés à partir de différentes hypothèses relatives à l’évolution future de la pandémie et des mesures d’endiguement associées, ou à la disponibilité du gaz naturel dans la zone euro, ont été publiés. Une analyse rétrospective de ces scénarios confirme qu’ils ont permis de prendre en compte le niveau élevé d’incertitude éprouvé.
L’incertitude entourant les projections de mars 2023 est illustrée par des graphiques en éventail symétriques établis à partir des erreurs de projection antérieures et, par définition, ne reflète pas l’incertitude accrue résultant des tensions récentes sur les marchés financiers (cf. graphiques 1 et 4). La méthodologie suivie pour calculer les fourchettes utilisées dans ces graphiques s’inspire largement des principes appliqués avant la pandémie, supposant une distribution normale des erreurs de projection absolues antérieures, corrigées des valeurs extrêmes[14]. Les valeurs extrêmes sont supprimées pour illustrer l’incertitude dans les périodes non marquées par des évolutions exceptionnelles. Cela pourrait conduire à une sous-représentation de l’incertitude actuelle liée aux récentes tensions sur les marchés financiers. Plutôt que d’être représentée par une fourchette symétrique unique comme lors de la période précédant la pandémie, l’incertitude est désormais illustrée par trois fourchettes différentes, quoique symétriques. Ces fourchettes reflètent des intervalles de projection différents (30 %, 60 % et 90 %) permettant une représentation plus nuancée de l’incertitude. Les intervalles représentent les probabilités que l’observation future se situe dans la fourchette correspondante si les chocs moyens observés sur la période de long terme, hors événements exceptionnels, devaient se matérialiser à nouveau.
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HTML ISBN 978-92-899-5709-0, ISSN 2529-4482, doi : 10.2866/421236, QB-CE-23-001-FR-Q
La date d’arrêté des hypothèses techniques, concernant notamment les prix du pétrole et les taux de change, est le 15 février 2023. Les projections pour l’économie mondiale ont été finalisées le 16 février et les projections macroéconomiques pour la zone euro le 1er mars 2023. Les données de long terme pour la zone euro incluent également la Croatie pour toutes les variables à l’exception de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH). Le présent exercice couvre la période 2023-2025. Il convient de tenir compte, dans l’interprétation de projections sur un horizon aussi long, de la très grande incertitude qui les entoure. Cf. « La performance des projections macroéconomiques établies par les services de l’Eurosystème et de la BCE depuis la crise financière », Bulletin économique, no 8, BCE, 2019. Vous pouvez également accéder aux données utilisées pour établir certains tableaux et graphiques en cliquant sur le lien suivant : http://www.ecb.europa.eu/pub/projections/html/index.fr.html. Une base de données complète regroupant les précédentes projections macroéconomiques établies par les services de la BCE et de l’Eurosystème est disponible à l’adresse suivante : https://sdw.ecb.europa.eu/browseSelection.do?node=5275746.
La composante liquide du surplus d’épargne se calcule comme le montant des dépôts bancaires accumulés des ménages qui dépasse le niveau observé au quatrième trimestre 2019, tous deux en pourcentage du revenu disponible.
S’agissant de la concentration de l’épargne, cf. Dossche, M., Georgarakos, D., Kolndrekaj, A. et Tavares, F., « L’épargne des ménages pendant la pandémie de COVID‑19 et ses conséquences pour le redressement de la consommation », Bulletin économique, no 5, BCE, 2022.
L’hypothèse relative aux rendements nominaux des emprunts publics à dix ans dans la zone euro repose sur la moyenne pondérée des rendements des obligations de référence à dix ans, pondérée par les chiffres annuels du PIB et complétée par l’évolution anticipée déterminée à partir de la courbe des taux des emprunts à dix ans dans la zone euro de la BCE, à leur valeur nominale, pour l’ensemble des titres, l’écart initial entre les deux séries étant maintenu à un niveau constant sur l’horizon de projection. Les écarts de rendement entre les emprunts publics des différents pays et la moyenne correspondante de la zone euro sont supposés constants sur l’horizon de projection.
Les hypothèses techniques relatives aux prix des matières premières sont fondées sur l’évolution induite par les contrats à terme et tiennent compte de la moyenne de la période de deux semaines se terminant à la date d’arrêté du 15 février 2023.
Le Q de Tobin correspond à la valeur d’un logement existant divisée par les coûts liés à sa construction.
Selon la définition de la balance des paiements.
Le scénario repose sur l’hypothèse que la stratégie chinoise dynamique « zéro COVID » a été le principal facteur limitant la capacité de l’économie à revenir à sa trajectoire d’avant la pandémie. La levée de cette contrainte permettrait par conséquent une reprise complète de la consommation. En outre, le scénario suppose que le secteur immobilier bénéficierait d’une confiance plus forte des consommateurs et se redresserait donc plus nettement que prévu. L’amélioration de la confiance pourrait également soutenir les prix de l’immobilier, renforçant encore une interaction positive entre consommation et logement, compte tenu du rôle essentiel joué par le logement dans le patrimoine des ménages chinois.
L’augmentation de la demande chinoise se traduirait par une hausse des prix du pétrole et du gaz sur la base des hypothèses relatives à la demande de pétrole fournies par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et modulées en fonction de l’ampleur relative du choc sur le PIB ainsi que de l’élasticité entre la demande (de pétrole) et les prix du pétrole tirée de Caldara, D., Cavallo, M. et Iacoviello, M., « Oil price elasticities and oil price fluctuations », Journal of Monetary Economics, vol. 103, 2019. S’agissant du marché du gaz, les estimations des services de la BCE sont fondées sur un modèle vectoriel autorégressif bayésien pour le marché européen et sur les estimations de l’AIE relatives au passage du gaz au pétrole en Chine. En outre, pour les prix du gaz, le scénario fait l’hypothèse d’un rebond total de la demande chinoise de gaz naturel liquéfié pour atteindre les niveaux de 2021 sans passage du gaz au pétrole. Le scénario inclut également une plus grande sensibilité des prix européens du gaz aux chocs d’approvisionnement sur un marché européen (du gaz) tendu.
Le modèle estime l’effet sur l’ensemble de la zone euro sans tenir compte de l’hétérogénéité entre pays et de ses retombées.
Les projections budgétaires ne tiennent compte que des mesures discrétionnaires déjà approuvées, à la date d’arrêté, par les parlements ou entérinées par les gouvernements, qui ont été présentées en détail et devraient être adoptées dans le cadre du processus législatif.
Cela s’explique principalement par un reclassement important dans les données budgétaires italiennes, sans laquelle le déficit de la zone euro aurait temporairement augmenté en 2023. Sur l’horizon de projection actuel, ce reclassement implique une révision à la hausse du déficit budgétaire de la zone euro d’environ 0,3 point de pourcentage du PIB en 2022 et une révision à la baisse estimée à environ 0,1 point de pourcentage sur la période 2023-2025.
Ces effets sont calculés par rapport à une trajectoire contrefactuelle d’inflation ne tenant pas compte des mesures budgétaires. Ils varient d’un pays à l’autre, reflétant l’hétérogénéité des mesures prises dans les différents pays. Par exemple, les mesures de fiscalité indirecte réduisent les prix et leur hausse lorsqu’elles sont introduites, et leur suppression progressive font augmenter ceux-ci. Quand des mesures budgétaires sont utilisées pour plafonner les prix, l’ampleur du rebond de l’inflation diffère selon qu’elles sont encore contraignantes, ce qui dépend des évolutions des prix de gros de l’énergie ainsi que de l’ampleur et la rapidité avec lesquelles les hausses de prix antérieures ont été répercutées sur les prix à la consommation. D’autres mesures ont trait aux transferts vers les ménages : soutenant la demande, elles ont une incidence plus faible et moins directe sur l’inflation.
Les erreurs moyennes absolues sont calculées comme la moyenne des différences absolues entre la projection pour un trimestre donné et la réalisation telle qu’elle est disponible au trimestre suivant. L’échantillon actuel d’erreurs de projection couvre la période allant du quatrième trimestre 1998 au quatrième trimestre 2022 et sera mis à jour à chaque exercice de projection. Si toutes les variables projetées sont entourées d’incertitude, seules les fourchettes relatives à la croissance du PIB en volume et à l’augmentation de l’IPCH sont illustrées.
- 16 March 2023