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Entretien avec France Info TV

Entretien avec Benoît Cœuré, membre du directoire de la BCE, accordé à Jean-Paul Chapel, le 9 novembre 2017

L’endettement mondial est à des niveaux record. Pour les pays riches, la dette des Etats est à plus de 100 % du PIB. Est-ce qu’il n’y a pas là, les germes de la prochaine crise mondiale?

C’est un sujet d’attention, mais je ne pense pas que la prochaine crise financière viendra de là.

Elle viendra d’où, alors?

Je n’en sais rien. Mais à la BCE, nous sommes plus inquiets de la progression de l’endettement privé, qui est rapide.

La dette des entreprises?

La dette des entreprises, oui, et le « shadow banking », ces crédits qui ne sont pas accordés par les banques.

La banque obscure...

La banque de l’ombre. Celle qui est mal régulée. On voit un peu partout une tendance à vouloir alléger la régulation bancaire, à un moment où, comme vous le dites, les taux d’intérêt sont très bas. Tout cela est une source de risques. La dette des Etats, c’est un souci, mais ce n’est pas un risque de crise financière. Nous voulons être sûrs, lorsque la prochaine crise frappera l’Europe, que les Etats, les gouvernements, auront une force de frappe budgétaire. Aujourd’hui, cette force de frappe budgétaire est très limitée voire n’existe pas. C’est pour cela qu’il faut que les États se désendettent.

Mais en attendant, vous, banques centrales, BCE et d’autres banques, avec les taux bas, avec les liquidités abondantes, vous alimentez ces bulles...

Il est vrai que les taux bas peuvent créer des risques pour la stabilité financière, nous en sommes conscients. Plus longtemps nous mènerons ces politiques, plus longtemps les taux resteront bas, et plus ces risques existeront. Cela montre l’urgence d’avoir des politiques de croissance qui ne reposent pas essentiellement sur la politique monétaire. L’ensemble des politiques serait plus sain de ce point de vue, puisqu’elles ne créeraient pas de risques d’instabilité financière. Nous suivons cela avec attention et nous ne voyons pas aujourd’hui, au niveau de la zone euro, de bulles financières. Il y a des petits signaux d’inquiétude. En France, par exemple, la dette des entreprises progresse très vite. Mais il n’y a là rien qui jusitifierait aujourd’hui que la BCE retire son soutien à la croissance. La politique monétaire, c’est un soutien à la croissance, un soutien à la création d’emploi. On ne va pas retirer ce soutien aujourd’hui pour cette raison là.

Alors on va parler d’Europe, de construction européenne, c’est l’objet de la question qui fâche, elle vous est posée par Jean-Baptiste Duval du Huffington Post.

« La construction européenne est un magnifique succès » dites-vous dans le JDD, mais de quoi parlez-vous au juste ? Du non référendum de 2005, superbement ignoré ? Du soutien accordé à la Grèce, un peu comme la corde au pendu ? Ou du retour de flammes nationalistes au Royaume-Uni et dans les pays de l’est ? Blague à part, Benoît Cœuré, vous vivez dans une tour d’ivoire à Francfort, ou vous savez des choses que les européens ignorent?

Vous savez des choses que les Européens ignorent?

Non, on ne sait pas des choses que les Européens ignorent, on essaie de faire le mieux possible notre travail, qui est d’assurer la stabilité des prix dans la zone euro. Et je ne pense pas qu’il faille être négatif sur l’Europe. Tout ne marche pas très bien; il y a beaucoup de choses qui ne marchent pas bien et qu’il faut améliorer. Mais que dirait-t-on aux millions d’Européens de l’Est qui ont rejoint la prospérité grâce à l’Europe, si l’Europe n’existait pas aujourd’hui ? Aux millions de Français qui travaillent dans des entreprises qui exportent en Europe? Et quand vous voyagez, partout dans le monde, l’Europe est admirée. Pourquoi ? Parce que c’est un espace de prospérité, mais aussi parce que c’est un espace de sécurité, et de protection sociale. L’Europe, c’est un des seuls endroits dans le monde où quand vous allez à l’hôpital, on ne vous demande pas votre carte de crédit. C’est cela qu’il faut préserver, mais il faut le préserver ensemble, entre Européens.

Emmanuel Macron veut un budget de la zone euro, avec plus de solidarité entre les Etats. Est-ce que cela se faire bientôt?

C’est nécessaire parce qu’il faut que les Etats retrouvent une force de frappe budgétaire. Cela ne serait pas raisonnable de s’attendre à que la Banque centrale européenne résolve tous les problèmes économiques de l’Europe indéfiniment. Il faut recréer une capacité économique, une capacité budgétaire. Mais cela ne va pas se faire en un jour; les idées françaises ne vont pas s’imposer à l’Europe par magie, cette discussion sera longue. Pour cela, il faut recréer de la confiance entre pays européens. C’est la confiance qui est la clé.

Comment, côté français, on la recréé?

En menant les réformes, et cela, la France le fait.

Et en baissant les déficits, encore plus?

En continuant à baisser les déficits pour que la dette se réduise et pour que la France soit prête lorsque la croissance ralentira.

Et en diminuant les dépenses publiques encore plus?

Ce n’est pas à la BCE de dire au gouvernement français ce qu’il faut faire dans le détail, mais ce que l’on souhaite c’est que la France ait une capacité de réaction économique lorsque la croissance ralentira, et ne se repose pas entièrement sur la politique monétaire.

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